Depuis des millénaires, le Périgord est une terre de tradition et de gastronomie dont la renommée n’est plus à faire… Depuis le Moyen-Âge, un autre produit de terroir a participé au rayonnement de notre région, le Safran ! En Périgord, on en trouvait surtout au pied des vignes, car le Crocus sativus aime les terres argilo-calcaires. Le safran est une épice rare et chère dont le rendement à l’hectare n’est que de deux kilos. Le kilo de safran se négocie 35 000 €. Un gramme de bonne qualité se vend 40 € au détail. Les premiers acheteurs sont d’ailleurs l’industrie pharmaceutique et la parfumerie. Bien que sa culture ait beaucoup perdu de sa vitalité, elle renaît depuis quelques années en France. Le Périgord n’est pas en reste…
Le safran est issu de la culture d’une fleur de crocus (Crocus sativus), de la famille des Iridacées. C’est une très belle fleur, aux pétales de couleur mauve-violet, souvent confondu avec la colchique. Mais c’est aussi et surtout une épice aromatique délicate très appréciée, dotée de propriétés gustatives et officinales fort intéressantes. Cette plante vivace n’existe pas à l’état sauvage ; il s’agit d’une plante domestiquée qui dépend de l’intervention humaine pour sa survie et sa reproduction. La multiplication de l’espèce n’est possible que par reproduction végétative ou division du bulbe.
Le safran est produit sur une large ceinture qui s’étend d’Ouest en Est, de la Méditerranée au Cachemire. Avec une production de 109 tonnes de safran en 2011, l’Iran est le plus grand producteur d’or rouge. Mais il s’est également acclimaté dans plusieurs régions de France, et plus particulièrement dans le Gâtinais, le Quercy et le Périgord Noir.
Le mot safran tire son origine du latin safranum, aussi ancêtre du portugais açafrão, de l’italien zafferano et de l’espagnol azafrán. Safranum vient lui-même du mot arabe aṣfar, signifiant « jaune », via la paronymie avec le mot zaʻfarān, le nom de l’épice en arabe. Selon d’autres sources, s’appuyant sur la présence de cultures de safran sur le plateau iranien, safranum viendrait du persan Zarparan, zar signifiant « or » et par signifiant « plume », ou « stigmate » (1).
Au milieu de l’automne, les fleurs ouvrent leur corolle. La floraison est éphémère. En une seule journée, la fleur peut se faner. Il faut donc la cueillir dans l’instant. Parce que le safran nécessite une culture exclusivement manuelle, parce qu’il faut environ 150 000 à 200 000 fleurs pour produire un seul kilo de safran sec, parce que chaque stigmate doit être cueilli à la main, un à un, on comprend pourquoi la production mondiale – estimée entre 100 et 150 tonnes – est relativement modeste et pourquoi le prix de cette épice est aussi élevé : de 30 à 40 € le gramme en 2013. Plus cher que la truffe, le caviar ou l’or, on comprend également pourquoi on parle du safran comme de l’ « or rouge ». À titre de comparaison, un kilo de safran de très bonne qualité équivaut à dix kilos de truffes ou à deux lingots d’or (lorsque le cours de l’or est bas). C’est sans conteste l’épice la plus onéreuse au monde !
Un safranier expérimenté cueille en moyenne 1200 fleurs à l’heure… Il faut 150 à 200 fleurs pour obtenir 1 gramme de Safran sec, soit 150 000 à 200 000 fleurs pour obtenir, après émondage, un seul kilo de safran sec, l’équivalent de 40 à 45 heures de travail intense.
Les différents usages du safran
Depuis la nuit des temps, le safran a su se rendre indispensable. Sa renommée est due à ses propriétés culinaires, ses capacités tinctoriales, ses vertus médicinales, pharmacologiques et cosmétiques. Voici un bref tour d’horizon des différents usages du safran :
- GASTRONOMIE : aujourd’hui, le safran est avant tout utilisé en cuisine. Son arôme chaleureux, sa capacité de coloration unique et ses vertus en ont fait l’épice la plus prisée au monde. Pour en savoir plus sur l’utilisation de cette épice exceptionnelle, consultez la page consacrée au safran dans la cuisine.
- MÉDECINE : le safran n’est pas un médicament, mais il possède des vertus médicinales indéniables. Les stigmates renferment de l’huile essentielle volatile, aromatique, irritante, associée à un hétéroside amer. Ses principales propriétés sont les suivantes : emménagogue, hypnotique, sédatif, stimulant, tonique. Plusieurs essais cliniques confirment les vertus médicinales du safran principalement en tant qu’agent anticancéreux et antioxydant (neutralise les radicaux libres pour agir comme « anti-âge »). Parmi les autres actions positives sur le métabolisme citons : un pouvoir anticoagulant, la réduction du taux de mauvais cholestérol, un stimulant sur l’activité cérébrale (amélioration de la mémoire), une action euphorisante…. Signalons aussi ses vertus antispasmodiques, anti-inflammatoires et analgésiques qui calment bon nombre de douleurs : douleurs oculaires, douleurs dentaires, douleurs menstruelles. D’autre part, ce serait un aphrodisiaque féminin et il soulagerait les règles douloureuses. Enfin, grâce à ses vertus sédatives, le safran permet d’atténuer les insomnies légères.
Attention toutefois : au-dessus de dix grammes, le safran devient une drogue hilarante qui provoque une accélération cardiaque, des vertiges hallucinatoires, une paralysie du système nerveux central pouvant entraîner la mort. - TEINTURE : le safran compte 5 colorants différents, tous des caroténoïdes solubles dans l’eau. Mais c’est la crocine, contenue dans les pistils, qui est la substance colorante la plus puissante. Tellement puissante qu’un gramme de safran suffit à colorer d’un jaune lumineux cent litres d’eau. Lorsque la concentration est plus élevée, la couleur vire à l’orangé foncé, voire au rouge. Aussi précieux que la pourpre (pigment obtenu à partir du murex, un mollusque marin), le safran servait à teindre les vêtements des rois babyloniens, mèdes ou perses. Les égyptiens se servaient du safran pour teindre les bandelettes des momies, des murs, du bois… Dans la monarchie grecque, les tuniques couleur safran étaient l’emblème des rois. Les mariés de Rome portaient des voiles teints au safran, coutume qui s’est perpétuée jusqu’au Moyen-Âge. Aujourd’hui, certains moines bouddhistes portent des robes traditionnelles de couleur safran (toutefois, pour des raisons de coût, le curcuma – également appelé « safran des Indes » – remplace de plus en plus souvent le safran issu de la culture du Crocus sativus ; mais rien ne peut égaler l’éclat de sa couleur, qui est inimitable (2).
- ENCRE : au Moyen-Âge, dans les religions chrétienne et arabo-islamique, les enlumineurs utilisaient le safran, à la place de l’or, pour décorer les parchemins. Les auréoles des saints étaient également peintes de cette encre d’or afin de leur donner cette couleur céleste (3).
- COSMÉTIQUE : dans l’antique Égypte, on utilisait un mélange de lait d’ânesse ou de graisse au safran afin de conserver beauté et jeunesse. Cette préparation était appliquée sur la peau ou pris en infusion. Cléopâtre connaissait les propriétés antioxydantes du safran et elle exigeait d’en voir dans la quasi-totalité de ses produits de beauté. Elle adorait prendre des bains au lait d’ânesse et au safran afin de conserver une peau douce. Durant la période gréco-romaine, on utilisait le safran comme mascara, parfum et déodorant. On sait également que les habitants de Rhodes portaient de petits sacs de safran pour masquer les effluves nauséabondes émises par certains concitoyens malodorants lors de sorties au théâtre. Marc-Aurèle prenait des bains au safran afin d’augmenter sa virilité et avoir une peau teintée. Les riches romains faisaient de même. Aujourd’hui, le safran est encore utilisé comme mascara, pour surligner les yeux en colorant les cils et leur donnant plus de longueur apparente. Pour ce faire, il suffit de concasser un sucre avec des stigmates broyés. Signalons également que l’eau safranée peut être utilisée pour la teinture des cheveux.
Notes :
- (1) Safran (épice), Wikipedia.
- (2) Histoire du safran, Wikipedia.
- (3) Le safran Royal, L’or rouge, Utilisations.
Crédit Photos :
- Safran, photo du titre, © Jacqueline Schmid, CC0 Public Domain.
- Safran, épice extraite de la fleur du Crocus sativus, par Hubertl, via Wikimedia Commons.