Le lébérou est probablement le personnage de conte périgordin le plus connu. Ce conte du Périgord a été imaginé pour inciter les enfants et les jeunes filles à rentrer bien sagement chez eux.La nuit vient de tomber et vous n’avez pas eu le bon sens de rentrer chez vous, attention au lébérou qui vous guette, tapi dans l’obscurité, et vous saute sur le dos ! Au siècle dernier, de nombreuses victimes en ont fait la triste expérience.
Le lébérou est un être vil, frappé de malédiction, condamné à ne plus jamais dormir dans son lit. Le soir venu, il se transforme en se revêtant d’une peau de bête et en prenant l’aspect d’un mouton ou d’un lièvre. Quant à la femme lébérou – extrêmement rare – elle entre dans la peau d’une chèvre. La transformation du lébérou s’opère toujours près d’une fontaine. Une fois métamorphosé, le voilà parti pour une nuit d’errance à travers la campagne et plus particulièrement autour des habitations.
Afin d’expier ses fautes, il doit parcourir sept paroisses durant la nuit et passer sous sept clochers, à quatre pattes. Il n’a donc pas de temps à perdre et il lui faut courir très vite. Certains d’entre vous connaissent peut-être l’expression lorsque l’on voit quelqu’un courir de manière effrénée, on dit : Veilo, cort coma un lébéro ! « Vois-le, il court comme un lébérou ». On imagine aisément son état d’épuisement à la fin de la nuit.
Ne soyez pas trop compatissant à son égard car durant sa folle nuit, le lébérou a quand même le temps de s’adonner à quelques plaisirs. L’un d’eux est de se faire porter. D’un bond il vous saute sur les épaules et se fait porter à sa guise, où bon lui semble.
Résignez-vous… malgré tous vos efforts, vous n’arriverez pas à vous en débarrasser.
Mais son plus grand plaisir est d’embrasser les filles qui, en dépit des recommandations de leurs familles, sortent à la nuit tombée pour des raisons plus ou moins inavouables. Bien mal leur en prend car elles sont attendues non loin de leur maison par un lébérou qui s’empresse de leur sauter au cou et de les embrasser malgré leur protestation et leur dégoût. Sûr que la prochaine fois, elles réfléchiront à deux fois avant de sortir la nuit !
Bien que maléfique, le lébérou n’est pas foncièrement mauvais. Le jour il redevient un bon père de famille ou une belle jeune fille. C’est pourquoi il ne faut pas lui faire de mal.
Aujourd’hui, les lébérous sont devenus rarissimes. Pour autant ne croyez pas qu’ils ont complètement disparu car vous pourriez être sa prochaine victime… Alors, à la nuit tombée, rentrez vite chez vous !
Marie-Laure Goudineau
Illustration : « Le lébérou » d’après Maurice Albe,
© Éditions Fanlac.