Traditionnellement, on récoltait la précieuse truffe dans des truffières naturelles. La trufficulture, a été inventée il y a seulement deux siècles. Aujourd’hui, la Dordogne est le département français qui plante le plus de plans mycorhizés, avec environ 100 ha chaque année. Pour naître, vivre et se développer correctement, la truffe a trois exigences : elle a impérativement besoin d’un arbre-hôte, d’un terrain tout à fait particulier et d’un climat bien marqué avec une bonne exposition au soleil.
Toutes les espèces de chênes peuvent se révéler truffigènes. Toutefois, en France, il n’y a que deux espèces intéressantes pour la culture contrôlée de la truffe, le chêne blanc ou pubescent (quercus pubescent) et le chêne vert ou yeuse (quercus ilex). En Périgord, c’est au chêne blanc ou pubescent que l’on fait appel. Il a un pouvoir d’évaporation un peu plus grand et il est parfaitement adapté au climat tempéré.
Le chêne sous lequel on récolte des truffes est généralement petit, rabougri, mal venu. Il y a un aspect malingre qu’il tient sans doute de l’impossibilité d’enfoncer aisément ses racines sur un sous-sol rocheux et de l’insuffisance de son alimentation ; peut-être aussi est-il souffreteux parce que la truffe vivant en hémi-parasite sur ses racines superficielles lui enlève une partie de sa sève et de sa substance. S’il y avait symbiose, c’est-à-dire échange mutuel de services réalisant un équilibre biologique entre l’arbre et la truffe, le chêne aurait probablement meilleure santé et plus fière allure. — Léon Michel, Le Périgord, Le Pays et les Hommes. (1)
D’autres arbres ou arbustes sont susceptibles de faire prospérer la truffe, à condition toutefois de pousser à proximité de chênes : charme commun, noisetier, genévrier, hêtre, peuplier, pin, épicéa, tilleul, et même noisetier… (1)
La flore des truffières
Les terres où poussent le châtaignier, l’ajonc, la bruyère, la digitale et autres plantes calcifuges (des plantes qui évitent les terrains calcaires ou à tendance alcaline) ne sont pas des sols truffigènes. Par contre, la présence de genévriers (Juniperus communis et Juniperus oxycedrus ou Cade) et de cerisier Sainte-Lucie (Prunus Mahaleb) ou faux merisier sont l’indice de sols truffigènes. Les autres ligneux qu’on trouve sur les sols truffiers du Périgord sont principalement la viorne, le prunellier, le buis, l’érable champêtre, le noyer, le noisetier, l’alisier, le cytise, le figuier, l’aubépine, la ronce, l’églantier, le cornouiller sanguin, le cormier. Les arbres susceptibles de faire prospérer la truffe sont donc divers et variés ; toutefois, elle n’acquiert toutes ses qualités gustatives que sous le couvert et à proximité de chênes. Ces arbres sont généralement petits, rabougris, malvenus, à l’aspect plutôt malingre.
Les racines du chêne pubescent et parfois celles du noisetier, vivent en association ou symbiose mycorhizienne avec le mycélium de la truffe. D’autres plantes « indicatrices » colonisent ces mêmes sols : l’épervière piloselle, la carline, l’hélianthème, le sédum, la fétuque ovine, le genévrier… Elles n’influencent pas la poussée de la truffe, mais elles peuvent révéler sa présence.
Les plantes herbacées sont nombreuses sur les terrains truffiers. Mais on signalera tout particulièrement l’épervière piloselle, les sédums et une petite fétuque qui sont considérés comme des plantes tests. Parmi les champignons, les morilles, les peziques, le petit-gris et le bolet satan sont les hôtes habituels des terrains truffiers. (2)
Les sols truffigènes
On s’interroge depuis longtemps sur l’influence du sol quant à la qualité des Truffes, mais on est d’accord pour dire que jamais on a vu de truffes sur certains terrains. C’est ainsi que la Truffe ne vient pas, ou très exceptionnellement, dans les terrains essentiellement siliceux, tels que les sables proprement dit, les schistes, les granites et terrains cristallisés de toutes sortes. En fait, la truffe a besoin d’un sol maigre et pierreux, ce qui lui a valu le surnom de « gemme des terres pauvres ». Plus précisément, le sol truffigène est généralement calcaire ou calcique, des calcaires jurassiques, crétacés et tertiaires. Ce sont des terrains secs, souples, peu profonds et bien drainés, riches en calcium, avec un pH compris entre 7,5 et 8,5 (l’optimum étant 8) avec au moins 8 % de calcaire total. La présence de cailloux facilite le drainage et le filtrage en sous-sol, tout en jouant un rôle protecteur en surface. La texture doit être limono-argileuse ou sablonneuse de façon à permettre une bonne circulation de l’air et de l’eau. Sa structure doit être équilibrée en éléments minéraux et en matière organique. C’est ainsi que les terres battantes et les mouillères ne sont pas des sols adaptés à la trufficulture. Par contre, les anciennes vignes au sol épuisé, pratiquement squelettique, sont le terrain de prédilection des truffières.
La truffe se développe en hiver sur des sols argilo-calcaires fissurés et meubles appelés rendzines.
Si la truffe du Périgord est un bel et bien un champignon calcicole, il fait preuve d’une telle tolérance dans ce domaine qu’on le trouve dans des sols où la proportion de calcaire peut varier de quelques grammes à plus de deux cents grammes par kilogrammes de terre tamisée. A priori, toutes les formations calcaires superficielles peuvent produire de la truffe. Le plus souvent ce calcaire est issu de la roche mère sous-jacente (rendzines rouges, sols bruns calcaires). Aussi, tous les étages du secondaire (jurassiques et crétacés) ainsi que des formations du tertiaire (Éocène-Oligocène) engendrent des sols à vocation truffière. Pourtant, la qualité de la truffe semble liée à certains types de calcaire comme les formations du jurassique moyen et supérieure où les calcaires oolithiques et lithographiques (très fins et très durs). La texture des sols propices à la culture de la truffe entre également en ligne de compte, ainsi que la perméabilité à l’eau et aux gaz (air, gaz carbonique). (2)
La truffe se plaît tout particulièrement sur les plateaux et les pentes, mais jamais en bas-fonds. Le soleil doit pénétrer au pied des arbres et le milieu doit être ouvert. De ce fait, elle ne pousse pas en forêts, préférant leurs lisières ou les clairières. Les versants exposés au nord, les vallées obscures ne lui convient pas et si le feuillage des arbres s’épaissit, la production diminue puis s’arrête. La plupart des truffières productives se situent entre 200 et 400 m, bien que l’altitude la plus adaptée soit comprise entre 100 et 1000 m, selon les conditions locales.
Les truffières naturelles sont établies à la lisière des forêts, dans les bois clairsemés, sur les talus et dans les fossés des routes, toujours dans le voisinage d’arbres ou d’arbustes. Si l’arbre producteur a été abattu et qu’un autre ne soit à proximité, le mycélium garde encore parfois sa vitalité pendant quelques années, mais les truffes diminuent de volume, se raréfient et disparaissent. — Georges Rocal, Croquants du Périgord. (1)
Très exigeante en éléments nutritifs et en eau, la truffe monopolise toutes les ressources alentour, si bien qu’en surface, la végétation est littéralement brûlée. Même la terre est comme effritée ou réduite en poussière. Ce phénomène, appelé « rond de sorcière », est dû à un principe phytotoxique qui inhibe la germination de certaines graines. L’herbe manque ou est desséchée, les mousses périssent ou sont à peine fixées au sol.
En Dordogne, les principaux centres de production sont Brantôme, Thiviers, Excideuil, Périgueux, Thenon, Terrasson, Sarlat, Domme et Sorges.
Traditionnellement, les grandes zones de production étaient le « Causse périgourdin » de Thenon à Sorges, le Sarladais jurassique et crétacé de Terrassons à Domme par Salignac et, dans une moindre mesure, le Ribéracois, surtout de Verteillac à Mareuil, en bordure de la Charente. Sur le crétacé du Périgord central et sur le calcaire tertiaire du Bergeracois la production était moyenne ou faible. — Léon Michel, Le Périgord, Le Pays et les Hommes. (1)
L’écosystème : truffe-vigne-moutons-murs
Autrefois, la poussée la plus abondante de la truffe était favorisée par les facteurs suivants :
- Les murs en pierre sèche qui renvoient la chaleur du soleil sur la terre.
- Les labours des vignes au ras des chênaies ou « garissades » qui aéraient le sol, aujourd’hui trop compact.
- Les moutons qui broutaient les grandes herbes et fumaient la terre par leurs crottins.
Les conditions climatiques favorables à la truffe
Côté climat, la truffe se développe aux abords des 46° et 45° parallèles, là où le climat est essentiellement tempéré. Elle a besoin d’une bonne exposition au soleil et des saisons marquées. Idéalement, il lui faut des hivers modérément froid, avec des nuits à –5°C, et des journées entre 10 et 14°C. Un froid modéré a une action très favorable sur la maturation des truffes : d’ailleurs, il est généralement admis qu’une truffe n’est bonne que si elle a subi l’influence des premiers froids de l’hiver. Toutefois, en fonction de sa profondeur dans le sol, elle peut geler dès –7°C. De plus, les chênes sont relativement sensibles aux gelées et plus particulièrement aux gelées printanières tardives de mai. Leur jeune feuillage encore trop tendre résiste mal à un coup de froid sévère de l’ordre de –5 ou –6 degrés et apparaît comme « grillés » quelques jours plus tard. Si, par malheur, les chenilles s’attaquent à la repousse, l’arbre peut mourir. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas implanter de truffières dans des zones gélives. (2)
La truffe affectionne des printemps où alternent des périodes d’humidité (avec sécheresse relative) et de chaleur, des étés chauds entrecoupés d’orages (surtout pendant la première quinzaine d’août) et des automnes pas trop humides. Toutefois, une très forte sécheresse, aux mois de mai et de juin, peut nuire irrémédiablement à la naissance des truffettes, tout comme une trop grande chaleur d’ailleurs. En effet, la truffe a tout particulièrement besoin d’eau lors de la germination de la spore et du développement du mycélium.
Si Tuber melanosporum a des besoins relativement limités en eau en juin et juillet, les orages d’août lui sont très bénéfiques : sa croissance peut alors être exponentielle. Un vieux proverbe dit : « s’il pleut au mois d’août la truffe est au bout ». Si la pluie est indispensable à sa croissance, l’excès d’eau lui est nuisible ! En fait, c’est surtout durant son cycle de grossissement (août-septembre), que la truffe est particulièrement vulnérable : carences et excès d’eau peuvent lui être fatals.
En dehors de cette période, elle résiste assez bien, tant à la sécheresse qu’à de fortes eaux. Comme le fait remarquer A. Larbaletrier (1890), dans son « Document historique et technique de la truffe », le climat de la Truffe est celui de la Vigne.
Les ennemis de la truffe
Hormis les aléas climatiques dont nous venons de parler, signalons tout d’abord les parasites animaux. Les sangliers font de gros dégâts. Ils retournent le sol des truffières à la recherche non seulement des vers de terre, mais aussi des truffes dont ils sont particulièrement friands. Les lapins font également quelques dégâts, sans parler des mulots. Ces petits rongeurs en sont très friands et peuvent causer de sérieux dégâts. Signalons enfin les asticots de mouches (qui n’attaquent que les truffes en état de maturation avancée), des larves de coléoptères (Liodes Cinnamomea) et des limaces… et les chenilles (Bombyx Disparate, Tortil Viridana, Thaumetopea processionea, Lasiocampa Quercus) qui sont capables d’anéantir les plantations de régions entières. Ajouté à cela les parasites végétaux comme les galles ou encore l’oïdium (Microsphaera quercina).
Notes :
Crédit Photos :
- Plants de chênes truffiers, By Véronique PAGNIER (Own work), via Wikimedia Commons.