Brunehaut et la légende de Bourniquel

Mariage de Sigebert et de Brunehaut. Manuscrit du XVe siècle, grandes chroniques. Bibliothèque Nationale de France, Paris.
Mariage de Sigebert et de Brunehaut. Manuscrit du XVe siècle, grandes chroniques. Bibliothèque Nationale de France, Paris.
La princesse Brunehilde, fille du roi des Wisigoths d’Espagne, plus connue en France sous le nom de Brunehaut, a toujours passionné les historiens et les auteurs de tragédies. Les nombreuses légendes la concernant font de cette « Reine maudite » la première reine de l’histoire de France.

En 566, Sigebert Ier, roi d’Austrasie, envoya un ambassadeur en Espagne afin de demander au roi wisigoth Athanagild la main de sa fille. Ce dernier ayant donné son accord, Brunehaut quitta son pays pour Metz où l’attendait son futur époux. Une escorte de jeunes guerriers transportant de lourds chariots chargés de présents l’accompagnait.

Remontant de la péninsule ibérique, le cortège emprunta les anciennes voies gauloises, notamment celle reliant Agen (Aginum) à Périgueux (Vesunna). La traversée de la rivière Dordogne s’effectua à Pontours, un des rares endroits où son cours permet, l’été, un passage aisé à pied sec.

legend-brunehildeAprès plusieurs jours de chevauchée, la troupe arriva dans le pays des Pétrocores, tribu gauloise ayant donné son nom à l’ancienne province du Périgord. Le paysage verdoyant séduisit la reine. Elle décida de faire une halte sur un plateau, au sommet d’une colline, à quelques kilomètres du lieu de la traversée. L’endroit, ceinturé par des forêts à la végétation luxuriante, proche d’un vallon où coule une source abondante, convenait parfaitement au repos. Le camp fut donc dressé.

Le Périgord était alors couvert de forêts giboyeuses ; les compagnons de la princesse allaient pouvoir se livrer à leur passe-temps favori, la chasse. De ces journées passées dans l’insouciance et les réjouissances, la jeune Espagnole, peu habituée à autant de liberté, allait garder gravé au fond d’elle-même le souvenir de ce petit coin de paradis. Tout au long du trajet, elle fut accueillie en reine par des festivités, et son arrivée à Metz créa l’événement.

Élevée dans l’hérésie d’Arius, Brunehaut dut embrasser la religion catholique pour se marier. Lors de la cérémonie célébrée avec grande solennité, les centaines d’invités furent éblouis par sa beauté et sa culture. L’un d’eux, le poète Venance Fortunat, lui dédia un poème en latin la comparant à Vénus : « sa dot ajouta-t-il est l’empire de la beauté ».

Les années passant, la dure réalité de l’époque allait s’imposer à la jeune reine. Sa sœur, épouse de Childéric, roi de Neustrie, frère de Sigisbert, fut assassinée par son mari pressé d’épouser Frédégonde, une servante. Une guerre fratricide s’ensuivit. Suite à ce meurtre, Brunehaut hérita d’une partie des domaines de sa sœur et en particulier de l’Aquitaine. Selon la légende, se souvenant de son séjour en Périgord, elle serait souvent venue trouver refuge en ce lieu paisible, loin des intrigues de la cour qui menaçaient sa vie. À la mort de son mari Sigisbert, la vie de Brunehaut fut une succession violente de drames et d’assassinats. Elle se remaria avec Mérovée, fils de son beau-frère Chilpéric, assassiné en 577.

De nouveau veuve, elle rejoignit son fils Childebert, assassiné à son tour en 596, laissant un fils, Childebert II, qui régna sur l’Austrasie et sur la Burgondie. Il mourut lui aussi, probablement empoisonné. Ses deux fils, en bas âge, héritèrent du royaume. Thibert reçut l’Austrasie, Thierry la Burgondie. Brunehaut fut alors chargée de la régence.

C’est en souvenir des séjours de Brunehaut en Périgord que le village de Bourniquel aurait conservé le nom de la reine. Dans un premier temps, la transmission orale a transformé le nom Brunihilde en Brunichild, puis Bruniquel en 12811, avant de prendre sa forme définitive Bourniquel.

Certains chroniqueurs prétendent que Brunehaut entreprit de grands travaux au cours de son règne : des routes en France et en Belgique, portant le nom de « chaussée Brunehaut », ainsi que des tours, dites « tour Brunehaut », près de Bourges et de Cahors, puis le village de Bruniquel (Tarn et Garonne) avec son « château Brunehaut », et notre Bourniquel (canton de Beaumont du Périgord), autant de lieux qui, selon les toponymistes, évoquent le souvenir du passage de cette reine.

En 613, après bien des turpitudes, Brunehaut fut abandonnée par l’armée et une partie de la noblesse. Totalement isolée, sa famille en grande partie décimée, elle partit se réfugier dans le Jura où elle fut arrêtée et enfin livrée à son pire ennemi, Clotaire II. Il lui fit subir un martyre de trois jours en prenant soin de ne pas la tuer puis il la fit attacher à la queue d’un cheval sauvage qui traîna le corps supplicié sur un sol pierreux, provoquant sa mort rapide.

Épouse de deux rois d’Austrasie, grand-mère et arrière-grand-mère de plusieurs rois d’Austrasie et de Burgondie, cette reine, belle, impérieuse et rusée, eut de nombreux ennemis. Sa mort atroce, les travaux et les voyages qu’elle accomplit ainsi que les complots à la cour en ont fait un personnage mythique, marquant de son empreinte l’histoire de France.

La sérénité du petit bourg de Bourniquel contribue à renforcer la légende de Brunehaut. Son âme plane au-dessus des collines et des forêts qui entourent le village : un Eden loin de l’agitation et des intrigues !

Gravure de la mort de Brunehaut dans « Histoire populaire contemporaine de la France », tome 1, Charles Lahure, 1846.

Gravure de la mort de Brunehaut dans « Histoire populaire contemporaine de la France », tome 1, Charles Lahure, 1846.

Christian Bourrier


1 – Dictionnaire étymologique des noms de lieux de France, Albert Dauzat et Charles Rostaing (1963) et Dictionnaire topographique du département de la Dordogne (1873), Alexis de Gourgue.

Cet article a été publié dans le numéro 3 du magazine « Secrets de Pays ».

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