Pendant la Première Guerre mondiale, la monnaie en argent disparaissant, des unions de commerçants puis des chambres de commerce ont émis des monnaies papier que connaissent bien les collectionneurs…
Restauration écologique d’un bras mort de la Dordogne
La Troisième République a fait frapper, à partir de 1898, des monnaies de 50 centimes, 1 franc et 2 francs utilisées quotidiennement dans tous les commerces de France et de Navarre. Ces pièces, gravées par Roty, aux graphismes identiques à ceux utilisés en l’an 2000, disparurent lors du passage à l’euro. La seule différence étant qu’elles étaient en argent, métal précieux par excellence. En fait, ces monnaies ont été frappées jusqu’en 1920.
Lorsque la guerre éclate en 1914, l’ensemble de la population a le même réflexe : tout ce qui est métal précieux est mis dans les bas de laine et disparaît de la circulation. Seule la monnaie papier continue à être utilisée. Les commerçants sont alors confrontés à un problème : comment rendre la monnaie contre des paiements en coupures relativement importantes ? Comment le boulanger ou l’épicier peut-il rendre la monnaie quand les clients arrivent un billet de banque à la main ? Très vite ils s’organisèrent ; certains créèrent des bons en carton aux montants allant, le plus souvent, de 5 à 25 centimes. Ces monnaies en carton se trouvent maintenant chez les collectionneurs : celles des commerçants de La Roche Chalais, de Périgueux ou encore de l’épicerie Raynaud à Monpazier. Puis des organismes prirent le relais comme l’union des commerçants de Monpazier ou encore l’union des commerçants de Belvès.
Les plus originaux sont les « bons de monnaie » émis par la ville d’Eymet afin d’aider le commerce local, car les commerçants ne possédaient probablement pas d’association les regroupant. Nous retrouvons le même genre d’émission à Issigeac. Citons aussi des jetons-monnaie en laiton émis par la Boulangerie coopérative de Périgueux. Les chambres de commerce réagirent de leur côté en créant, avec l’autorisation de l’État, des billets en petites coupures. Ainsi les autorités reprirent le contrôle par souci de protection du consommateur. En effet, toutes ces petites émissions privées pouvaient ne pas être remboursées lors de la fermeture des commerces émetteurs. Elles pouvaient également faire l’objet de falsification par des faux-monnayeurs.
La Chambre de commerce de Paris fut la première à demander l’autorisation de l’État mais elle ne fut pas la première à procéder à des émissions. Dans une lettre publiée au Journal officiel du 15 août 1914, M. Noulens, ministre des finances, affirmait que « cette mesure, toute exceptionnelle, trouve sa justification dans les circonstances, mais son application reste sous la responsabilité des corps ou associations qui en prennent l’initiative ».
En Dordogne, les chambres de commerce de Bergerac et de Périgueux saisirent cette opportunité ; voici un extrait de délibération de la séance du 18 août 1914, adoptée à l’unanimité : « La Chambre de commerce de Bergerac sollicitera du gouvernement l’autorisation d’émettre, sous sa responsabilité, des coupures au porteur d’une valeur de 2 francs, 1 franc et 0 franc 50 centimes, pour une valeur de 500 000 francs ».
Il y eut en fait cinq émissions successives : la première le 5 octobre 1914 pour un montant de 750 000 francs, la deuxième le 15 juin 1917 pour 500 000 francs, la troisième le 5 août 1918 pour 500 000 francs, la quatrième le 12 juillet 1920 pour 500 000 francs et la dernière le 10 septembre 1921 pour 500 000 francs.
Pour notre département, la Chambre de commerce de Périgueux émit des billets, dits de « nécessité ». Il y eut six émissions différentes : le 15 août 1914, le 10 juin 1915, le 1er septembre 1915, le 24 juin 1916, le 5 novembre 1917 et le 30 juin 1920. Chaque émission comprenait des billets de 50 centimes, de 1 franc et de 2 francs, sauf celle du 30 juin 1920 pour laquelle il n’y eut pas de billet de 2 francs. Cette chambre de commerce émit également deux pièces en aluminium, de 5 et 10 centimes, toujours dans le but de faciliter le commerce. Au revers figurait le monument phare de la ville de Périgueux : la cathédrale Saint Front.
Toutes ces monnaies, émises par nécessité, font aujourd’hui le bonheur des collectionneurs.
Hubert Feuille