Où, quand, comment récolter le cèpe ?

La diversité des essences d’arbres, la chaleur des terres et la pluie sont des conditions indispensables à la pousse des champignons. Les cèpes se plaisent sur des sols acides, sous couverts de bois feuillus où ils vivent en symbiose avec les racines des châtaigniers, des chênes et des hêtres. On les rencontrent souvent à l’orée des forêts. Les gourmets précisent que c’est sous les châtaigniers, qui poussent sur des terrains calcicoles, que les cèpes sont les meilleurs. D’ailleurs, en Auvergne, ces cèpes nobles sont dits « de la Châtaigneraie ».

Avant de vous mettre en marche dans l’espoir de récolter le cèpe – de préférence en matinée et le plus tôt possible –, munissez-vous de ces trois choses quasi indispensables : tout d’abord un solide bâton, pour soulever les feuilles mortes et les fougères sans se baisser inutilement, un panier – si possible un panier de vendanges en bois de châtaignier – dans lequel vous disposerez des fougères, pour ne pas abîmer les précieux champignons, et enfin un couteau, pour couper le pied du cèpe sans endommager le mycélium. Voilà, vous êtes prêt à ramasser vos précieux champignons, mais encore faut-il que la période soit favorable !

La variété estivalis pointe son nez rond une première fond en mai avant de revenir fin août-septembre pour la première période d’automne : les premières gelées marqueront la fin de la cueilette, sonnat le glas des prtits matins humides dans lesquels on s’enfonce…. (3)

Quelles sont les conditions idéales pour les cèpes ?

Les cèpes poussent majoritairement par temps humide et doux en septembre et en octobre : la terre doit avoir été chauffée en juillet, arrosée par les pluies d’orage fréquentes aux alentours du quinze août, le tout avec un vent du sud. En règle général, ils poussent entre douze et vingt jours après de grosses averses : au moins 50 mm d’eau, répartis sur un minimum de deux à quatre jours. Ensuite, tout dépend de la température du sol. Plus il est chaud, plus la pousse sera abondante, et plus le délai entre pluie et récolte sera raccourci, mais encore faut-il que les nuits ne soient pas trop fraîches, bien que les chocs thermo-hydriques (pluies importantes et températures relativement basses) soient plutôt propices à son développement : néanmoins, le différentiel de température entre le jour et la nuit ne devrait pas excéder 10°C. Le cèpe craint les premières gelées, tout comme les autres champignons d’ailleurs.

Lorsque toutes ces conditions sont réunies et que – selon les croyances populaires – la lune est en phase ascendante, la terre « fleurit », donnant lieu, certaines années, à de spectaculaires récoltes. Les cèpes d’octobre seraient, semble-t-il, les plus parfumés. Des périodes de pousses survenant en juin ne sont pas exceptionnelles, bien que moins spectaculaires et beaucoup plus éphémères. — Consultez, sur notre blog, le récit d’un cueilleur de champignon : La terra es florida.

Pour que les cèpes poussent, il faut donc de la chaleur, du soleil le jour, de la douceur la nuit et des pluies d’orage chargées en azote. Si des pluies abondantes et régulières s’échelonnent sur plusieurs jours, il y a de fortes chances pour que les pics de récoltes suivent la fréquence de ces averses ; c’est ainsi que, certaines années – exceptionnelles –, on trouve de nouveaux cèpes sur une période de deux à trois semaines.

Il faut 35 mn de pluie au minimum et douze jours d’incubation, le cycle débutant en lune nouvelle, dans l’environnement tanique d’un chêne ou d’un châtaignier. Tout le reste est secret de la nature… (1)

Où trouver les cèpes ?

Tout d’abord, sachez que les cèpes ne peuvent pas pousser sans arbre, puisque c’est un champignon mycorhizien, c’est-à-dire qu’il vit en symbiose avec certains arbres hôtes. Ensuite, n’oubliez pas que certains arbres ne sont pas compatibles avec le cèpe ; c’est ainsi que vous ne le trouverez pas dans les bois constitués uniquement de pins (hors épicea). Par contre, certaines espèces d’arbres sont étroitement associées à une voire plusieurs espèces de cèpes : en Périgord, on recherchera les forêts de chênes, de châtaigniers, de charmes, de hêtres, autant d’essences propices à la pousse des cèpes têtes de nègre (boletus aereus), cèpes d’été (boletus aestivalis) et cèpes de Bordeaux (boletus edulis). Au-delà de ces principaux arbres, on observe assez souvent les cèpes en compagnie des noisetiers, merisiers, prunelliers et aubépines. Ajoutons à cette liste le houx que l’on recontre fréquemment avec les cèpes d’été et les têtes de nègre. Autre chose à savoir : les bois constitués d’une seule essence offrent un environnement moins favorables aux cèpes (bien que, parfois, un arbre isolé puisse être mycorisé) : il faut donc privilégier les forêts constituées d’essences diversifiées y compris lorsqu’il s’agit d’une association de feuillus et de résineux.

La nature fournit d’autres indicateurs de présence potentielle de cèpes. Parmi ceux-ci, signalons : a) la fougères aigle (Pteridium aquilinum), b) le blechnum en épi (Struthiopteris spicant), une fougère de taille modeste, 10 à 45 cm de long (aussi appelé « fougère pectinée » ou « fougère en épi », c) le fragon ou « petit-houx » (Ruscus aculeatus), un buisson vivace haut de 20 à 70 cm, d) la laîche à épis pendants (Carex pendula), une plante vivace de 0,60 à 1,20 mètres de hauteur, e) la laîche glauque (Carex flacca), plus modeste que sa grande sœur, le lierre grimpant ou rampant (Hedera helix), une plante vivace pouvant atteindre facilement 100 mètres de long et 30 m en hauteur, g) le chèvrefeuille des bois (Lonicera periclymenum), une liane arbustive aux fleurs très odorantes pouvant atteindre jusqu’à 5 m de longueur ou de hauteur.

Quelques indicateurs de présence potentielles de cèpes | Cliquez pour agrandir

Le cèpe affectionne les sols acides ; mais ce n’est pas tout : il préfère les bois bien débroussaillés qui laissent pénétrer la lumière. L’orée des bois, les clairières, les faussés et bords de chemins, favorisent également les premières pousses. Ces zones devraient être prospectées en premier. Ensuite, à l’intérieur des bois, les tapis de mousse, les arbres morts, les tas de pierres, les fouillis de ronce et autres endroits ombragés favorisant l’humidité peuvent aussi être propices, y compris dans les endroits sombres, mal exposés… mais encore faut-il que les conditions de pousses soient optimales. Oui, le cèpe aime l’humidité, mais sans excès. C’est pourquoi on le trouve sur des sols bien drainés. En fait, ce champignon n’apprécie pas les extrêmes : ni excès d’eau, ni excès de sècheresse. Sachant cela, il vaut mieux privilégier les massifs humides lorsque les pluies ont été faibles, tandis qu’après de fortes pluies, vous choisirez de préférence les forêts dites « de sable », très perméables…

Les champignons ayant la particularité d’absorber et de digérer les polluants présents dans les sols, évitez les bords de routes, les zones polluées et les bordures de champs cultivés susceptibles d’avoir reçu des pulvérisations de fongicides, pesticides ou désherbants. De même, en cas de pollution radioactive, éliminez les champignons de votre alimentation, aussi longtemps que nécessaire.


Quelques conseils pour récolter le cèpe

Le cèpe se cueille plutôt jeune, ferme et trapu. Ceux qui ont la peau tendue, luisante de fraîcheur, avec le dessous blanc gris seront particulièrement appréciés. Toutefois, il ne doit plus avoir la forme d’un bouchon de champagne. Et ce n’est pas parce que les cèpes sont meilleurs jeunes qu’il ne faut pas ramasser certains vieux spécimens ; bien sûr, les trop vieux, effondrés sur leurs dessous verts, doivent rester dans le taillis comme reproducteurs de spores. Mais, ceux qui ne sont pas trop abimés pourront être utilisés dans la préparation des sauces, après les avoir débarrassés de la base de leurs pieds, et de leurs « barbes », bien souvent visqueuses par temps humide. Attention toutefois aux vers qui affectionnent particulièrement les vieux champignons !

Bien sûr, rien ne vaut un cèpe frais, mais si la récolte a été généreuse, il faudra les conserver. Pour cela on peut les stériliser, les congeler, les sécher ou les plonger dans un bocal rempli d’huile d’olive. — Pour en savoir plus, consultez la page Les méthodes de conservation du cèpe.

Les cèpes sont faciles à reconnaître, car ils ne bleuissent pas au toucher. De plus, le cèpe comestible a un pied de couleur blanche, contrairement aux espèces vénéneuses qui se reconnaissent à leur pied jaune ou rouge. Méfiance toutefois ! En cas de doute, un œil expert s’impose !

Enfin, sachez qu’il ne faut jamais mélanger des champignons d’espèces différentes. Il faut les isoler, espèces par espèces, dans des poches, de préférence en papier plutôt qu’en plastique, car ces dernières favorisent la fermentation.

CUEILLETTE DES CHAMPIGNONS : QUE DIT LA LOI ?

info1Les champignons sauvages appartiennent de plein droit au propriétaire du sol. Ils ne sont pas res nullius comme le gibier (c’est-à-dire n’appartenant à personne). En effet, l’article 547 du code civil est formel : « les fruits naturels ou industriels de la terre appartiennent au propriétaire par droit d’accession ». Leur cueillette n’est, par conséquent, tolérée qu’aux conditions suivantes : demander l’autorisation au propriétaire, respecter les lieux, les animaux et les panneaux d’interdiction, ramasser avec parcimonie, consulter les arrêtés préfectoraux et communaux en mairie.

Le fait de ne pas avertir par un panneau « cueillette de champignons interdite » n’est pas une faute et n’autorise pas les ramasseurs à pénétrer sur la propriété que ce soit un bois, un pré, un champ, etc.

Ramasser des champignons chez autrui c’est du vol (l’article 311-1 du code pénal dit bien que « le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui »). Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code forestier le 1er juillet 2012, il n’existe plus de seuil sous lequel la récolte serait « tolérée » ; la nature des peines a été profondément remaniée, et les sanctions sont désormais sans commune mesure avec celles qui étaient prévues auparavant. (2)


Un peu d’histoire

Vers 1606, le médecin d’Henri IV mentionne précisément le cèpe, en précisant que « les Gascons, qui en ont d’abondance, en font leur délice ». À part çà, peu de choses à signaler sur l’histoire du cèpe, si ce n’est ce qu’en dit le Larousse Cuisine en ces termes : « Les cèpes sont appréciés depuis le XVIIIe siècle ; leur vogue commença à Nancy, à la cour de Stanislas Leszczynski, d’où le qualificatif de “polonais” que l’on donne au cèpe de Bordeaux. » Installé en Lorraine, l’ancien roi de Pologne, Stanislas Leszczynski fut l’un des ambassadeurs du cèpe. À son époque, les cèpes étaient salés et mis en conserve dans des fûts avant d’être vendus.

C’est au XIXe siècle que la cuisine bourgeoise donna ses lettres de noblesse à certains champignons, les plus nobles d’entre eux, à savoir la truffe, le cèpe, la girolle et la morille. Grâce à Alcide Bonton, chef réputé du Grand Café Anglais à Paris – véritable institution parisienne fréquentée par la haute société depuis l’époque de Napoléon III – et auteur du « Traité de Cuisine bordelaise », le cèpe s’inscrit parmi les fleurons de la cuisine française.

Santé

Si l’on en croit certains travaux scientifiques, le cèpe a des vertus médicinales. Il est particulièrement riche en sélénium, réputé pour ses propriétés antioxydantes. Le cèpe favorise l’élimination des radicaux libres qui accélèrent le vieillissement cellulaire. C’est ainsi qu’il serait utile pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires mais, aussi, contre certains cancers digestifs. D’autre part, il est bénéfique pour le système nerveux et la peau.

Composés majoritairement d’eau, le cèpe est peu calorique : en moyenne, il n’apporte qu’une quinzaine de calories pour 100 g, sous forme de protéines, de vitamines (principalement B1, B2, Bles bois3, mais aussi E, D, K et PP) et de sels minéraux (sélénium, potassium, fer et phosphore). En moyenne, 100 grammes de cèpes couvrent les besoins journaliers en vitamines B1, B2 et B3.

Sa valeur nutritive se résume à ces quelques chiffres : eau 89 %, matières grasses 0,4 g, protéines 2,7 g. ll suffirait de 50 grammes de cèpes pour satisfaire aux besoins de l’organisme pendant 24 heures ! Le cèpe est donc idéal pour ceux qui souffrent de surpoids, diabète, excès de cholestérol, hypertension… (3)


Notes :

Crédit Photos :

  • Trois cèpes, by Michel Venot (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Boletus edulis, by Dezidor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Boletus edulis, by Dezidor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Boletus edulis, by Alinja (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Fougères aigle (Pteridium aquilinum) by Jeffdelonge (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Blechnum en épi (Struthiopteris spicant), by David Stang (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Fragon ou « petit-houx » (Ruscus aculeatus), by Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Laîche à épis pendants (Carex pendula), by Kristian Peters (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Laîche glauque (Carex flacca), by Isidre blanc (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Lierre grimpant ou rampant (Hedera helix), by Chery (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Chèvrefeuille des bois (Lonicera periclymenum), by Meneerke bloem (Own work), via Wikimedia Commons.

LE CÈPES DU PÉRIGORD

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