« Situé entre les pentes cristallines des derniers contreforts du Massif central au nord-est, et les riches plaines alluviales du Bassin Aquitain au sud-ouest, le Périgord est principalement arrosé par la Dordogne, l’Isle, la Dronne et la Vézère. De cette position géographique découle toute une variété de reliefs, de végétations, de climats, si bien qu’il soit plus exact de parler de « Périgords ». Cette étonnante diversité est aujourd’hui déclinée au gré de quatre couleurs emblématiques : le vert, le blanc, le pourpre et noir ». (1) C’est que l’on pouvait lire sur un guide touristique datant de 1988. Depuis 2014, le Périgord se rêve en or !
Suite au succès commercial de l’appellation Périgord Noir sur le marché du tourisme national et international, le Comité départemental du tourisme de la Dordogne a proposé, sous l’impulsion de son directeur, Daniel Debaye, un découpage du Périgord en quatre zones touristiques. C’est au début des années 1990 qu’a débuté une vaste campagne de promotion. Pour l’occasion, quatre couleurs ont été intégrées dans un logo dessiné par Bernard Lecru. Voici le détail de ce code couleurs :
- Le Périgord Vert pour le vert de sa végétation abondamment arrosée par la Dronne, le Bandiat, l’Auvézère et l’Isle. C’est le Pays du Nontronnais et du Val de Dronne qui s’étend sur un croissant Nord du département.
- Le Périgord Blanc pour le blanc de ses sols crayeux et de ses falaises profondément entaillées par le lit des rivières. C’est le Pays de Périgueux et de la vallée de l’Isle. Sillonné par les rivières Auvézère et Isle, il occupe la partie centrale du département.
- Le Périgord Pourpre pour l’évocation littéraire du vin rouge et le pourpre des feuilles de vigne à l’automne. C’est, au sud-ouest du département, le Pays du Grand Bergeracois, de Montaigne et des gabarres. C’est aussi le pays des bastides. Mais c’est avant tout une région viticole, le deuxième vignoble d’Aquitaine.
- Le Périgord Noir pour le noir des feuillages sombres de yeuses – également appelés chênes verts – et les charbonniers qui y transformaient du bois. C’est la Vallée de la Vézère et une partie de la vallée de la Dordogne, au sud-est du département. Sur une carte du XVIIIe siècle, ce qualificatif englobe presque toute la moitié est du département.
I – Le Périgord Vert
Bien avant les campagnes de promotion touristique qui ont popularisé la notion de « tourisme vert », on retrouve l’appellation « Périgord Vert » dans les notes de voyages de Jules Verne, un ouvrage intitulé « La géographie illustrée de la France et de ses colonies ».
Le « Périgord Vert » désignait, à l’origine, le Nontronnais, l’une des régions naturelles de France. À l’époque, cette appellation s’appliquait exclusivement au « Nontronnais » des petites régions agricoles, correspondant aux franges limousines du département. En y ajoutant la vallée de la Dronne, c’est tout le croissant nord du département de la Dordogne — de Nontron à Excideuil — qui est maintenant regroupé sous cette appellation touristique.
La couleur verte fait référence principalement aux prairies qui font de cette région généreusement arrosée un véritable écrin de verdure vallonné et sillonné d’une multitude de ruisseaux et, dans une moindre mesure, aux forêts de chênes clairs. La Côle, La Dronne, la Belle et L’Auvézère irriguent ce pays qui s’étend de Lanouaille à La Roche-Chalais en passant par Nontron, Brantôme, Bourdeilles et Ribérac.
Attraits touristiques
C’est la partie la moins touristique du Périgord. Et pourtant ! On y recense deux sites bénéficiant du label « Site majeur d’Aquitaine »(1), le château de Bourdeilles et l’Abbaye de Brantôme, ainsi qu’un riche patrimoine : châteaux (Jumilhac, Mareuil, Puyguilhem, Varaignes, Richemont), abbayes (Boschaud), églises romanes particulièrement nombreuses dans le Ribéracois, ainsi que des grottes naturelles (Beaussac, Villars)…
Pas de grandes villes, mais de très jolis villages comme Saint-Jean-de-Côle qui bénéficie du label « Plus beaux villages de France », ou encore Brantôme, souvent qualifié de Venise périgourdine.
Depuis sa création, en mars 1998, le Parc naturel régional « Périgord-Limousin » a contribué à valoriser une image de tourisme rural.
II – Le Périgord Blanc
L’appellation « Périgord Blanc » désignait, au XVIIe siècle, les plateaux de calcaire blanc du Ribéracois-Verteillacois (qui sont aujourd’hui rattachés au Périgord Vert).
Sous l’Ancien Régime, l’appellation « Périgord Blanc » désignait le centre et l’ouest de la province. Elle a été reprise pour désigner le voisinage immédiat de Périgueux, ainsi que la Vallée de l’Isle, véritable trait d’union entre les trois autres Périgord. De Hautefort jusqu’à Montpon, en passant par Périgueux, le Périgord Blanc compte, entres autres, les bourgades de Savignac-les-Églises, Sorges, Saint-Astier, Neuvic, Mussidan. Ribérac est un important marché agricole.
Aujourd’hui, le Blanc est toujours celui des collines calcaires coiffées de cultures céréalières, mais aussi celui de la chaux des carrières de Saint-Astier, celui des pierres du Causse périgourdin, ou bien celui des coupoles de la cathédrale de Périgueux et du prestigieux château de Hautefort. Ces zones blanches, déboisées pour les besoins de l’agriculture, s’opposent aux zones densément boisées du Sarladais que l’on qualifie de Périgord Noir.
Attraits touristiques
Sans égaler le Périgord Noir, cette zone a un véritable attrait touristique. Signalons la présence de nombreux cluzeaux, abris troglodytiques et souterrains, la vieille ville de Périgueux, mais aussi la Cathédrale Saint-Front de Périgueux, un site classé par l’UNESCO au « Patrimoine mondial de l’Humanité », le Musée Vesunna et le Musée d’art et d’archéologie du Périgord (MAAP). Entouré de jardins à la française, le château de Hautefort est un incontournable. Le château des Bories à Antonne, l’Abbaye de Chancelade, le Prieuré de Merlande ou la visite du Chai de Lardimalie et son musée du vin, tous ces sites touristiques méritent amplement un détour. De plus, le Périgord Blanc partage avec le Périgord Vert de nombreux et très intéressants édifices d’architecture romane.
III – LE PÉRIGORD POURPRE
L’appellation « Périgord Pourpre » est la plus récente. Elle fut adoptée lors de la campagne de promotion des quatre Périgord au début des années 1990.
La couleur pourpre évoque les teintes dominantes de la vigne. Il faut dire que cette région possède un beau vignoble, et ce, depuis l’époque romaine. Et ce n’est pas le phylloxéra qui ravagea les vignes du Périgord, comme partout en France, à la fin du XIXe siècle, qui parvint à changer la vocation de ce territoire.
Le Périgord Pourpre se situe dans le sud-ouest de la Dordogne. Cette région a plus à voir avec l’Aquitaine — et surtout avec le Bordelais — qu’avec le Sarladais tout proche. De Saint-Michel-de-Montaigne jusqu’à Monpazier, en passant par Bergerac, sa capitale, le Périgord Pourpre compte, entres autres, les bourgades de Montcaret, de Vélines, de Sigoulès, d’Issigeac et de Monbazillac.
Attraits touristiques
Ici, le tourisme se concentre principalement autour des vignobles et du Pays des Bastides. Le château de Biron et les Abbayes de Cadouin et de Saint-Avit-Sénieur bénéficient du label « Site majeur d’Aquitaine »(1). Ces mêmes abbayes sont également classées par l’UNESCO au « Patrimoine mondial de l’Humanité ».
Moins connu que le Périgord Noir voisin, le Périgord Pourpre n’a pas à rougir de son patrimoine bâti et de ses richesses naturelles. À signaler tout particulièrement les bastides, situées sur une ligne de fracture entre Anglais et Français, témoignages émouvants des quelques trois cents années de conflits qui s’achevèrent le 17 juillet 1453, date de la fin de la Guerre de Cent Ans (voir notre dossier consacré aux Bastides du Périgord). À visiter également la vieille ville de Bergerac (son Musée du Tabac, et son Musée de la Ville consacré au patrimoine fluvial et au monde viticole Bergeracois), les châteaux de Monbazillac, de Bridoire, ou de Lanquais, le village médiéval d’Issigeac, le Musée de la Batellerie à Sainte-Foy-la-Grande, la Tour de Montaigne ou le site gallo-romain de Montcaret…
IV – Le Périgord Noir
L’appellation de « Périgord Noir » est de loin la plus ancienne des quatre : en 1702, Donneau de Visé écrivait que le Périgord est divisé en deux, le haut et le bas, le blanc et le noir. En 1730, le chevalier de Lagrange-Chancel évoquait ce Périgord Noir où abondaient les truffes, les champignons et les vins. Un territoire du département de la Dordogne qui correspond géographiquement à l’ancien diocèse de Sarlat, entre pays de la Vézère et le sud de la vallée de la Dordogne. Au XIXe siècle, l’écrivain Eugène Le Roy affectionnait cette appellation ; aujourd’hui, c’est la plus populaire sur le marché du tourisme. Elle fait référence à la teinte sombre des chênes verts et pubescents, appelés localement auzières et plus généralement yeuses, dont le feuillage est particulièrement dense et persistant une grande partie de l’année. Elle convient bien à cette région grasse, fertile, productive et riche. Certains prétendent que l’adjectif noir viendrait du charbon de bois et des forges présentes dans certains sites de la région ; toutefois, cette hypothèse ne repose sur aucune preuve. Ce qualificatif de noir ne fait pas davantage référence à la présence des truffes, comme certains voudraient nous le faire croire, bien que ce soit dans cette région du Périgord qu’elles soient les meilleures et les plus appréciées, et ce, depuis des siècles.
Le Périgord Noir se situe dans le sud-est et l’est du département de la Dordogne, avec Sarlat pour capitale. Il s’étend de Villefranche-du-Périgord, au sud, et remonte dans le nord jusqu’à Hautefort. Deux rivières – et deux vallées – caractérisent cette région : les vallées de la Vézère et de la Dordogne.
Attraits touristiques
C’est la région la plus visitée du département en raison d’une des plus grandes concentrations de grottes et sites archéologiques du monde, des sites préhistoriques de renommée mondiale comme Les Eyzies, ou Lascaux. On recense quinze sites ornés inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. La vallée de la Vézère recèle quelques-uns des plus riches gisements de la préhistoire européenne, sites paléolithiques, sites troglodytiques, grottes et abris naturels.
Sarlat, capitale du Périgord Noir, est la ville qui concentre à elle seule 8,5 % des monuments historiques du département de la Dordogne. Bien que ne comptant que 10 000 habitants en 2010, Sarlat-la-Canéda est la 36e commune de France en termes de protections au titre des monuments historiques, soit la plus forte densité en monuments historiques et classés de France.
Le Triangle d’or de la Vallée de la Dordogne est classé « Site Majeur d’Aquitaine (2) ». Cette entité est composée des sept communes de Domme, Cénac, Castelnaud-la-Chapelle, Vitrac, La-Roque-Gageac, Vézac et Beynac-et-Cazenac, et quatre d’entre elles sont classées parmi les plus beaux villages de France.
Quel avenir pour les quatre couleurs du Périgord ?
En raison de la diversité des terroirs qui composent le Périgord, le découpage — très artificiel — du département en quatre couleurs n’est guère satisfaisant, d’autant plus que les appellations retenues sont depuis longtemps utilisées pour désigner certaines des sept régions naturelles de France, ou bien encore des huit petites régions agricoles que compte la Dordogne, sans pour autant correspondre tout à fait, voire pas du tout, aux mêmes entités géographiques. C’est sans doute la raison pour laquelle, en fonction des guides que l’on consulte, ces quatre zones touristiques n’ont pas toujours les mêmes contours géographiques. D’autre part, des enquêtes effectuées à l’extérieur du département ont montré que ce code couleurs apportaient surtout de la confusion. — Pour en savoir plus sur les Régions naturelles du Périgord et les Petites régions agricoles, consultez la page Pays et Paysages de Dordogne
Et maintenant, le Périgord se rêve en or !
Aussi, en janvier 2013, les professionnels du tourisme de Dordogne ont décidé d’abandonner un tel découpage. Dans un article du Journal-Sud-Ouest en date du 24 janvier 2013, intitulé Tourisme : quel avenir pour les quatre couleurs du Périgord ?, on pouvait lire ce qui suit :
Janvier 2013, le comité départemental du tourisme de Dordogne présentait les résultats d’une grande étude quantitative et qualitative sur la clientèle touristique du département. Cette étude montrait que le code couleurs est difficilement compris par les touristes. L’ensemble des répondants aux différentes interviews s’accordent à dire que la promotion d’un unique Périgord serait plus pertinente et plus efficace. L’heure serait donc à la remise en cause de la pertinence de ces couleurs ? Le directeur du Comité départemental du tourisme, Christophe Gravier, a laissé entendre que les couleurs du Périgord pourraient peut-être disparaitre de la communication auprès du public international mais être maintenue, de manière différente, au niveau du public français. (3)
Quelques jours plus tard, le 4 février 2013, Hervé Chassain écrivait dans ce même Journal-Sud-Ouest que les professionnels du tourisme de Dordogne venaient de décider d’arrêter ce découpage en quatre couleurs, malgré un sondage proposé sur Internet par « Sud Ouest » qui avait montré l’attachement aux couleurs de 80 % de ceux qui y avaient répondu, sans toutefois préciser leurs origines. Il ajoutait : Sur le terrain, les avis sont très variés selon les secteurs. Globalement, le Sarladais reste viscéralement attaché au Périgord noir, le nord et l’est continuent à vouloir rester verts. La vallée de l’Isle se moque du blanc et le Bergeracois refuse quasiment le pourpre. Ce que confirment quelques grands témoins interrogés sur le sujet. (4)
En 2014, une nouvelle communication est apparue avec pour slogan : « Dordogne-Périgord, c’est de l’or ». Les quatre couleurs du Périgord ont été finalement remplacées par une seule : l‘OR, en référence à la richesse du département. D’après Christophe Gravier, directeur du Comité Départemental du Tourisme, l’objectif affiché de ce nouveau positionnement est de communiquer sur l’excellence pour séduire une nouvelle clientèle française et étrangère, et pour valoriser le « meilleur de la Dordogne » : un concentré d’art de vivre et d’émotions (œnotourisme, loisirs de pleine nature, événements, divertissement, patrimoine culturel et gastronomique).
« La Dordogne a souhaité se différencier de tout ce qui avait été réalisé par le passé. Il fallait réintroduire du rêve et de l’esthétique et se détacher de la concurrence. L’idée de ce nouveau positionnement est de réunir deux destinations : la Dordogne, et le Périgord et d’offrir en une seule ce que la France a de plus beau. Il s’agit aussi de réaffirmer que la Dordogne-Périgord est une destination à part entière. ». — Christophe Gravier, directeur du Comité Départemental du Tourisme.
Le nouveau logo met en exergue le mot OR qui est présent tout aussi bien dans DORdogne que dans PérigORd. « L’or de Dordogne et de Périgord est synonyme de beau, de précieux, de rare, de pépite d’or du tourisme français. » Avec cette nouvelle identité, la Dordogne affiche une nouvelle ambition : attirer un million de visiteurs supplémentaire.
Notes :
- (1) Le Périgord, Jean-Luc-Aubardier et Michel Binet, Éditions Ouest-france, 1988.
- (2) Un « site majeur » est défini comme « un ensemble architectural inscrit ou classé au titre des Monuments Historiques, un cadre naturel exceptionnel ou un territoire culturellement homogène et géographiquement délimité ».
- (3) Tourisme : quel avenir pour les quatre couleurs du Périgord ? (Journal-Sud-Ouest, 24 janvier 2013).
- (4) Le Périgord peut dire adieu à ses couleurs. (Journal-Sud-Ouest, 4 février 2013).
Sources :
- Pierre Delfaud, Économie de la Dordogne, Sud Ouest Editions, 31 Août 2000, ISBN 2879012791.
- Le Guide Vert : Périgord Quercy, Éditions des Voyages Michelin, ISBN 0293-9436.
Crédits photos :
- Panorama de la ville de Nontron dominant la vallée du Bandia. Par Jbardini (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 ou GFDL], via Wikimedia Commons.
- Champ récemment labouré à Cornille, Dordogne, France. Par Père Igor (Travail personnel) [GFDL ou CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons.
- Le vignoble du Bergeracois au sud de Bergerac, Dordogne, France. En haut, à droite, la ville de Bergerac. Par Père Igor (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons.
- Cité médiévale de Sarlat. Par Luc Viatour – www.Lucnix.be.