La truffe : un peu de botanique

La truffe est un champignon à fructification souterraine, sans pied, ayant la forme d’un tubercule plus ou moins arrondi, globuleux et souvent bosselé, rugueux au toucher, dont la grosseur varie de la taille de celle d’une noisette à celle du poing. Elle vit en symbiose avec un arbre-hôte, le plus souvent un noisetier ou un chêne, noir ou pubescent. Le champignon est présent sur les racines de l’arbre sous la forme d’organes microscopiques dénommés mycorhizes, dont les filaments fongiques peuvent donner naissance à des truffes. Elles se développent en se nourrissant de végétaux en décomposition. Autour du chêne truffier, l’herbe meurt, formant le brûlé, ou rond de sorcière. Sur le terrain, un néophyte pourrait la confondre avec une vulgaire motte de terre ; mais une fois nettoyée, Tuber melanosporum ressemble plus à un diamant aux multiples facettes.

La truffe est un champignon. Si tout le monde s’accorde aujourd’hui sur ce point, cela n’a pas toujours était le cas. En fait, les botanistes ont longtemps tâtonné avant de se mettre d’accord. Et bien des mystères demeurent encore, même si les scientifiques ont levé le voile sur bien des énigmes la concernant…

Description de la truffe

La truffe est constituée de trois parties distinctes :

  1. L’enveloppe externe ou peau, appelée cortex ou péridium. Elle a un aspect verruqueux et souvent crevassé qui, en plus d’un rôle de protection, contribue à la respiration et à la nutrition de la truffe. On y dénombre une multitude de verrues polygonales (4 à 6 faces) de taille moyenne (3-5 mm), côtelées en longueur, déprimées au sommet.
  2. À l’intérieur, la chair, appelée gléba, va s’organiser en veines stériles puis en veines fertiles. La maturation se traduit par toute une palette de couleurs : d’abord blanche, puis tour à tour grisâtre, gris-rougeâtre, brune, puis, une fois parvenue à maturité, noire violacée à noir pourpré. La chair est alors marbrée de fines veines blanches, très ramifiées, qui rougissent à l’air et noircissent à la cuisson. Elles correspondent aux parties stériles du mycelium. Les spores, ou organes de reproduction, de couleur brune sombre, de forme ellipsoïdes (comme de longs ballons de rugby) sont répartis dans des sacs appelés asques. Lorsqu’en fin de cycle la truffe pourrie en terre, les asques vont, en fonction de diverses influences, libérer ou non les spores dans la nature, un peu comme du pollen. Et le cycle biologique pourra ou non se poursuivre par la germination d’un certain nombre de spores entraînant l’émission du mycélium primaire, appelé hyphe, susceptible d’infecter les radicelles de l’arbre hôte, en donnant naissance à de nouvelles mycorhizes.
  3. La partie végétative, appelée mycelium. Il est formé de minuscules filaments qui s’accrochent aux radicelles de l’arbre par l’intermédiaire d’organes mixtes, les mycorhizes (du grec mukês pour champignon et rhiza pour racine). La connexion entre le champignon et la racine de l’arbre forme un réseau intercellulaire, appelé réseau de Hartig. C’est grâce à la finesse des hyphes libérés par les spores dont nous venons de parler, que les mycorhizes arrivent à prélever des éléments nutritifs, comme l’azote et le phosphore, dans de minuscules espaces poreux du sol. Le mycelium est souvent repérable, à la surface du sol, par la présence d’un « brûlé ».

Le poids moyen de la Tuber melanosporum oscille communément entre 10 et 200 grammes et son diamètre se situe généralement entre 3 à 15 cm. Au-delà, c’est beaucoup plus exceptionnel. En janvier 2012, une truffe noire du Périgord de 1,277 kg a été vendue au marché aux truffes de Sarlat (Dordogne). Pour la fédération départementale des trufficulteurs, il s’agit de « la plus grosse truffe » jamais récoltée en Périgord. Le précédent record en Dordogne datait de décembre 1999, avec un spécimen de 1,147 kilo cavé du côté de Sorges.

Botanique de la truffe

  • Nom latin : Tuber melanosporum.
  • Subdivision : Ascomycète.
  • Classe : Hymenoascomycète.
  • Ordre : Tubérales.
  • Famille : Tubéracées.

La Truffe est le nom donné à la fructification comestible d’un champignon ascomycète ectomycorhizien. En d’autres termes, la truffe que nous mangeons n’est que le fruit, ou carpophore, du champignon. Le champignon peut produire plusieurs carpophores en forme de tubercule plus ou moins globuleux, arrondies, irréguliers ou lobées.

Qu’est-ce qu’un champignon ascomycète ectomycorhizien ?

En bref, les champignons de la famille des Ascomycètes forment leur spores dans des cellules en forme de sac en cellulose appelés asques, contrairement à bon nombre de champignons de la famille des Basidiomycètes dont les spores sont situés entre les lamelles sous le chapeau (pour information, les spores sont les organes reproducteurs des champignons).

Le complexe ectomycorhizien, quant à lui, est une association entre des champignons, des racines et des bactéries. La truffe est donc un champignon mycorhizé, ce qui veut dire qu’il a besoin d’un arbre hôte. Les chênes pubescents, chênes verts, charmes, noisetiers sont des essences de choix, mais d’autres essences comme les tilleuls et châtaigniers peuvent parfois être exploitées. La truffe est donc un champignon symbiotique, qui interagit avec un arbre.

Principe même de la symbiose, chacun gagne quelque chose à l’association : la truffe donne à l’arbre des sels minéraux (phosphate, potassium, azote) tandis que l’arbre donne à la truffe des sucres (hydrates de carbone) résultant de la photosynthèse et autres substances nécessaires à son bon développement.

Cette association est possible grâce aux mycorhizes (les organes de la symbiose entre l’arbre et le champignon), le réseau de Hartig, étant le lieu d’échanges entre le champignon et l’arbre. Toutefois, il semblerait que le végétal souffre de cette symbiose, témoin d’un déséquilibre entre mutualisme et parasitisme.

On le dit également saprophyte parce qu’il se nourrit de substances végétales en décomposition, sans relation avec un organisme végétal vivant.

Parmi les nombreuses particularités de la truffe, signalons enfin le fait que c’est un champignon hypogée, c’est-à-dire souterrain. Il est enfoui dans le sol à une profondeur de 5 à 30 centimètres.

La vie sexuelle des truffes

La truffe a une vie sexuelle. Les chercheurs de l’INRA ont en effet découvert que les truffes Tuber melanosporum sont soit mâle ou femelle, et qu’elles ne se reproduisent que sexuellement. Ceci les distingue des autres champignons qui peuvent s’auto-fertiliser et même se reproduire de façon asexuée. Pour compliquer le tout, les truffes tendent à s’isoler dans des colonies unisexes qui croissent dans plusieurs terrains séparés. Ce serait la nature animale (comme chez les chiens, les sangliers, les écureuils, les campagnols ou les insectes) qui apporterait les spores d’une colonie vers une autre, permettant ainsi la reproduction. on comprend pourquoi les Tuber melanosporum sont si rares et donc si chères. (1)

Le séquençage du génome de la truffe Tuber melanosporum, dite du Périgord, dont le résultat a été publié en 2008 par l’Institut national de recherche agronomique (INRA), permet aujourd’hui une nouvelle approche de la recherche sur le terrain. L’INRA a révélé que la truffe n’est pas comme d’autres champignons un individu homothallique, mais un champignon hétérothallique, à savoir qu’il ne peut se reproduire que par la fusion de deux mycéliums (partie la moins visible du champignon, dont le fin réseau de filaments se développe en sous-sol) de types sexuels différents. (2)

Le cycle de la truffe

Les conditions climatiques (températures et pluviométries) sont déterminantes pour la bonne réalisation du cycle annuel de la truffe Tuber melanosporum. Le cycle des autres espèces de truffes est différent.

  • La truffe naît dans le sol au printemps, se développe en été et murît au cours des premiers froids d’automne pour être récoltée en hiver.
  • D’avril à juillet, selon les conditions climatiques de l’année, les Tuber melanosporum naissent. Les truffettes, jeune truffe pesant moins d’un gramme, peuvent être observées au mois de juillet.
  • Au mois d’août, la truffe Tuber melanosporum passe par une phase de croissance très rapide remarquée par les trufficulteurs après les orages de la mi-août à partir des fentes qui craquellent le sol. Ces marques de grossissement témoignent de phénomènes de multiplication et croissance cellulaires réalisés en une dizaine de jours qui déterminent le poids quasi-définitif du corps fructifère. Les truffes cessent en principe de grossir à partir d’octobre.
  • En novembre, les truffes commencent à mûrir, mais leur gléba est encore claire ou blanche et leur péridium (l’écorce) présente généralement des nuances rougeâtres.
  • En décembre, janvier et février, les truffes Tuber melanosporum atteignent leur maturité et libèrent leurs arômes caractéristiques qui permettent de les repérer. Ce cocktail de 250 molécules, dont 5 ou 6 sont proches du soufre et du diméthylsulfure, attire les sangliers, les écureuils et les campagnols. En mangeant la truffe, ils disséminent ses spores à des centaines de mètres. Et le cycle peut recommencer. La Truffe noire du Périgord est donc une truffe dite d’hiver. Elle n’est vraiment bonne à récolter qu’après les premières gelées.
Téléchargez le croquis des Cycles de la Truffe et des Mycorhyzes

Les Cycles de la Truffe et des Mycorhyzes | Cliquer sur le croquis pour l’agrandir
Utilisation soumise à conditions

Voici le calendrier complet du cycle de la Tuber melanosporum :

  • Février-mars : les spores germent et induisent des mycorhizes.
  • Mars-avril : le mycélium colonise le sol et induit aussi des mycorhizes.
  • Mai : la sexualité du champignon a lieu.
  • juin : les truffettes sont à peine formées (jeune truffe pesant moins d’un gramme.).
  • Juillet : les truffettes grossissent peu.
  • Aout-septembre-octobre : les truffes noires grossissent et évoluent.
  • Novembre : les truffes noires mûrissent.
  • Décembre : les truffes sont mûres et les premières récoltes commencent. Elle n’émet son parfum caractéristique que lorsqu’elle est à parfaite maturité à la faveur des premiers frimas hivernaux.
  • Janvier : la récolte est à son apogée.
  • Février et début mars : suite et fin de la récolte des truffes.

La production des trufficulteurs débute généralement après 6 à 10 années d’attente au cours desquelles ils doivent entretenir le sol, tailler les arbres et les protéger contre les dégâts des gibiers. Les truffières vieillissantes doivent être rénovées. Lorsque les arbres ont plus de 25 ans, il faut éclaircir la plantation en coupant certains, pour éviter que le développement de la ramure soit préjudiciable à un ensoleillement optimum du sol.

[Les truffes], que les anciens prétendaient engendrées par le tonnerre, se forment pendant la canicule et désirent les pluies chaudes des orages qui pénètrent un terrain assoiffé. « Beau temps pour les truffes ! » disent en se signant les bonnes femmes, terrifiées par les explosions de la foudre. Les pluies trop fréquentes de l’été gonflent les truffes mais par contre diluent leur parfum. Une sècheresse prolongée en août et en septembre sans la moindre averse bienfaisante rend la récolte déficitaire. Un automne ensoleillé et chaud s’oppose à la fructification qui a besoin alors de l’humidité des brouillards.Croquants du Périgord, Georges Rocal. (3)


Notes :

  •  (1) www.insoliscience.fr : La vie sexuelle secrète des truffes.
  •  (2) www.lemonde.fr : Les truffes ont une vie sexuelle.
  •  (3) Croquants du Périgord, Georges Rocal, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1970.
  • Le Guide, Dordogne Périgord, Éditions Fanlac, Périgueux, 1994.
  • L’instinct de gourmandise en Périgord, Michel Testut, La Lauze Editions, 2005, ISBN 2912032423.
  • Qu’est-ce que la truffe ? Un trufficulture fait la synthèse. Sainte-Alvere.com.
  • Sarlat : une truffe exceptionnelle de près de 1,3 kg – sudouest.fr.

Crédit Photos :

  • Truffe in situ, By Royonx, via Wikimedia Commons.

LES TRUFFES DU PÉRIGORD

Consultez le sommaire de la rubrique…