Dordogne ou Périgord ?
Périgourdin ou Périgordin ?

Dans tous les guides touristiques ainsi que dans les ouvrages de référence, les mots « Dordogne » et « Périgord » sont utilisés de façon interchangeable… Pourquoi ? De plus, une distinction est souvent faite entre les mots «  Périgourdin  » et « Périgordin »… Que désigne précisément chacun de ces termes ? Quel usage avons-nous retenu sur le site « Esprit de Pays, Dordogne-Périgord » ? Explications…

Dordogne ou Périgord ?

La Gaule antique est divisée en civitas, unités désignant la capitale, la région et le peuple qui l’habite. Dans la future Aquitaine, le peuple Gaulois des Petrocorii (les Pétrocores ou Pétrocoriens) donne son nom au territoire du Périgord, dont la capitale est Vesunna (francisé en Vésone, aujourd’hui Périgueux). Les Bituriges-Vivisci, descendants des Celtes, fondent Burdigala (Bordeaux), sur les bords de la Garonne. Les Nitiobriges occupent l’Agenais et fondent Aginnum (Agen), les Vasates le Bazadais, les Santons la Saintonge, les Cadurques le Quercy (Cahors). C’est donc bien avant la conquête des Gaules par Jules César, en 52 avant notre ère, que les quatre tribus celtes résidant aux bords des rivières Dordogne, Isle, Vézère et Dronne, se fédérèrent pour former le peuple des Pétrucores… devenus par la suite les Périgordins. C’est au IIe siècle de l’ère chrétienne, sous l’empereur Hadrien, que Bordeaux devient la métropole de l’Aquitaine seconde (Aquitania secunda).

Comté mérovingien, le Périgord fut, aux IXe et Xe siècles, uni à l’Angoumois puis à la Marche. Les étapes clés à retenir pour cette période sont les suivantes : vers 778, alors que ce territoire fait partie du royaume d’Aquitaine, Charlemagne le donne à Widbode, le premier en date des comtes du Périgord. Ces successeurs restèrent inconnus jusqu’à Wulgrin qui, en 866, fut placé à la tête des comtés d’Angoumois et de Périgord par Charles le Chauve. En 970, le comté passe par mariage dans la maison de la Marche.

En 1153, Eléonore de Guyenne, fille de Guillaume IX, dernier duc d’Aquilaine, épousa Henri Planlagenel – après avoir été répudiée par Louis-le-Jeune – et lui apporta en dot les domaines de son père, dont le Périgord faisait partie avec l’Auvergne, le Limousin, le Poitou, l’Angoumois, la Saintonge et la Guyenne. Ce mariage fut célébré le 18 mai 1152, et furent couronnés roi et reine d’Angleterre le 19 décembre 1154. Cet événement fut à l’origine d’une période bien agitée pour le Périgord et les Périgordins.

Le comté redevient français en 1224, mais rejoint l’Angleterre en 1258. Confisqué par Philippe le Bel en 1294, il est par trois fois restitué aux Anglais avant de rejoindre définitivement le giron de la France en 1454, à la fin de la guerre de Cent ans. En 1481, suite au mariage d’Alain d’Albret avec Françoise de Blois-Bretagne, comtesse de Périgord, et vicomtesse de Limoges, le Périgord échoit à la maison d’Albret. À la mort de Jeanne d’Albret, en 1572, le comté passe à son fils, Henri III de Navarre, qui devient Henri IV à la mort d’Henri III. Avec l’édit de juillet 1607, Henri IV réunit le Périgord à la couronne.

Sous l’Ancien Régime, le Périgord fait partie du gouvernement de Guyenne-Gascogne et de la généralité de Bordeaux.

Tout au long de ces péripéties mouvementées, les limites territoriales du Périgord restèrent pratiquement identiques à celles de la confédération gauloise originelle. Ni les Romains, ni Aliénor, ni la Révolution, ni même Napoléon n’osèrent les modifier. Sous la Révolution, le département s’appelait donc « Périgord ». Mais il doit néanmoins changer de nom, lorsque l’Assemblée nationale décide d’utiliser des patronymes en rapport avec l’hydrographie pour nommer les départements. C’est ainsi qu’en 1790, il devient la Dordogne, en référence à la rivière la plus importante qui le traverse. — Pour de plus amples informations, consultez la page La naissance du département de la Dordogne.

Toutefois, sous le poids des habitudes locales, solidement ancrées, les habitants ne cesseront jamais d’utiliser l’ancienne terminologie en souvenir de leur petite patrie. Et aujourd’hui encore, le département porte les deux noms : Périgord pour son passé historique et Dordogne pour le présent administratif.

« Le Périgord se définit par l’histoire et par des traditions plus aisément que par la géographie. » – Daniel Faucher. Géographie de la France, Larousse.

Cette hésitation, entre passé et présent, témoigne bien du fait que les Périgordins ont toujours été tiraillé entre une aspiration à la révolte — symbolisée par les jacqueries des croquants — et un repli méfiant sur leurs traditions ; et cela explique également pourquoi ce département est longtemps demeuré à l’écart de la modernité, et pourquoi les joyaux dont elle se pare encore actuellement sont aussi bien préservés.

Alors, Dordogne ou Périgord ? Peu importe ! Si vous ne souhaitez pas trancher, faites comme certains officiels qui n’hésitent pas à utiliser l’expression officieuse de « Dordogne-Périgord ».

Périgourdins ou Périgordins ?

Comme indiqué précédemment, l’ancienne province du Périgord, ainsi que la ville de Périgueux, tirent son nom du latin Petrocorii. Ce nom désigne une peuplade gauloise, d’origine celtique, les Pétrucores (ou Pétrocores), qui s’est établi entre les rives du Bandiat (au nord) et du Dropt (au sud) – principalement, le long de l’Isle (sur le site actuel de Périgueux et de Coulounieix-Chamiers) –vers 450 avant notre ère, bien avant la venue de Jules César en 52 avant notre ère. La Civitas Petrucororium, est l’une des vingt et une circonscriptions de la province romaine d’Aquitaine créée sous Auguste en 16 avant notre ère. La capitale de ce territoire est Vesunna, l’actuelle Périgueux.

L’étymologie du terme latin Petrocorii vient de deux termes gaulois : petru- (ou petra), l’adjectif qui signifie « quatre », et corios qui signifie « armée » ou « rassemblement d’hommes » (corii étant le nominatif puriel de corio). Petrocorii se traduit donc par « quatre armées » ou « les quatre clans ». Certains historiens disent aussi pétrucore.

L’étymologie du terme « Petrocorii » n’est guère sujette à discussion parmi les linguistes, seuls les historiens l’interprètent parfois un peu différemment.

Le premier élément s’explique par le gaulois petru- « quatre ». Il est déduit de l’ordinal petuar(ios) attesté sur une poterie de La Graufesenque (tuđđos petuar « quatrième fournée ») et du composé gaulois latinisé petorritum (« (char) à quatre roues »), ainsi que dans divers toponymes Petromantalo, Pierremande « carrefour » (en latin quadri-furcus). La forme petru- est bien attestée dans Petru-sidius, petru-decameto (« quatorze »), etc. On compare avec le gallois pedwar : pedr- et le breton pevar signifiant « quatre ». C’est la même étymologie que le latin quadru- et celle du gotique fidur- (cf. anglais four) qui remontent tous à l’indo-européen.

Le second élément corios signifie « armée » et se rencontre dans l’ethnonyme Tricorii « les trois armées » (avec tri- traduit « trois ») et des Coriosolites, ainsi que dans divers toponymes et noms de personnes. Il s’agit du même mot qu’en celtique moderne (cf. en irlandais cuire traduit « troupe » ou « armée » ; en vieux breton cor- qui veut dire « famille », « troupe »). Il s’agit d’un parent du germanique *hari- (en gotique harjis retranscrit « armée » et en vieux haut allemand hari voulant dire le même mot) et du grec koiranos « chef d’armée ».

Le sens général de Petrocorii serait donc celui des « quatre armées » ou « les quatre clans ».(1)

Aujourd’hui, on désigne parfois les habitants de Périgueux les Pétrocoriens (au féminin Pétrocoriennes), bien que le vocable Périgourdins soit préféré. Les habitants du Périgord, quant à eux, sont appelés les Périgordins, comme l’attestent les écrits de Pierre de Bourdeille dit Brantôme, Montaigne et Eugène Le Roy, pour ne citer que ces trois-là.

Périgordin dérive tout naturellement de Périgord… C’est, je pense, vers la seconde moitié du dix-huitième siècle que l’on commença d’ajouter au mot « périgordin » cet « u » qui l’alourdit, l’assourdit et lui donne une physionomie engoncée… « périgordin » est la vraie orthographe étymologique, historique, euphonique, et je m’y tiens. – Eugène Le Roy. L’année rustique en Périgord. Montignac-sur-Vézère. Les Éditions du Périgord Noir, 1946.

Même s’il y a encore aujourd’hui quelques rares écrivains du terroir désireux d’utiliser l’orthographe et la prononciation authentiques (en fait, l’ancienne terminologie Périgordins), il est d’usage d’appeler Périgourdins tous les habitants de ce pays, bien que ce mot devrait logiquement désigner, répétons-le, les habitants de la ville de Périgueux et du Périgord central, autour de Périgueux.

Toutefois, aux dires de Léon Michel, il semblerait que les habitants du département de la Dordogne ne se sentent pas trop concernés par ce débat : « Il faut cependant noter qu’en dehors du Périgord central, autour de Périgueux, qui est bien le pays de Périgourdins, les autochtones, amoureux des nuances et pénétrés du particularisme de leur terroir, préfèrent s’appeler Nontronnais, Ribéracois, Sarladais, Bergeracois et même, dans certaines communes des cantons de Bussières-Badil, de Saint-Pardoux-la-Rivières, et de Jumilhac-le-Grand, tout à fait au nord du département, sur les confins de la Haute-Vienne, l’appellation limousine est revendiquée assez fréquemment. »

Alors, Périgourdins ou Périgordins ? « Esprit de Pays, Dordogne-Périgord » respecte le plus souvent l’usage, mais pas toujours ! C’est donc le contexte qui permet de savoir si l’on parle des habitants de la ville de Périgueux, ou bien de l’ensemble des habitants du département de la Dordogne.


Sources et crédit photo :

  • (1) Wikipédia : Pétrocores.
  • (2) Le Périgord, le Pays et les Hommes, Léon Michel, Édition Pierre Fanlac, Périgueux, 1969.
  • Bernard Lachaise (dir.) et al., Histoire du Périgord, Périgueux, éditions Fanlac, ISBN 2-86577-216-0.
  • Rivière Dordogne en Périgord © Luc Viatour – Licence de documentation libre GNU, version 1.2.

PRÉSENTATION DU DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE

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