Vous avez fait une belle cueillette de cèpes lors de votre dernière balade en forêt ou vous les avez achetés sur l’un des marchés périgourdins… Voici quelques conseils et recettes pour bien cuisiner le cèpe du Périgord et profiter au mieux de ces champignons à la saveur exceptionnelle, à la chair aussi nourrissante que la viande… si l’on en croit les Sarladais qui délaissent le boucher la saison venue !
Comment préparer le cèpe du Périgord ?
Avant même de les préparer, il peut être avantageux de les trier, surtout si la cueillette a été abondante… La fraîcheur des cèpes est simple à évaluer : les meilleurs champignons sont ceux qui ont un chapeau ferme et bien tendu ; les autres deviennent plus ou moins verdâtres en fonction de l’âge. Un cèpe dont le chapeau est flasque, vert mousse en dessous, est un champignon vieillissant qu’il est préférable de mettre de côté… On réservera les moins abîmés d’entre eux pour des sauces par exemple, et on jettera les autres. (1)
Le cèpe est une véritable éponge ; de ce fait, il ne doit PAS être lavé, d’autant plus qu’il est rarement sale. Pour qu’il conserve toute sa saveur, on se contentera de l’essuyer soigneusement avec un torchon fin et humide ou du papier absorbant, après avoir retiré la base du pied, là où, généralement, se concentre la terre et la mousse. Au besoin, coupez les parties véreuses. Vérifiez chaque tête, rafraîchissez les bords du chapeau si nécessaire, enlevez les brins d’herbe et de fougère… On brossera uniquement ceux qui doivent être débarrassés de leur impureté avec une petite brosse tendre, ou bien encore avec une brosse à dents ou un pinceau alimentaire souple.
Au grand dam des puristes, certains conseillent de plonger rapidement les champignons dans un grand bac d’eau additionnée de vinaigre afin d’éliminer les derniers indésirables que vous n’auriez pas repérés lors de la préparation décrite ci-dessus.
Comment cuisiner le cèpe du Périgord ?
Les cèpes se préparent de multiples façons : panés (coupés en tranches lorsqu’il s’agit de gros spécimens), farcis, en cocotte, grillés à l’huile de noix (et non au beurre), à l’étuvée, séchés (il supporte bien la dessiccation) ou en conserve.
Les plus fins ont une texture ferme et saine, et ils sont aussi les plus parfumés. Il n’y a pratiquement rien à jeter et les nettoyer est une formalité vite expédiée. Ils peuvent se consommer crus, sous forme de carpaccio, en salade, coupés en fines lamelles. Mais c’est lorsqu’ils sont cuits qu’ils expriment toute leur saveur. On peut alors les faire sauter à la graisse d’oie, avec de l’ail, des échalotes et du persil frais finement ciselé, mais aussi les cuisiner en omelette, en terrine, en velouté (parfumés de truffes), ou comme garniture (de confit, de daube…). Le goût du cèpe étant délicat, ajoutez ail, échalotes, fines herbes et persil avec parcimonie.
Au bout de quelques heures – ou quelques jours pour les plus fermes d’entre eux – les spores se ramollissent et prennent une couleur sombre, mais ils conservent néanmoins leurs valeurs gustatives lorsqu’ils sont cuisinés en omelette ou avec des pommes sarladaises réhaussées d’un hachis fin d’ail et de persil. Les plus abîmés d’entre eux seront utilisés pour agrémenter les fonds de sauce.
Quelques idées de recettes…
Vous ne savez pas comment cuisiner le cèpe du Périgord ? Pas de panique ! les recettes périgourdines à base de cèpes ne manquent pas. La Mazille, dans son livre La Bonne Cuisine du Périgord en signale quelques-unes. Mais elle ne parle pas de l’Omelette aux cèpes du Périgord, et c’est pourtant un grand classique de la gastronomie périgourdine. Voici sa recette :
Omelettes aux cèpes du Périgord
Après avoir nettoyé et essuyé les champignons, pelez les queues et hachez-les. Coupez les têtes en morceaux. Puis, faites chauffer, dans une poêle, une cuillerée à soupe de graisse de canard. Ajoutez les cèpes. Laissez-les colorer en les faisant sauter. Baisser ensuite le feu, couvrir les cèpes et les laissez cuire, à feux doux, pendant un quart d’heure.
Hachez une gousse d’ail, préparez une persillade que vous ajouterez aux cèpes. Puis laissez cuire encore doucement pendant dix minutes. Ensuite, cassez les œufs, salez et poivrez, après quoi, battez-les en omelette. Ajoutez enfin les cèpes que vous aurez préalablement égouttés pour éliminer la graisse. Battez encore.
Mettre un fond de graisse dans la poêle avant d’y verser votre préparation. Attention, la poêle doit être très chaude. Faites chauffer à feu vif, tout en brouillant avec une fourchette pour saisir l’omelette. Poursuivez la cuisson quelques minutes tout en veillant à ce que l’omelette ne soit pas trop cuite, faute de quoi elle perdrait de son moelleux. La servir plus ou moins baveuse, et donc plus ou moins ferme, en fonction de vos préférences.
Repliez l’omelette au moment de la servir sur un plat préalablement chauffé. Le chef étoilé Patrick Asfaux conseille d’ajouter, sur le dessus de l’omelette, en son centre, une petite tête de cèpe et un peu de coulis de cèpes chaud en cordon tout autour. On oubliera la pluche de cerfeuil qu’il préconise également, pour ne pas trop s’éloigner de la recette traditionnelle.
Cèpes à la Périgourdine, selon Pierre-P. Grassé
Pour six convives, prenez 1.500 g de beaux cèpes, de préférences jeunes. Séparez la tête des queues. Une fois pelées, hachez finement les queues que vous mélangez à de la mie de pain rassis, râpée (tourte bien cuite de pain campagnard) et à quelques gousses d’ail coupées très menues. Salez, poivrez et ajoutez environ 80 g de beurre ramolli pour faciliter le malaxage.
Vous plongez les têtes de cèpes un instant dans l’huile ; égouttez-les sur un linge et disposez-les en une ou deux couches sur le fond d’un plat en terre, allant au four. Vous étendez le hachis de queues et de mie de pain sur les têtes de cèpes (son épaisseur ne doit guère dépasser un centimètre. La cuisson, dans un four moyennement chaud, dure de 45 à 60 minutes. Au moment de servir, il est loisible d’arroser le plat d’un jus de citron (N.D.L.R. : c’est encore mieux avec un filet de verjus). Aucune autre préparation ne conserve mieux le parfum sylvestre des champignons que celle-ci.
Hippolyte Grassé faisait cuire ce plat dans une petite tourtière à feu-dessus feu-dessous. (2)
Cèpes à la Périgourdine, selon Georges Rocal
Prenez des cèpes jeunes et fermes, pelez-les, mettez les têtes dans de la graisse d’oie bouillante et faites cuire à feu très doux pendant une heure et demie. Préparez un hachis avec du lard, du persil, de l’ail et les queues de vos cèpes, et ajoutez ce mélange aux champignons, ainsi qu’un filet de verjus, quand ils sont bien dorés, un quart d’heure avant de servir. C’est là, à notre avis, la meilleure façon de manger les cèpes, mais tout dépend de la cuisinière… (3)
Les champignons farcis, selon Georges Rocal
Choisissez des cèpes bien fermes et bien frais, nettoyez-les et coupez-les queues, que vous hacherez avec du lard, du persil, une gousse d’ail, quelques restes de viande, si vous en avez, et un ou deux œufs, selon la consistance que vous désirez donner à ce hachis. Ceci étant fait, vous mettrez dans une cocotte une cuillerée de graisse et deux d’eau et lorsque le tout sera chaud, vous y disposerez vos champignons en les détournant de manière à ce que la farce repose sur le dessous du champignon. Cuisson longue et douce, de préférence au four. (3)
Le gratin Périgourdin, selon Édouard Rouzier
Émincez des cèpes frais. Faites-les sauter à l’huile d’olive. Salez, poivre. Dès qu’ils sont à point, mettez-les dans un plat de gratin. Préparez une pâte feuilletée. Mettez vos champignons au fond de la tourtière. Ajoutez-y de la crème fraîche et des truffes coupées en lamelles. Recouvrez le tout de votre pâte feuilletée et mettez au four. (3)
Cèpes à la vieille mode périgourdine, selon Marcelle Tinayre
Bien cuisiner le cèpe du Périgord passe tout d’abord par une préparation minutieuse : les cèpes ne doivent être ni lavés, ni pelés, ni râclés, mais doucement nettoyés avec un linge à peine humide, et gardés intacts, sauf la queue que l’on coupe au ras du chapeau.
Prenez une casserole de terre, ce que l’on appelle en Périgord un poêlon. À défaut de cet ustensile vénérable, une casserole de cuivre épais. Mais rien ne vaut la terre, pour toutes sortes de plats mijotés. La terre seule conserve une chaleur égale, ne brutalise pas les bonnes choses qu’on lui confie et respecte leur couleur. Jamais de fer, de fonte, d’émail ou d’aluminium. Ce sont des œuvres du diable.
Dans un poêlon posé sur un feu pas trop vif, mettez de l’huile d’olive qui ne sente pas trop le fruit. La bonne huile blanche, à la rigueur, à l’extrême rigueur ! Quand l’huile fume, ne jetez pas les cèpes en vrac. Placez-les comme des médailles dans une coupe, afin qu’ils ne se heurtent pas et ne s’écornent pas. Faites dorer (sans jamais dessécher) d’un côté, puis retournez vos cèpes, en vous servant de cuillères et de fourchettes en bois. Répétez souvent l’opération. À mi-cuisson, répandez la moitié au moins d’un fin hachis de persil et d’ail sur les champignons et aussitôt vous sentirez le parfum spécial, haut et savoureux, de ce mélange. Un peu avant la fin de la cuisson, répandez le reste du hachis. Sel et poivre (ne craignez pas le poivre !).
Le secret de la parfaite cuisson est dans le degré du feu qu’il faut surveiller, et le remuement fréquent et minutieux des cèpes. Il faut que vos cèpes soient fermes et moelleux en même temps, rissolés et non-croustillants, avec la consistance d’une crème très cuite et très épaisse. L’eau qu’ils contiennent se sera évaporée naturellement. Il ne doit pas y en avoir trace dans la casserole : rien que l’huile un peu réduite.
Ayez un plat bien chaud. Mettez-y les cèpes, et arrosez-les d’un jus de citron. Servez aussitôt. N’oubliez pas que les assiettes des convives doivent être aussi bien chaudes. (3)
Sources et notes :
Crédit Photos :
- Daube de cèpes, by BocaDorada, via Wikimedia Commons.