Le Mai des élus

Tel l’arbre qui reverdit à la nouvelle saison, l’arbre de Mai réapparaît à chaque élection… Car c’est bien d’un arbre dont il s’agit et non d’un vulgaire poteau. Le houppier laissé à sa cime en témoigne.

En le voyant émerger de l’enchevêtrement des toits roux de Dordogne, on se demande d’abord de quelle fête médiévale il peut bien être le vestige. Et puis la lecture du message qu’il arbore nous renseigne sur sa fonction : « À notre élu(e)… honneur aux élus… à notre maire ».

Contrairement au terrible charivari dont le cérémonial stigmatisait ceux que l’on accusait d’avoir transgressé les règles de la communauté, la « maïade » est une fête en l’honneur des nouveaux élus. Elle consiste à planter le « Mai ». Cette tradition marque la reconnaissance de la société envers ses élus… Ne leur rappelle-t-elle pas également les engagements pris au cours de la campagne électorale et leurs responsabilités à venir ?

Sa préparation fait l’objet d’un rituel auquel toute la population du lieu est associée. La plupart du temps ce sont les conseillers municipaux déjà en place et proches de l’élu qui vont en être « secrètement » les organisateurs, mais jamais l’élu lui-même.

– Aller d’abord couper cet arbre, le plus haut et le plus droit, l’élaguer, le transporter, préparer le message honorifique et puis l’emblème de la République : un ou deux drapeaux tricolores croisés, ou un par élu (en faisceau) s’il s’agit d’un mât collectif.

– Faire naitre « en secret », lors d’une mémorable soirée, les traditionnelles fleurs en crépon qui y seront posées, en cercle ou en guirlande.

– Accompagner ceci d’au moins une montagne de craquantes merveilles et de blond vin blanc moelleux… car travail et bavardage donnent faim et soif !

Enfin, dernier élément de ce secret de polichinelle, l’élu lui-même qui sait bien ce qui l’attend, fort ému souvent d’être le centre de cette fête et de voir ce cortège envahir joyeusement sa demeure. Il a prévu bien sûr, et généreusement, tout ce qui va accompagner cette plantation en son jardin (ou en terrain public si le Mai est collectif).

Que ces agapes soient l’occasion de fêter sa victoire ou de réconcilier magnanimement les parties adverses, elles marqueront le début de sa vie publique : un acte d’investiture officielle, un engagement au service des siens, symbolisé par leur venue spontanée en son domicile.

Cette pratique propre au grand Sud-Ouest s’étend actuellement à tous ceux que l’on veut honorer : patrons, enseignants, nouveaux mariés ou couples nouvellement installés dans une maison, artisans si désirés en milieu rural, ou bien encore anniversaires.

Ainsi a perduré à travers les siècles l’arbre de Mai : des rites de fécondité liés au retour de la frondaison aux révoltes paysannes… arbre de la Liberté en 1794 et Mai des élus aujourd’hui.

Jacqueline Marvier


Un arbre de mai à Domme, Dordogne

Un arbre de mai à Domme, Dordogne


La tradition de l’arbre de mai est un rite de fécondité lié au retour de la frondaison. Jadis répandu dans toute l’Europe occidentale, ce rite prend son sens dans le cycle du mai traditionnel.

D’un point de vue mythologique, le mois de mai est, depuis toujours, le mois des fêtes en l’honneur de la végétation, des fleurs, des sources et de l’eau. Dans certaines traditions, c’est le mois du retour des morts et des ancêtres mythiques. Chez les Romains, le mois de mai était celui de Maia, déesse de la fécondité, c’est-à-dire un des avatars de la Terre-Mère. Chez les catholiques, ce mois est celui de Marie, qui est associée aux fleurs, et plus particulièrement à la rose. Dans le monde celtique, la date du 1er mai est celle de la fête de Beltaine, la grande fête celtique du dieu Bel, correspondant au dieu gaulois Belenos. C’est une fête du feu.

Selon les endroits, la tradition du Mai des Élus s’est étendue aux patrons d’une petite entreprise (« Honneur au patron »), aux couples nouvellement installés dans une maison et aux mariés. Dans ce dernier cas, le plantage de l’arbre se fait quelques semaines avant le mariage et est l’occasion d’une fête moins formelle entre habitants du village. Il arrive alors que l’on enterre une ou plusieurs bouteilles au pied de l’arbre. Celles-ci seront bues à la naissance du premier enfant. (1)


Sources :

Crédit Photos :

  • Carte postale, Élection de M. René Larrieu, Maire de Moirax.
  • Un arbre de mai à Domme, Dordogne, By Jebulon (Travail personnel), via Wikimedia Commons.

Cet article a été publié dans le numéro 6 du magazine « Secrets de Pays ».

Vous pouvez vous le procurer en consultant la boutique du site…

4 Commentaires

  • Jean-LuK dit :

    Bonjour,
    Intéressant ces « Mais », j’avais fait un article sur le même sujet il y a deux ans…
    http://cause.jluk.fr
    Jean-LuK

    • Jean-François Tronel dit :

      Bonjour et merci pour l’intérêt que vous portez à ce blog. Merci également d’avoir partagé un lien vers votre article. Si vous souhaitez contribuer en publiant sur « Esprit de Pays », ce serait avec plaisir !

      • Jean-LuK dit :

        Bonjour,
        Pourquoi pas ?
        J’explore un peu plus ce que vous faites, je vous suis depuis un moment, mais sans trop savoir d’où vous venez et où vous allez.
        Si vous avez des besoins particuliers, faites en moi part.
        Depuis peu, j’alimente deux sites qui sont des prototypes :
        http://www.vezere-info24.fr/
        http://www.montignac-lascaux.info/
        Au plaisir de vous rencontrer,
        Jean-LuK

        • Jean-François Tronel dit :

          Je me présente : JF Tronel, responsable de l’Agence de Communication Topacki (http://www.topacki.com), éditeur de ce site (Esprit de pays) Également webmaster du site http://www.dordogne-ici-et-la.com (ex Sorties-Dordogne). Ces sites couvrent des thématiques différentes liées au département : les événements, les lieux touristiques et des dossiers thématiques. Le plus vieux de ces sites a tout juste un an, et le plus jeune un peu plus d’un mois d’existence…

          À en croire le contenu de vos deux sites (www.vezere-info24.fr & http://www.montignac-lascaux.info), il semblerait que nos centres d’intérêt se rejoignent, à savoir le Périgord ! J’ai une prédilection pour le patrimoine, les savoir-faire et l’histoire…

          Merci pour cet échange.

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