La culture du safran

La façon de cultiver le safran n’a presque pas changé au cours des siècles, en raison de son très faible niveau de mécanisation. Bien que simple et accessible à bon nombre de personnes, cette culture est toujours aussi exigeante. Et on ne peut pas estimer à l’avance la quantité de safran récolté tant sa fleur est capricieuse…

La culture du safran réclame beaucoup d’efforts. Seule la préparation du sol peut-être en partie mécanisée, les autres travaux étant exclusivement manuels ! Par contre, cette culture ne nécessite pas de grandes surfaces. En effet, on récolte 700 à 800g de safran sur 800m2.

Le sol propice à la culture du safran

En Périgord, le safran affectionne les terres sur lesquelles les vignes étaient autrefois prospères ainsi que les terrains calcaires, pauvres mais bien ensoleilléee, exposées sud ou sud-est. Quelle que soit la région, le sol idéal est aéré et léger (le tassement du sol doit être évité), drainant (l’excès d’humidité pose problème), riche (prévoir une bonne matière organique, avec du fumier décomposé plutôt que frais, afin d’éviter un développement des feuilles au détriment des fleurs) et neutre (pH compris entre 6,5 à 7), de préférence silico-calcaire, argilo-calcaire friable ou argilo-sableux.

Les sols foncés ou rougeâtres ont une influence bénéfique sur la beauté des fleurs et sur la couleur des stigmates, contrairement aux sols blancs. L’excès de pierre peut nuire au développement des bulbes.

Le climat favorable à la culture du safran

Crocus sativus s’accommode d’un climat chaud, l’été et froid l’hiver. Idéalement, il lui faut des précipitations au printemps, un été chaud, un hiver froid.

Malgré son besoin prononcé de soleil, le safran survit à des hivers difficiles. La neige n’est pas un problème. C’est même est un excellent isolant, grâce à l’air qu’elle renferme. Elle diminue les écarts de température et le sol gèle moins en profondeur. Sans parler du fait qu’elle contient également quantité d’éléments fertilisants. Par contre, les périodes de gels prolongés sont à redouter : dans le meilleur des cas, elles stoppent le développement végétatif et floral (jusqu’au retour de températures plus douces), et dans les cas extrêmes, elles causent de gros dégâts. En effet, les bulbes gèlent à des températures continues de -10 à -15°C. C’est la raison pour laquelle il est préférable que la safranière ne soit pas exposée au nord. C’est même impératif dans certaines régions.

Bien que ses besoins en eau soient raisonnables – 600 à 700 mm/an lui suffisent – il craint les fortes sécheresses. Idéalement, la pluie est bénéfique au printemps et durant la période précédant la floraison, à la fin de l’été. Un été plutôt sec lui convient, même si des températures élevées peuvent, pendant la floraison, ralentir ou stopper le cycle végétatif et floral. Une forte pluviométrie en juillet-août peut également avoir des conséquences catastrophiques sur la floraison automnale… En fait, Crocus sativus déteste les périodes humides prolongées. Un automne humide et froid peut allonger la période de floraison jusqu’à noël…

La plantation des cormes

Planter à la houe, à une profondeur de 20-30 cm. Poser les bulbes tête en l’air et bien à plat dans le fond de la tranchée, distants de 15-20 cm sur le rang et de 25-30 cm entre les lignes. La densité de plantation peut varier de 25 à 60 bulbes au mètre carré. Une trop forte densité peut conduire à l’étouffement, suite à la multiplication naturelle des bulbes et oblige à un arrachage plus rapide de la safranière. Prévoir une allée tous les 4 rangs pour facilité l’entretien, le passage et la cueillette.

Chaque bulbe produit entre 1 et 3 fleurs, puis entre 3 et 10 fleurs (suivant pluviométrie et calibre du bulbe).

L’entretien de la safranière

Il est indispensable de biner le plus régulièrement possible sa safranière. Pour deux raisons : premièrement, le safran supporte mal les sols tassés ; il faut donc ameublir la terre encore et encore. Deuxièmement, le safran déteste la concurrence des mauvaises herbes ; il faut donc désherber aussi souvent que nécessaire. Toute négligence dans ce domaine est sanctionnée par une basse significative de rendement : moins 20 à moins 30 %. Moins de bulbes et donc moins de fleurs.

Le désherbage chimique est à proscrire, car il entraîne des malformations au niveau des fleurs (diminution de leur taille, multiplication anarchique des fleurs et des stigmates), sans parler de la qualité du safran qui est altérée.

La rotation des cultures est impérative, car le safran est une plante qui épuise doublement les sols, tout d’abord en se nourrissant, ensuite en se multipliant ! Il faut donc prévoir un arrachage en vue de nouvelles plantations tous les 3 à 10 ans en fonction de la nature du terrain et de la densité des bulbes qui se sont multipliés. Il est déconseillé de ne pas répéter la culture sur le même terrain avant 8 à 10 ans.

La période d’arrachage des vieilles safranières et la plantation des bulbes en sol nouveau se font en juin-juillet.

Prévoir, au besoin, trois ou quatre arrosages au printemps et à l’automne, dans les régions à faible pluviométrie.

Les ennemis du safran

Les principaux ennemis du safran sont les maladies fongiques, la fusariose, le tacon et le rhizoctone violet qui s’attaquent aux bulbes et aux feuilles. Pour lutter contre ces maladies, il faut éviter les arrosages, laver et laisser les bulbes sécher au soleil lors des arrachages, choisir un sol drainant et aéré, planter des bulbes sains et éliminer à l’arrachage les bulbes malades ou douteux, espacer les bulbes de 15 à 20 cm, ne pas planter de safran après des pommes de terre, des asperges ou de la luzerne, respecter une rotation de culture de 5 à 10 ans. Si en dépit de ces mesures de prévention des bulbes se révèlent atteint, les détruire ou bien les saupoudrer de fongicides appropriés.

Durant la période hivernale, il est crucial de protéger le feuillage des limaces, des lapins, lièvres, mulots, chevreuil…

Enfin l’excès d’humidité, le gel prolongé, le manque d’eau, des variations de températures anarchiques à travers les saisons, sont également préjudiciables à la culture du safran.

Récolte, émondage et séchage du safran

1. La récolte du safran

Fin août, lorsque la température nocturne est inférieure à 17°C, les bulbes se réveillent. La période de floraison débute après les grosses pluies d’automne. Les premières fleurs commencent à sortir lorsque la température nocturne avoisine 8 degrés.

La récolte dure 4 à 6 semaines. Suivant les années, elle peut s’échelonner de la fin septembre à la mi-novembre. Toutefois, dans les safranières périgourdines, la récolte a lieu généralement en octobre. La fleur sort de terre au petit matin, protégée par une gaine blanche rappelant la soie, accompagnée ou non de feuillage, selon le sol. Elle déchire la gaine, puis s’épanouit à l’ensoleillement et meurt en 24 à 48 heures. S’il pleut, elle reste fermée et attend une éclaircie pour s’ouvrir. Ce n’est pas le bon moment pour récolter. D’ailleurs, une fleur mouillée ne vit que quelques heures et reste difficile à travailler.

Les fleurs sont cueillies chaque matin, manuellement et à la base, sur un végétal aussi sec que possible, après l’évaporation de la rosée, mais avant leur éclosion. Pourquoi intervenir avant l’éclosion ? Parce que les stigmates sont extrêmement fragiles. En intervenant dès que possible, ils ne seront ni dégradés par le soleil ou le vent, ni trop humide à cause de la pluie ou de la rosée. D’autre part, le pollen n’aura pas le temps de se propager et d’endommager les stigmates. On améliore ainsi la qualité de la future épice… Si de nouvelles fleurs apparaissent pendant la journée, une seconde cueillette sera nécessaire, en fin d’après-midi.

2. L’émondage du safran

Le jour même, tout juste après la récolte, on procède à l’émondage, une opération délicate consistant à éplucher les fleurs une par une, écarter les corolles et détacher les trois stigmates de la fleur, si possible sans séparer les 3 stigmates. On ne conserve que les extrémités rouges des stigmates, qui sont ensuite séchés pour la conservation. Pour cette opération délicate, longue et fastidieuse, on peut utiliser un petit ciseau courbé, une pince à épiler… ou ses ongles. Remarque : en manipulant les stigmates avec ses doigts, on peut transmettre une odeur indésirable. Il est donc préférable d’utiliser un ciseau ou une pince à épiler…

Les pistils frais sont très odorants (forte odeur de rose). Plus les pistils sont longs et plus le safran a de valeur.

Quelques données chiffrées : un safranier expérimenté peut cueillir environ 2 000 fleurs à l’heure, et il faut 5 heures pour en récupérer les filaments. Le rendement à l’hectare n’est que de 2 kilos.

3. Séchage du safran

Après leur extraction, les stigmates doivent être rapidement séchés afin d’empêcher la décomposition ou la moisissure. C’est l’étape la plus importante et la plus délicate de la récolte puisqu’elle détermine la qualité du safran. Lors du séchage, l’évaporation de l’eau permet aux stigmates d’exprimer pleinement les arômes. La technique et la durée de séchage conditionnent la qualité du safran. Le safran aura une saveur épicée si le séchage est long ou bien safranée s’il est rapide.

Selon les pays et les régions, le séchage est réalisé en four électrique, gaz ou bois, sur poêle à bois, en séchoir à pollen, au-dessus d’un brasero, à l’air libre, abrité ou au soleil… Les méthodes avec dégagements de fumées, exposition à la lumière ou ventilation peuvent altérer l’odeur et la qualité du produit.

Selon la méthode traditionnelle, les stigmates sont tout d’abord séparés sur des écrans à mailles fines qui sont ensuite placés au-dessus de charbon ou de bois brûlant dans un four à foyer ouvert où la température atteint 30 et 35°C pendant 10 à 12 heures. La méthode moderne de séchage s’effectue dans un déshydrateur, un four électrique ou sur des plaques vitrocéramiques, à une température comprise entre 35 et 50°C et dure de 20 à 30 minutes.

La réussite de cette opération délicate s’apprécie au toucher : les pistils doivent être légers, raides, cassants et rouge sang.

Lors de ce séchage, les filaments de safran doivent perdre les quatre cinquièmes de leur poids. En fait, on obtient 200 grammes de condiment à partir d’un kilo de pistils frais ! Pour contrôler la réussite de cette opération, il faut peser les stigmates avant et après le séchage, à l’aide d’une balance de précision.

Il faut attendre un bon mois pour que le safran finisse de sécher et développer toutes ses saveurs. Il sera ensuite stocké à l’abri de l’air et de la lumière, dans un récipient de verre, pour conserver tous ses arômes.

Les trois étapes que l’on vient de décrire – récolte, émondage, séchage – doivent être réalisées le jour même de la cueillette, faute de quoi la fleur se tasse et fermente. Ces opérations doivent être répétées quotidiennement et pendant toute la période de floraison.

Le calendrier du safran

1. En plein sol

  • Plantation des bulbes : elle s’effectue entre la fin du mois de juillet et durant le mois août, sur un terrain exposé sud, sud-ouest, à une profondeur d’environ 10 cm, les bulbes étant espacés de 8 cm. La terre doit être filtrante, et le sol bien désherbé et fertilisé. La floraison se fera généralement au mois d’octobre.
  • Récolte : les stigmates se récoltent de fin septembre à mi-novembre. Chaque fleur sera cueillie après la rosée du matin et émondée le jour même.
  • Le feuillage de l’hiver : après la floraison suit une période feuille qui dure tout l’hiver jusqu’au début du printemps, au cours de laquelle les bulbes se multiplient. Plus le feuillage est touffu et allongé et plus le pied et les calibres sont importants.
  • L’arrachage et la séparation des bulbes : début avril, lorsque les feuilles flétrissent et donc arrivent à maturité, c’est le moment de les arracher, les séparer, les laisser sécher et leur donner un arrêt végétatif réel et complet. Le stockage sera effectué dans un lieu sec et bien ventilé, à l’abri des rongeurs.
  • Transformation du safran : de novembre et décembre, au laboratoire.

2. En jardinière

  • Plantation : un bac d’une profondeur de 20 à 25 cm, exposé plein Sud ou Sud-Est fait l’affaire. Le fond du bac doit être étudié pour permettre l’évacuation de l’eau. Plantez les bulbes en juillet et avant fin août, à une profondeur de 8 à 10 cm et espacés de 5 à 8 cm. La terre ne doit pas être trop acide (pas de terre de bruyère) et laisser l’eau s’infiltrer facilement.
  • Arrosage : ne pas trop arroser. Deux fois deux centimètres en août et en septembre si aucune pluie ne vient naturellement mouiller le sol.
  • Floraison : le safran fleurit de fin septembre à novembre, dans une étroite fenêtre d’une à deux semaines. De plus, après leur floraison, à l’aube, les fleurs fanent rapidement durant la journée.
  • Récolte : les fleurs fanent très rapidement durant la journée ; la moisson des fleurs doit donc s’effectuer très rapidement. Les stigmates doivent sécher sur une feuille absorbante pendant une journée. Dès qu’un stigmate tient entre les doigts sans plier, il est sec. On doit alors placer les filaments dans un pot de verre étanche. Après une semaine, on vérifie l’absence de buée sur les parois du pot. Il faut attendre au moins un mois avant de les consommer.
  • Le feuillage de l’hiver : en hiver, si la température descend en dessous de -8°, il est préférable de protéger le pot avec un isolant. Vous pouvez également le remiser dans un local approprié. En effet, en plein champ, le bulbe est planté à une profondeur de 20 à 25 cm ; de ce fait, il est mieux protégé du froid.
  • L’arrachage et la séparation des bulbes : les bulbes grossissent en fin d’hiver et, au printemps, ils se démultiplient. Il faut laisser les feuilles se faner, puis, en mai, arracher les cormes lorsque la densité devient trop importante.

Sources :

Crédit Photos :

  • Crocus sativus en fleur, By sebagee, Licence CC0 Public Domain.

LE SAFRAN DU PÉRIGORD

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