Soupe à l'oignon

La soupe périgourdine traditionnelle

Le Périgord ne revendique aucune soupe locale, mais, selon la saison, le tourain blanchi, le « tourain d’archevêque » dans lequel on plonge quelques instants un quartier d’oie, la soupe de fèves ou la soupe de carcasses d’oies, la soupe de fèves ou la soupe de carcasses d’oie, préluderont le repas. Et cependant, « la soupe de là-bas, a dit Fulbert-Dumonteil, c’est mieux qu’un potage, c’est un dîner, c’est un régal ! ». Cette excellente réputation est due en partie à la fricassée de légumes, de pratique courante en Périgord (1).

Le repas traditionnel périgourdin commence par une soupe roborative et goûteuse. Elle y occupe une place de choix. Comme l’écrit La Mazille dans son livre La Bonne Cuisine du Périgord, si l’on fait d’aussi bonnes soupes chez les Périgourdins, c’est parce qu’ils l’aiment et qu’ils ne sauraient s’en passer (2). Dans les campagnes périgourdines, la soupe est toujours un plat essentiel. Fait significatif, il n’est pas rare d’entendre dire, aujourd’hui encore en Périgord, « il faut que j’aille faire la soupe », plutôt que « il faut que j’aille préparer le déjeuner ». Autre expression que l’on entend parfois : « tailler la soupe », c’est-à-dire y tremper les tailles de pain.

« Bien faire la soupe » était le plus bel hommage que l’on pouvait adresser à une Périgourdine (3).

Pendant des siècles, celle-ci était à la base de l’alimentation des populations locales. Lors des disettes, la soupe était l’unique plat de résistance. Et même en temps normal, elle était servie matin, midi et soir, été comme hiver, aussi bien les jours de la semaine que les jours de fêtes. Au petit-déjeuner, la soupe remplaçait le thé ou le café qui ne firent leur apparition, dans les campagnes, qu’au début du vingtième siècle.

Le Périgourdin aimait également se traiter avec un bouillon spécial qui avait la réputation d’éviter le médecin, de remplacer le pharmacien pour les grippes, refroidissements, fatigues générales. Dans son livre intitulé Les secrets des fermes en Périgord noir, Zette Guinaudeau-Franc donne la recette de ce « Bouillon du Malade » :

« Il est fait avec un jarret de veau, les légumes au pot-au-feu, carottes, navets, poireaux, feuilles de bettes, céleri, oignon, girofle, peu de sel, pas de poivre. Réduit et servi au malade avec un peu de vermicelle fin ; (…) le boire, suivi du « chabrol » et d’une prunelle, avant d’aller dormir dans le lit tiédi par « le moine ».(…) Une poule même un peu vieille fait un excellent bouillon pour un malade. Le laisser se refroidir pour le dégraisser avant d’y cuire le vermicelle.

Les femmes qui préparaient la soupe au quotidien, inventèrent de nombreuses recettes, adaptées aux saisons, aux circonstances et à ses moyens de subsistances. Par exemple, les soupes servies dans les familles les plus aisées, lors des fêtes ou des grands travaux des champs, moissons ou vendanges, étaient plus goûteuses et, bien souvent, plus consistantes, alors que les soupes familiales habituelles pouvaient être plus simples. On parle de soupes « grasses » lorsqu’elles sont accompagnées de carcasses de volailles ou autres morceaux de viande comme le salé de porc – par opposition aux soupes de légumes dite « maigres ». Les premières étaient particulièrement appréciées par temps froid.

À la base des soupes périgourdines, la fameuse fricassée. Elle était le plus souvent faite de légumes (les plus employés sont les raves, navets, carottes, oignons émincés, tomates épépinés et coupés en quartier, poireaux, oseille hachée, potiron coupé en tranches…), enrichie de haricots ou de fèves, et servie avec des tailles de pain de campagne dont on aura tapissé la soupière. Un vrai repas à lui seul !

À part le bouillon, dans lequel on fait tout de même roussir un oignon pour le colorer, il n’est guère de soupe locale où l’on ne fasse bien une fricassée ; cela consiste, une demi-heure ou une heure avant la fin de la cuisson du bouillon, à faire rissoler dans de la graisse quelques tranches de légumes déjà cuits dans la soupe, ou même crus. On ajoute une cuillerée de farine qui roussit légèrement, on mouille avec une cuillerée de bouillon et on remet le tout à cuire dans la marmite. (…) L’essentiel est de savoir discerner parmi les légumes qui cuisent ceux qui sont bons à être fricassés et à donner ainsi ce goût délicieux au bouillon. Beaucoup ne conviennent nullement à cette préparation, tels les farineux, les pommes de terre, les légumes secs ou les légumes trop tendres (pois, fèves, etc…) (2).

Parmi les principaux légumes utilisés dans la composition des soupes périgourdines traditionnelles, on compte l’ail et l’oignon, les haricots verts ou blanc, les fèves (accompagnées d’un hachis d’ail et de persil), la citrouille et le chou. Mais on peut également utiliser les fanes de radis (comme dans la recette de la crème verte aux fanes de radis), l’oseille (comme dans la recette du tourain blanchi à l’oseille) ou la tomate (comme dans la recette du tourain à l’oignon et à la tomate). La soupe maraîchère, quant à elle, se fait comme partout ailleurs en fonction des légumes du jardin que l’on peut mélanger au gré de son inspiration : carottes, navets, poireaux, haricots verts, courgette, céleri, pommes de terre, tomates, cerfeuil…

Surnommée « la soupe du pauvre », le tourain blanchi – que l’on peut également orthographier tourin – est une autre spécialité très appréciée des périgourdins parce que délicieuse et vraiment pas compliquée à réaliser. Autrefois, les périgourdins utilisaient l’ail qu’ils produisaient dans leurs jardins pour faire une soupe peu couteuse, en y ajoutant seulement un de la farine et de l’eau. Mais, il existe une multitude de variantes possibles. On peut y ajouter de l’oignon, de l’ail et des feuilles d’oseille que l’on fait revenir à la graisse d’oie. On le dit « blanchi » en raison de sa liaison avec de la farine et des œufs. On peut également le faire à la tomate, au vinaigre ou, mieux encore, au verjus. Dans ce ça, un petit filet de vinaigre ou de verjus remplace la tomate. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette soupe est très douce malgré la présence d’ail, car celui-ci, lorsqu’il est cuit, perd son piquant. — Consultez la page consacrée au verjus.

Si le tourin est une soupe qui ne prend que vingt minutes de préparation, il en est d’autres qui réclament plusieurs heures de cuisson, comme celle au salé et au choux, ou celle à la tête de porc, ou la sobronade, la soupe aux tomates et aux haricots, la soupe aux raves et aux haricots frais, la soupe de fèves, le bougeras (qui est une soupe faite avec de l’eau qui a servi à faire cuire le boudin).

…en Périgord Noir, la soupe au choux avec le confit ou le salé et la mique, constitue le plat « national » qui peut à lui seul composer tout le repas et dont l’harmonieuse symphonie vaut bien de multiples et fastueuses pitances. (1)

Pour faire la meilleure soupe possible, il existait, dans la moyenne vallée de l’Isle, entre Périgueux et Mussidan, des « taille-soupe ». Ce petit rabot muni d’un manche servait à tailler finement des tranchettes de pain ou de mique, qui étaient mises à tremper dans la soupe pour l’épaissir. Cet instrument témoigne de l’importance accordée à la soupe dans cette région.

Enfin on ne peut pas parler de la soupe périgourdine traditionnelle sans évoquer une coutume bien ancrée dans les traditions : le chabrol. — Pour en savoir plus, consultez la page consacrée au chabrol.

La soupe est toujours accompagnée du chabrol, constitué par un mélange savamment dosé de vin et de bouillon. La chaleur du bouillon y exile les armes du vin ; aussi bien, doit-on utiliser pour cela un vin qui ait du corps et du bouquet, comme un excellent Saint-Émilion, vieux de quelques années. Ce divin breuvage dispose favorablement les convives pour le reste du repas. Coï lou tsobrol que rebiscolo !  (1)

Et pour clore ce chapitre consacré à la soupe périgourdine traditionnelle, voici une citation de André Maurois, rapportée dans le livre Périgord. Les albums des Guides Bleus.

La cuisine quotidienne est plus simple, mais non moins délectable. La soupe en est la base et cette soupe contient tout : du pain, de l’oie, des légumes, du porc, de l’ail. « Elle est exquise, cette soupe, parce que préparée dans une vieille marmite (vieil toupie, bonno soupe), exquise aussi par l’assaisonnement du saboural, le manche du jambon dépecé qu’on place, pendant l’ébullition, une seule marmite, dans le bouillon », et qui souvent est prêté de maison en maison. Dans une vraie soupe périgourdine, la cuiller doit tenir debout. À la fin, quand l’échelle ne contient plus que du bouillon, les paysans font chabrol. (4)

Bouillon de volaille


Quelques recettes de tourins

Cette soupe à l’ail est un grand classique de la gastronomie périgourdine, une soupe périgourdine traditionnelle emblématique, même encore aujourd’hui ! Il existe différentes recettes de tourains…

Le tourin blanchi du Périgord

Faites revenir dans un peu de graisse d’oie ou de canard (ou, à défaut, dans de l’huile chaude) cinq ou six gousses d’ail coupées en lamelles (plus vous mettrez d’ail, plus elle aura de goût). Ne les faites pas brunir, juste dorer, sinon la soupe deviendrait amer… Ajoutez rapidement la farine, mélangez-la avec de l’eau chaude (1,5 litre) et faites bouillir une quinzaine de minutes. Verser un blanc d’œuf dans votre préparation. Délayez le jaune avec un peu de vinaigre, de sel et de poivre, et versez-le dans le potage bouillant. Attention, arrivé à ce stade, le potage ne doit plus bouillir. Versez dans une soupière contenant du pain (des tranches de tourte rassis, finement taillées) pour le « tremper ». Servir très chaud.

Voici une autre recette de tourin blanchi, relevée dans un guide touristique édité en 1957, sous la plume de Henri Philippon :

Prenez plusieurs gousses d’ail que vous émincez et que vous jetez dans une poêle préalablement graissée avec de la graisse d’oie. Vous les faites blondir en évitant bien étendu de les roussir. Saupoudrez avec une cuiller de farine qui doit aussi prendre de la couleur. Puis vous mettez dans une poêle une cuillerée d’eau bouillante, et vous reversez le tout dans une grande casserole contenant un bouillon. Vous laissez cuire pendant une demi-heure, puis vous liez le bouillon ave deux jaunes d’œuf et vous relevez le tout avec un filet de vinaigre. Quant aux blancs d’œuf, vous les mettez à cuire dans le bouillon dix minutes avant de les servir. Vous servez le tout dans une soupière au fond de laquelle vous avez placé de fines lames de pain rassis du pays.

On peut aussi remplacer le filet de vinaigre par une poignée de d’oseille ou par des tomates épépinées. Certains mettent encore dans le tourin blanchi de l’oignon émincé que l’on fait revenir dans la poêle en même temps que l’aïe. D’autres saupoudrent le tourin blanchi de gruyère râpé.

Le tourin périgourdin

Faites fondre un peu de graisse d’oie, de canard ou du saindoux dans votre casserole. Mixez grossièrement ail et oignon et faites revenir. Ajoutez la farine, remuez et ensuite versez l’eau. Mélangez le tout au fouet, salez et poivrez et laissez mijoter doucement, couvercle fermé. Puis, quand la soupe est très chaude, ajoutez l’œuf et remuez très énergiquement. Servir très chaud.

Le tourin de noce

S’il est une tradition qui a perduré jusqu’à nous, c’est bien celle du tourin de noce, fort épicé (parce que couvert d’une couche de poivre très noir), que l’on porte aux novios à peine couchés. Il est servi dans le pissadou, un pot de chambre ! Le Tourain est également apporté, en pleine nuit, à de nouveaux voisins, pour leur souhaiter la bienvenue. Après l’avoir manger, on en prépare un autre et l’on va tous ensemble dans une autre maison et ainsi de suite, jusqu’au matin où là, on apporte les croissants ! (5)

La femme active le feu, dans la poêle, elle frit deux ou trois gousses d’ail, mélange à la graisse bouillante une pincée de sel, une cuillerée de farine et garnit d’eau. Le tourin bout, à quoi elle ajoute un filet de vinaigre et un jaune d’œuf, avant de le verser sur les tailles fines qui emplissent le plat évasé de terre vernissée. Parfois aussi, au retour du travail, elle soulève le traversin du lit, ou la soupe de légumes trempée le matin mitonnent, chaude à point. Elle est exquise, cette soupe, parce que préparée dans une vieille marmite : « vieille toupi, bouno soupe » ; exquise aussi par l’assaisonnement du saboural : le manche du jambon dépecé — lou garrou — qu’on plonge pendant l’ébullition, une seule minute, dans le bouillon en qui il dissout sa randicité, sans que sa graisse tarie répande les yeux qui dors le chabrol. Cette saveur concentrée et, à titre confraternel, utilisée tour à tour par toutes les maisons du village. Le Ribéracois, il y a un demi-siècle, faisait ça pour un gros os de bœuf, dans la propriété était indivise entre plusieurs feux. — Croquants du Périgord, Georges Rocal (6).

Le tourain à la tomate, selon Hippolyte Grassé

Le tourain à la tomate peut se faire avec de la tomate fraîche ou en conserve, mais il va sans dire que la tomate fraîche est bien préférable. Quelques belles tomates bien rouges que vous faites frire avec de minces rondelles d’oignons pendant un quart d’heure à vingt minutes constitueront la base de votre tourain. Salez, poivrez, faites un léger roux avec de la farine, mouillez d’une certaine quantité d’eau, laissez cuire et versez sur du pain de campagne, mieux encore sur des trempes de pain de seigle. Le pain peut être remplacé par du vermicelle, mais alors le tourain sera passé pour qu’il n’y ait plus trace d’oignon ni de tomate. (7)

Le tourin « Bourrut » ou Tourin d’Archevêque, selon le Docteur Boissel

Si par hasard, un jour, tu restais sans ta femme, et que te vient quelqu’un qui n’est pas attendu, pour le faire déjeuner ne te mets pas en peine. Tu veux le régaler ? Fais un tourain bourrut. Ne te fous pas de moi. Ne dis pas, je suis un médecin, non un cuisinier. Assieds-toi là : écoute-moi sans rire, et à l’occasion souviens-t’en. Avant de commencer, essuie bien ta poêle. Et prends pour ce faire le plus blanc des torchons. Mets une cuillère pleine de ta graisse nouvelle. Dès qu’elle sera fondue comme il convient, coupe des ronds d’oignons et de l’ail bien fin. Laisse-les venir roux, mais sans les faire brûler, de la grosseur d’une belle noix mets-y de la farine, mélange bien le tout, puis tu y videras de l’eau, salée suffisamment, quand elle sera bouillante, si c’est un jour permis de manger de la viande, faisant semblant de rien, d’une main complaisante, laissez-y tomber… un quartier de canard. (8)

REMARQUE — Ne laissez jamais dans un tourain l’ail brunir : il serait amer ou âcre.

Chabrot sur un tourin – Carte postale antérieure à 1900, Public Domain, via Wikimedia Commons.

Chabrot sur un tourin – Carte postale, début des années 1900, inconnu, Public Domain, via Wikimedia Commons.

La soupe au chou du Périgord

La soupe au chou du Périgord est une autre soupe périgourdine traditionnelle emblématique. Pour commencer, découpez les feuilles de choux en rondelles ou en petits morceaux. Faites de même avec des pommes de terre. Dans une grande marmite, portez à ébullition environ 5 litres d’eau avec du poivre et une pincée de gros sel. Ajoutez quatre morceaux de petit salé. Réduire le feu et laisser frémir pendant 2 heures. Servir très chaud. On peut agrémenter cette préparation en ajoutant, dans une poêle, des carottes et des oignons que vous aurez faits revenir, pendant 5 minutes environ, dans deux bonnes cuillères à soupe de graisse de canard ou d’oie. Une autre variante consiste à rajouter une carcasse de canard que l’on enlève en fin de cuisson. Puis on récupère les morceaux de viande que l’on effile pour les incorporer à la soupe.

Cette soupe périgourdine traditionnelle peut être préparée pour la semaine. Plus elle est réchauffée, meilleure elle est.

Soupes à l’oignon

La soupe à l’oignon du Périgord

Faites blondir l’oignon émincé dans une cocotte en fonte avec la graisse de canard. Une fois l’oignon doré, ajoutez la farine, laisser roussir en remuant. Ajoutez l’ail pilé, 1 litre d’eau et le cube de bouillon de volaille. Portez à ébullition et laissez mijoter 30 min. Dans le fond d’une soupière, alternez des tranches de pain avec le gruyère râpé. Séparez le jaune et le blanc de l’oeuf. Incorporez le blanc d’oeuf dans la soupe en remuant. Délayez le jaune avec un peu de bouillon puis versez dans la soupe.
Versez alors la soupe dans la soupière, laissez le pain ramollir 5 min et servez.

Une soupe à l’oignon pas comme les autres, selon Hippolyte Grassé

Éplucher et couper en rondelles des oignons (250g), les faire roussir dans du beurre jusqu’à ce qu’ils aient pris une belle teinte porto. Ajouter alors deux cuillerées de farine, que l’on délayera avec un consommé (bœuf et veau) (2 litres). Poivrer fortement. On laisse bouillir pendant une demi-heure à petit feu. Puis on passe le bouillon afin d’en éliminer les oignons. D’autre part, dans une soupière, on mélange une demi-livre de gruyère frais finement râpé à trois ou quatre œufs (blanc et jaune) ; on bat le tout au fouet et on y ajoute trois petits verres d’un bon cognac. On verse peu à peu, dans la soupière, le bouillon à l’oignon, tout en battant énergiquement au fouet. De la sorte on doit obtenir un mélange crémeux d’un haut goût.

On sert ce bouillon à la louche, sur de minces tranches de pain de campagne (tourte), rassis, disposées en couches superposées, dans une assiette en calotte. La qualité du pain conditionne celle de la soupe. Cette soupe aussi savoureuse que nourrissante doit être suivie d’une bonne rasade de vin vieux. Un Périgourdin préférera le « chabrol ». (7)

Soupes de saison

La soupe de printemps, selon Hippolyte Grassé

Cette recette, malgré sa grande simplicité, est un des charmes du renouveau. La voici :

Prenez 1 kg 1/2 de petits-pois verts, 1 kg 1/2 de fèves, 1 botte de petites carottes nouvelles, 1 botte de navets nouveaux, 24 pointes d’asperges, 1 pomme de terre coupée en petits dés. Les trois-quarts des fèves seront pelés ; la peau de ces graines colore le bouillon en noir ; il ne faut pas l’enlever à toutes car elle donne un goût particulier, légèrement astringent, à la soupe. On peut réduire la proportion des fèves non pelées, à la convenance.

Les légumes sont passés à la poêle, à feu vif, pendant 5 à 6 minutes, dans l’huile d’arachide ou la graisse d’oie ; on ne cesse de les remuer. On les retire du feu dès que les petits-pois et les fèves commencent à dorer. Cette précuisson n’est pas indispensable ; elle augmente, dit-on, la saveur de la soupe ; je n’en suis point sûr.

On jette dans une marmite contenant de 3 à 4 litres d’eau bouillante la totalité des légumes. On fait cuire à feu moyen, pendant 2h30. Le bouillon doit être réduit de moitié. Poivrer assez fortement. On verse la soupe dans une soupière remplie aux trois-quarts de très fines lames de pain de campagne (pain de tourte) rassis. Bien entendu, ne jamais passer les légumes au mixeur ou à la moulinette.

Cette soupe, à condition de la faire avec des légumes de première fraîcheur, est un mets délicieux. Dégustez-la dans une assiette creuse, en calotte, pour y faire chabrol avec un bon Pécharmant. (7)

La soupe de septembre, selon Hippolyte Grassé

Sa préparation est en tous points celle de la soupe du printemps, mais les légumes ne sont pas les mêmes. Prenez une livre de potiron bien mûr et jaune d’or, coupé en petits dés, 500 g de haricots frais (le lingot convient bien à cette soupe), 1 livre de haricot mange-tout coupés en petits morceaux, 4 belles tomates pelées (pour cela, passez-les 1 minute dans l’eau bouillante, elles se pèlent alors avec facilité) et divisées en quatre et une pomme de terre de dimension moyenne débitée en petits dés. Durée de la cuisson : 3 heures environ. Même présentation que la soupe du printemps. (7)

La Soupe de Fèves, selon Georges Rocal

Proportion pour six personnes : 1,500 g de fèves, 1 kg de pois (ces derniers sont facultatifs). Les fèves ne seront pas pelées (n’en déplaise à La Mazille), et feront un bouillon fortement brun. Jetez pois et fèves dans quatre à cinq litres d’eau en ébullition, salez et poivrez, assaisonnez avec un petit morceau de peau d’oie légèrement rancie dans du gros sel. Laissez cuire lentement quatre ou cinq heures et servez sur des tranches de pain de campagne. Par son assaisonnement, cette soupe constitue le régal par excellence du vrai Périgourdin ; mais ce goût de rance, qui doit du reste être minutieusement dosé, n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur par ceux qui ne sont pas du Périgord. La soupe de fève constitue le meilleur des bouillons pour « faire chabrol ». C’est la soupe de la période des fenaisons ; on la trempe le matin pour le soir et on la garde au chaud sous l’édredon. (7)

La soupe de fèves est très appréciée des Périgourdins. Voici quelques conseils d’utilisation recueillis çà et là :

  • Vous pouvez conserver vos fèves au congélateur pour l’hiver.
  • Vous pouvez également vous servir de fèves sèches. Après les avoir pelées, il vous suffira de les mettre à tremper jusqu’à ce qu’elles se ramolissent.
  • Lorsque les fèves sont vraiment très mûres et si la peau est coriace vous vous résignerez à les peler. La soupe sera moins noire, mais elle aura moins de goût(9).
  • Bien sûr, la fève ne s’utilise pas uniquement dans une soupe ; elle est également excellente en crème ou en purée. Pour cela, il suffit de cuire les fèves dans du bouillon de poule avant de les mixer avec de l’huile d’olive : vous obtiendrez une onctueuse crème de fèves. Pour obtenir une purée d’exception, il suffit de cuire vos fèves, les mixer… et laisser fondre des petits morceaux de foie gras !

La Soupe Purée aux Marrons, selon Georges Rocal

Décortiquer trois douzaines de marrons, les mettre dans une casserole, couvrir d’eau froide, saler et amener à ébullition, les retirer alors et les peler. Mettre dans une casserole quelques dés de lard, une carotte coupée en quartiers, une grosse pomme de terre fendue en quatre, sel, poivre, une feuille de laurier, deux clous de girofle, les marrons, deux verres d’eau et laisser bouillir jusqu’à cuisson complète. Retirer alors les marrons, les égoutter et les écraser à la passoire avec la pomme de terre, les carottes et la mie de pain rassis, en mouillant avec du bouillon jusqu’à faire une bonne purée assez coulante. Remettre sur le feu, saler à point et laisser « frémir » pendant dix minutes, puis ajouter au fouet un jaune d’œuf pour lier et servir avec des croûtons bien dorés au beurre. (7)


Consultez la page consacrée au chabrol : Faire chabrol, une tradition périgourdine
À lire également sur notre blog : C’est le chabrol qui ravigote !


Sources et notes :

  • (1) Science de gueule en Périgord, Georges Rocal, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1971.
  • (2) La Mazille, La Bonne Cuisine du Périgord, Éditions Flammarion, Paris, 2013.
  • (3) La cuisine rustique au temps de Jacquou le Croquant, Guy Penaud, José Corréa, Éditions La Lauze, Périgueux, 2004.
  • (4) Périgord – Les albums des Guides Bleus, André Maurois, Librairie Hachette, 1955.
  • (5) Le tourain périgourdin, sur le site Le Périgord Noir.
  • (6) Croquants du Périgord, Georges Rocal, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1970.
  • (7) Petit bréviaire de la gastronomie périgourdine, Pierre-Paul Grassé, Éditions Pierre Fanlac, Périgueux 1978.
  • (8) Le soir au Cantou, recueil de poésie patoises du Docteur Boissel (1872-1939).
  •  (9) Les Secrets des Fermes en Périgord Noir, La Cuisine paysanne en France, Zette Guinadeau-Franc, Éditions Berger-Levrault, 1995.

Crédit Photo : Soupe à l’oignon, par Ludovic Péron (Travail personnel), via Wikimedia Commons.


GASTRONOMIE PÉRIGOURDINE ET SPÉCIALITÉS RÉGIONALES

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