Le Noyer : un peu de botanique

Originaire d’Orient, Juglans régia, le bien nommé noyer royal appartient à la classe des dicotylédones, à l’ordre Juglandales et à la famille des Juglandacées dont le nom vient du latin juglans, noix, dérivé de Jovis glans, c’est-à-dire le « gland de Jupiter ». Le gouverneur des Gaules Théodorius Macrobius, en 400, écrit : « On l’appelait Juglans, mais le mot plus noble est Diujuglans ou Jovis Glans ». Les Romains appelaient le noyer ainsi, car ils pensaient qu’un arbre porteur de fruits aussi féconds était un cadeau du dieu Jupiter.

Les origines de la noix sont assez obscures. Certains botanistes affirment qu’elle proviendrait de nos contrées, reliquat des productions végétales de l’ère tertiaire. En Ardèche, une découverte a validé cette hypothèse : une noix de plus de 8 millions d’années a été retrouvée lors de fouilles archéologiques. Elle était consommée par l’homme de Cro-Magnon dans le Périgord ! Après sa disparition de nos contrées, le noyer aurait été réintroduit grâce à ses souches venues des Balkans ou de la zone himalayenne. C’est, avec le figuier, l’arbre le plus anciennement cultivé. (1)

L’arbre

Le noyer est un arbre précieux. Avec le châtaignier, il fut longtemps considéré comme un arbre de vie, sans doute parce qu’il a souvent permis aux Périgourdins d’éloigner le spectre de la famine. Le noyer commun est un arbre robuste et résistant à la plupart des maladies. Toutefois, il craint le gel printanier.

C’est un grand arbre majestueux au tronc épais et aux grosses branches, à l’écorce grise et lisse, qui peut atteindre 25 à 30 mètres de haut pour un diamètre de 1,50 à 3 mètres. Il devient adulte entre 25 et 40 ans et peut facilement devenir centenaires (il peut vivre jusqu’à 300 ans). Il faut attendre 5 ou 6 ans avant qu’il ne produise des noix. Il donne des fruits pendant 150 à 200 ans, mais au bout de 70 à 100 ans, sa production de noix faiblit.

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Ces feuilles pétiolées sont grandes et ovales, glabres, d’un vert brillant en dessus, plus clair en dessous. Elles sont aromatiques et dégagent un parfum agréable quand on les froisse. Elles sont réputées pour écarter la vermine, surtout les puces, les mites et les mouches et il était d’usage d’en mettre séchées dans les vêtements de laine et les fourrures.

Les noyers sont partout et agissent ici à la manière des oliviers de Provence : ils participent de l’âme du pays. Mais à la différence de l’olivier, cet autre arbre mythique à la beauté tragique tant il est noueux, tordu, arqué, contorsionné, tant il paraît tourmenté, douloureux et pathétique, le noyer lui, est un arbre puissant, plein d’allure, fastueux. Certaines variétés peuvent atteindre l’envergure majestueuse du chêne. — L’instinct de gourmandise en Périgord, Michel Testut. (2)

Le noyer affectionne les sols riches et profonds, frais et bien drainés. Il se plaît plus précisément dans les sols argilo-calcaires ainsi que sur les schistes fissurés ou gneiss plus compact des premiers contreforts du Massif central. Même s’il peut être cultivé jusqu’à 1000 m d’altitude, cette essence sensible au gel préfère les vallées abritées et les coteaux, les sols bien drainés et profonds. Il pousse en pleine lumière, mais n’apprécie pas les vents forts. Un climat tempéré, une pluviométrie moyenne et le noyer produit en abondance de beaux fruits.

L’aire de culture du noyer s’étend à tout le Périgord calcaire : lias, jurassique, crétacé. Le noyer n’est absent que des sols trop riches en silice et trop froids du Nontronais ainsi que des sables de la Double et du Landais et des terrains tertiaires argileux du Bergeracois occidental. Cet arbre à la charpente robuste et au feuillage épais marque de sa forte empreinte les campagnes périgourdines. Il accompagne fidèlement le pied des versants de nos grandes vallées, il est présent sur les pentes des vallons du crétacé, on le trouve aussi, en formations très denses parfois, dans les dolines et dans les combes du jurassique, mais son terroir de prédilection, c’est le lias, aussi n’est-il pas étonnant que les plus belles noyeraies soient situées dans la partie nord-est du département, en bordure des terrains anciens. — Le Périgord, le Pays et les Hommes, Léon Michel, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1969. (3)

Sensible au gel, les zones d’implantation ont été choisies dans des vallées abritées et sur des coteaux ne dépassant pas 500 mètres d’altitude. Pour assurer un développement harmonieux du noyer, les sols doivent être bien drainés, suffisamment profonds, avec un minimum de 50 cm, un peu moins si la roche mère est fissurée. Le climat quant à lui optimise la qualité des fruits avec une température moyenne annuelle supérieure à 10,5°C et une pluviométrie moyenne annuelle supérieure à 750 mm.

Le bois du noyer

Très prisé pour ses abondantes veinures contrastées (sombres et rougeâtres, des teintes marrons plus ou moins foncées et assez marquées), recherché pour la finesse de son grain et pour son exceptionnelle stabilité dimensionnelle et sa forte cohésion transversale, le bois du noyer est réservé aux usages les plus nobles : ébénisterie, marqueterie, sculpture, tournerie (tournage sur bois), coutellerie… On utilisait son bois pour fabriquer les meilleurs sabots et divers autres objets, dont les crosses de fusils. C’est le bois le plus répandu dans l’ébénisterie paysanne (l’essence noble par excellence des meubles régionaux du XVIIIe siècle). Les énormes loupes, qui se développent parfois sur le tronc et les grosses branches, sont particulièrement recherchées en raison de leurs magnifiques dessins.

Le noyer est sacré, sa vieillesse est honorée. S’il meurt, épuisé ou frappé par la foudre, son tronc est disputé aux enchères à des prix fabuleux et la loupe en est réservée aux meubles de luxe. Un jeune prend aussitôt la place de l’ancêtre. — Croquants du Périgord, Georges Rocal, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1970. (4)

Le bois de noyer fut également utilisé en Europe (particulièrement en Italie), pour la fabrication de meubles luxueux et pour des réalisations de marqueterie et de sculpture. Toutefois, pour ce type de meubles, il semblerait qu’à partir de la Renaissance, le noyer ait été délaissé au profit du chêne, en raison de la dureté de son bois qui se prête moins à la sculpture. De plus, dans les ateliers des ébénistes, le noyer est concurrencé par l’arrivée de nouveaux bois comme le sycomore, le frêne, le platane, sans parler des essences exotiques, elles aussi très nombreuses. Ce désintérêt, tout relatif, s’explique enfin par le fait que le bois du noyer à tendance à foncer sous l’action de la chaleur et de l’humidité ; or, vers la fin du XVIIIe siècle et jusqu’au milieu du siècle suivant, les goûts se portaient sur des bois très clairs.

Le bois de noyer a une densité moyenne de 0,66. Un bois parfait est brun, tirant plus ou moins sur le brun jaune ou brun rosâtre, parfois grisâtre, souvent veiné de sombre. Le fil est droit à ondulé.

C’est un bois dur, au grain très fin, d’un brun-roux, prenant bien la patine qui lui confère des reflets rosés très tendres. La loupe de noyer est particulièrement recherchée, peut-être parce qu’elle dessine d’extraordinaires cartes marines – avec rivages, courbes de niveau et îles mystérieuses à chaque nœud du bois – qui vous font faire de fabuleuses croisières. Il suffit pour çà d’un peu d’imagination. — L’instinct de gourmandise en Périgord, Michel Testut. (2)

Une des caractéristiques du noyer est d’être arraché avec sa souche plutôt que scié ou abattu à la hache. Le noyer possède une racine principale verticale, longue et pivotante, pourvue de nombreuses racines secondaires ; elle peut mesurer jusqu’à 7 mètres de long. C’est elle qui donne la fameuse ronce de noyer très recherchée en ébénisterie. L’aspect de ce bois est tourmenté, enchevêtré.

Le bois de noyer a une densité moyenne de 0,66. Un bois parfait est brun, tirant plus ou moins sur le brun jaune ou brun rosâtre, parfois grisâtre, souvent veiné de sombre. Le fil est droit à ondulé.

Dans le commerce, on distingue deux sortes de noyer, le noyer blanc et le noyer noir. Le premier est le plus commun, mais le moins estimé ; c’est avec lui que se fabriquent les meublent ordinaires. Le second, qu’on appelle aussi noyer d’Auvergne, ne le cède à l’acajou que sous le rapport du brillant. Pour tout le reste, il lui est égal. Comme ce dernier, il est tantôt simplement veiné, tantôt ronceux, moucheté, flambé, moiré, chenillé, etc. La teinte rosée qu’il prend en vieillissant s’ajoute encore à sa beauté. — Le Noyer & la Noix, J.Y. Catherin, J.J. de Corcelles, R. Mazin. (5)

Dans leur manuel d’énénisterie, Noshan et Maigne écrivent que le bois de noyer est le plus utilisé en ébénisterie après l’acajou.

Les fleurs du noyer

Le Noyer fleurit au bout de 15-25 ans. Ses fleurs naissent de gros bourgeons terminaux. Elles sont regroupées en inflorescences spéciales : ce sont les chatons (amentum en latin) qui apparaissent en avril, avant les feuilles. Le noyer est une espèce monoïque, avec les fleurs mâles portées par les rameaux de l’année précédente, alors que les fleurs femelles sont portées par les rameaux de l’année en cours. Les fleurs mâles (staminées) sont réunies en chatons de quelques centimètres, retombants et cylindriques, facilement reconnaissables à leur forme de corbeille. Elles portent 6 à 30 étamines (caractère déterminant pour la famille). Les fleurs femelles (pistillées) ont un stigmate bilobé. Elles naissent au printemps, seules ou disposées en bouquet aux extrémités des rameaux, en groupes de 1 à 5. Elles grossissent à l’extrémité des pousses de l’année, ressemblant à de petites amphores.

C’est grâce au vent que se réalise la fécondation, dite anémophile. Lorsque les conditions climatiques ne sont pas favorables, l’autopollinisation peut ne pas être suffisante. Aussi, pour garantir un bon niveau de production, on implante des pollinisateurs. C’est la fleur femelle fécondée qui produit la noix dont l’enveloppe, verte et charnue, est appelée brou. Cet arbre n’est pas auto-fertile, et il faut au moins deux noyers placés à quelque distance l’un de l’autre pour une bonne fertilisation.

Fleur femelle du noyer

La floraison a lieu au printemps, en avril-mai. N’étant pas protégées, ces fleurs craignent le froid et les gelées printanières peuvent les détruire, annihilant ainsi les futures récoltes.

Le fruit du noyer : la noix

La noix est un fruit à coque oléagineux. Sur le plan botanique, la noix est une drupe indéhiscente – un fruit charnu à noyau qui ne s’ouvrent pas naturellement à la maturité – constituée d’une écale externe verte (épicarpe et mésocarpe), d’un endocarpe sclérifié et lignifié à maturité (sclérifié se dit d’un tissu organique ayant subi un durcissement) qui forme la coquille, et d’une amande quadrilobe comestible qu’on appelle le cerneau. Il est à noter que, contrairement aux noix, les drupes sont, généralement, déhiscente, c’est-à-dire que la partie charnue, autour du noyau, est conservée, attirant ainsi la gourmandise des animaux qui en assurent la propagation (comme pour l’olive ou la cerise).

Magnifiques et généreux, [le noyer] dispensent un fruit singulier, succulent, frais ou sec, utilisé à l’encan pour la pâtisserie, la confiserie, la boulangerie, les confitures, la préparation d’apéritifs et de liqueurs, et bien sûr pour l’huile. — L’instinct de gourmandise en Périgord, Michel Testut. (2)

La coque d’une noix mesure de quatre à cinq centimètres de long sur trois à quatre centimètres de large. Elle se sépare en deux et présente à son sommet un mucron plus ou moins accentué. L’amande se compose de deux cerneaux présentant des circonvolutions qui font penser au cerveau humain, séparés par une fine membrane appelée le mésocarpe. La séparation membraneuse qui divise l’intérieur d’une noix s’appelle le zeste, et chaque quartier de noix défini par ce zeste s’appelle une cuisse.

Le noyer fructifie pendant de six ou sept décennies, mais il faut patienter parfois dix ans ou plus avant qu’il ne commence à produire en quantité.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le noyer n’a pas une très bonne réputation. Une croyance populaire dit qu’il est dangereux de s’endormir sous un noyer, mais qu’on peut y laisser les chevaux sans danger, surtout en été ; sous les noyers, plus de taons ! Pline, déjà, écrivait : « Son ombre appesantit et offense le cerveau des hommes et porte nuisance à tout ce qui est planté autour ». Tersentius Varron (116-27 av. n.è.), auteur de nombreux ouvrages, dont Rerum Rusticurum Agricultura, signale que « comme le chêne, les noyers grands et durs dans leur voisinage rendent stérile le fond de la terre ». On sait aujourd’hui que les racines de l’arbre dégagent une substance toxique, la juglone (ou juglon), qui donnerait des maux de tête… On sait aussi que ce composé chimique inhibe la germination et la respiration de nombreuses plantes qui ne supportent pas son voisinage ; mais ce n’est pas le cas de toutes puisque la culture sous les noyers se pratique dans la région du Vésuve. À noter pour conclure que, si l’arbre est maléfique, le fruit est jugé bénéfique. Il est même un symbole de fécondité et d’abondance. (5)


Notes :

  •  (1) www.lesfruitsetlegumesfrais.com : La Noix.
  •  (2) L’instinct de gourmandise en Périgord, Michel Testut, La Lauze Éditions, Périgueux, 2005.
  •  (3) Le Périgord, le Pays et les Hommes, Léon Michel, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1969.
  •  (4) Croquants du Périgord, Georges Rocal, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux.
  •  (5) Le Noyer & la Noix, J.Y. Catherin, J.J. de Corcelles, R. Mazin, Éditions Édisud, 1995.

Crédit Photos :

  • JLPC / Wikimedia Commons, via Wikimedia Commons.
  • Walnuts by RustedStrings Roman Oleinik, via Wikimedia Commons.

LA NOIX DU PÉRIGORD

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