Bien choisir le safran

Aujourd’hui, le safran est à nouveau « tendance » et son commerce prospère. On voit fleurir bon nombre de labels et d’appellations. Comment identifier un produit de qualité ? Comment déjouer les fraudes qui sont nombreuses et difficiles à identifier pour un consommateur peu averti ?

Le safran se classe en fonction de sa qualité. Parmi les 150 composés volatils et aromatiques, seuls trois trois d’entre eux sont d’importance. Des mesures photométriques effectuées en laboratoire permettent de quantifier leurs concentrations. Ce sont le safranal (parfum), la crocine (couleur), et la picrococine (saveur). D’autres mesures peuvent être faites mais ces trois indicateurs suffisent généralement. Plusieurs pays possèdent leurs propres normes de qualité du safran. Afin d’uniformiser au niveau mondial la classification du safran, l’Organisation internationale de normalisation a établi diverses catégories standards de safran regroupées sous la norme ISO 3632. Les deux parties de cette norme, ISO 3632-1:2011 et ISO 3632-2:2010, spécifient des méthodes d’essai pour les différentes formes sous lesquelles se présente le safran séché – en filaments entiers, coupés et en poudre. Elle propose quatre classes empiriques fixées en fonction du taux de crocine. Ces tests sont effectués par la mesure de l’absorbance spectroscopique (dite « mesure de la transparence »), pour une longueur d’onde précise de 440nm. Plus l’absorbance sera grande plus la concentration de crocine sera importante et la couleur intense : IV (qualité faible), III, II et I (qualité supérieure). De plus, ces tests permettent de vérifier qu’aucune matière étrangère n’est présente dans le produit.

Les prix du marché sont fixés en fonction des scores obtenus lors de ces tests. Cependant, beaucoup de safraniers, de marchands et de consommateurs préfèrent la méthode traditionnelle qui juge la qualité du safran en fonction de caractéristiques similaires à celles utilisées par les amateurs de vin, tels que le goût, l’arôme, le parfum, l’aspect, la texture…

Bien choisir le safran, c'est l'acheter en pistils plutôt qu'en poudre

Appelé « fils » en cuisine, des stigmates de safran, épice extraite de la fleur du Crocus sativus.

Identifier un safran de qualité

Pour faire simple, un safran de qualité doit rester souple au toucher et ne casser que sous la pression. Un safran trop brun est un safran ayant séché à température trop élevé. À l’inverse, un safran pas assez sec finit par moisir. De plus, un safran qui pique est un safran trop vieux qui a perdu ses propriétés gustatives. L’odeur du safran est caractéristique, ceux qui la connaissent ne s’y trompent pas.

Test de qualité à effectuer lors de votre achat – Pour reconnaître le vrai safran, mouillez un filament avec votre langue et frottez-le sur une feuille de papier. Il doit laisser une marque franche, d’un joli jaune, légèrement orangé. Si vous n’obtenez aucune couleur ou si elle n’est pas jaune mais rose ou rouge, passez votre chemin. Lorsque cela est possible, on peut également plonger un stigmate dans un peu d’eau : une couleur d’un beau rouge orangé profond doit lentement apparaître. Vérifier si les stigmates ne restent pas collés aux doigts.

Mais il y a d’autres principes de base à respecter pour identifier et acheter un safran de qualité. Tout d’abord, il faut s’assurer que les stigmates aient bien la forme caractéristique d’une trompette. Ensuite, il faut sélectionner des stigmates (appelés « fils » en cuisine) présentant une coloration vive et cramoisie, une légère humidité et une relative élasticité. Ils ne doivent pas coller aux doigts. Il faut également écarter les stigmates montrant une coloration mate et rouge brique (indicateur d’un âge avancé). Il faut aussi éviter les fils cassés. Ils sont l’indice d’une sécheresse anormale due à l’âge. Le plus souvent on les retrouve groupés dans le fond du récipient. On rencontre de tels échantillons, vieillissants, autour du mois de juin-juillet, quand les détaillants essaient d’écouler les stocks de la saison précédente. Il est fortement conseillé d’utiliser des stigmates de la saison courante. Toutefois, un safran produit et stocké dans de bonnes conditions peut garder ses qualités pendant deux années et demi.

La qualité du safran peut se constater par le faible pourcentage de matière jaune à l’extrémité des stigmates. Deplus, il faut savoir que le safran n’est pas jaune. Il ne prend sa couleur jaune que lorsqu’il est infusé…

Comment connaître l’année de la récolte ? Les grossistes et les détaillants honnêtes indiquent l’année de la récolte, ou les deux années encadrant celle-ci. Une récolte de 2014 en retard serait indiquée « 2014/2015 ». Si cette indication est manquante, il est préférable de passer son chemin.

Le conditionnement est important

Le safran doit se conserver à l’abri de la lumière, dans un récipient hermétique entreposé dans un endroit sec. Cette épice s’altère rapidement en présence des agents oxydants de l’air. C’est pourquoi les récipients doivent être hermétiques, en verre plutôt qu’en métal, carton ou plastique. Les bouchons de liège naturel ne laissent pas passer l’oxygène, alors que les bouchons de plastique ou de métal provoque une oxydation rapide et brutale de l’épice.

Un produit de luxe victime de la contrefaçon

Appelé « or rouge », le safran est l’épice la plus chère au monde. Le kilo de safran se négocie 35 000 €. Un gramme de bonne qualité se vend 40 € au détail. Objet de convoitise, il est souvent contrefait. En fait, 86 % du safran commercialisé dans le monde ferait l’objet de falsification. Bon nombre de techniques de falsifications remontent au Moyen-Âge. Pour contrefaire la poudre, les fraudeurs utilisent le plus souvent la fleur de carthame, le souci, les barbes de maïs, des fibres de soie teintes en rouge, des fibres de grenade, du blanc de poulet teinté… Quant à la poudre, encore plus falsifiée, on peut aussi y retrouver du curcuma (« safran des Indes »)… ou, pire encore, de la brique pilée, du sable ou du plastic broyé.

Curcuma-longa-roots

Rhizome et poudre de Curcuma longe. La poudre de Curcuma est souvent utilisée pour falsifier le safran en poudre.

D’autres malfaçons existent, comme le fait de sécher insuffisamment le safran pour augmenter son poids. Cette méthode entraîne inévitablement la moisissure du safran. D’autres fraudeurs alourdissent les stigmates en les trempant dans l’huile ou le miel. Cette méthode est très efficace pour gagner en poids, mais, en devenant imperméable, un tel safran ne pourra plus restituer ses flagrances, même après un trempage dans l’huile.

Enfin, trop souvent, le safran d’importation vendu sur le marché français date de cinq ans, voire plus. Autant dire que sa valeur aromatique est très faible.

Parce que ces fraudes sont bien souvent difficiles à déceler, il est préférable d’acheter le safran en pistils plutôt qu’en poudre. D’ailleurs, la poudre se conserve moins bien car elle s’évente relativement vite…

À cause de son prix élevé, le safran était souvent remplacé ou mélangé dans les cuisines traditionnelles avec du carthame des teinturiers (Carthamus tinctorius, que l’on appelle également « faux-safran ») ou de curcuma (Curcuma longa, appelé également « safran des Indes »), une plante de la famille du gingembre dont le rhizome séché donne une poudre jaune entrant usuellement dans la confection de la poudre de curry. Les deux ont des parfums très différents du safran, bien qu’ils imitent parfaitement sa couleur !


Notes :

Crédit Photos :

  • Du safran, épice extraite de la fleur du Crocus sativus, By Hubertl (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Curcuma longa:Rhizome, tranches et poudre, by Simon A. Eugster, via Wikimedia Commons.

LE SAFRAN DU PÉRIGORD

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