Raoul Brygoo (Lille, 1886 – Paris, 1973)

Raoul Brygoo, Beaumont-du-Périgord, huile sur panneau, H. 27 cm, L. 41,5 cm, vers 1930/40, collection privée, Paris.

Il n’est pas coutumier de passer les limites du Pays des bastides et encore moins celles bien précises du Périgord au gré des pages de Secrets de Pays. Pourtant, c’est à l’opposé du territoire national que s’ancre l’histoire et la vie d’un homme qui nous ramène entre les arcades et les rues entrecroisées à la perfection de Beaumont-du-Périgord.

C’est dans le Nord, à Lille plus précisément, que voit le jour Raoul Léon Brygoo, en 1886. Il s’installe à Tourcoing avec son épouse, après des études d’architecture qui tracent d’un trait assuré l’intégralité de sa carrière. Ce goût pour le dessin aux lignes précises se perçoit très rapidement à travers sa passion pour l’art et les paysages.

L’École de Wissant

Peintre amoureux, Brygoo décide, dès 1920, de poser ses valises et son chevalet à Wissant, petit bourg côtier situé à proximité de Boulogne-sur-Mer. Dans ce village de pêcheurs, que l’artiste côtoie très régulièrement, est née l’École de Wissant(1), foyer français de création artistique regroupant des peintres et des sculpteurs appréciant particulièrement la luminosité et le grand ciel changeant de la Côte d’Opale. Cette école, qui voit le jour en 1881, est suivie par quelques noms éminents de la peinture, à l’image de Pierre Carrier-Belleuse(2), Jules Breton(3), Félix Planquette(4) ou encore Léon Lhermitte(5).

Un artiste célébré par la critique

La période des années 1920/30 est la plus productive dans l’œuvre du peintre. Raoul Brygoo est récompensé par plusieurs médailles au Salon des Artistes Français à Paris. Fidèle à son pays, il présente majoritairement des marines ou des vues de ports aux cadrages inhabituels, parfois très resserrés sur le sujet principal, et mettant en exergue quelques détails qu’un œil non initié oublierait.

En 1929, il obtient une véritable consécration, celle d’exposer aux cimaises de la galerie Georges Petit, à Paris.

L’artiste réalise en 1936 un remarquable chemin de croix historié, mélange d’art contemporain et d’art sacré toujours visible dans l’église Saint-Nicolas de Wissant, et depuis classé Monument Historique.

Cette période de production importante est marquée par de nombreux déplacements de l’artiste en France, dont les œuvres que nous croisons aujourd’hui sur le marché de l’art et dans quelques musées sont un témoignage. Le Finistère, le Morbihan, le Limousin et le Périgord lui offrent des paysages différents de ceux de la Côte d’Opale, où il montre une certaine aisance à s’adapter aux teintes plus chaudes de nos architectures et de nos terres.

En 1934, lors d’une exposition parisienne, le critique d’art Fernand Laplaud ne tarit pas d’éloges sur le travail de Brygoo : « Qu’un Staub ou Mendehlson, demeurent en musique les plus exquis évocateurs de murmures forestiers, M. Raoul Brygoo s’avère lui en pleine possession de son talent de visionnaire le plus clair et le plus précis des ombres, des rochers chaotiques, des moulins, et des plages réverbérées de nos pays du Nord. Poète, M. Raoul Brygoo l’est, et poète dont l’intime mélancolie qui l’étreint et le domine au contact éternellement séduisant de la nature à fait un grand peintre à qui l’avenir rendra justice et lui donnera la place qui lui est due  ». Fernand Laplaud, Le Mercure universel, mars 1934.

Bronze, portrait de profil, Marcel Declerck, 1933. © Palais des Beaux-Arts de Lille

Le tableau

Le lieu le plus représentatif pour donner une image de la bastide de Beaumont-du-Périgord reste la place des Cornières et son église. Cette « carte postale », prise du promenoir sous les arcades du XIIIe siècle, est construite par le peintre grâce à une technique héritée du dessin du XVIIe siècle qui consiste à laisser certaines zones du support (ici un panneau de bois) vierges de toute matièr margin-top:-15pse. Brygoo trace ici ses contours et place ses zones d’ombres et vient ensuite rehausser la teinte du bois qui sert de fond naturel à la pierre des bâtiments, par des touches lumineuses pour donner vie à sa composition. Le ciel et la façade de l’église Saint-Laurent-et-Saint-Front sont illuminés et encadrés par cette arcade. Quoi de plus typique pour représenter une bastide, à travers l’œil d’un architecte de la Côte d’Opale ?

Florent Piednoir
Galerie Ars Pictura – Artistes du Périgord
contact@ars-pictura.com – 06 77 36 95 10
www.ars-pictura.com


Notes :

  • (1) École de Wissant, via Wikipedia. L’École de Wissant est un foyer français de création artistique regroupant des peintres et des sculpteurs, situé dans le village de Wissant, de 1889 au début de la Seconde Guerre mondiale. Cette « école » était une colonie d’artistes initiée par le couple de peintres Virginie Demont-Breton et Adrien Demont.
  • (2) Pierre Carrier-Belleuse (1851-1932), peintre français, auteur de nombreux portraits de danseuses de l’Opéra, via Wikipedia.
  • (3) Jules Breton (1827-1906) , peintre et poète français, via Wikipedia.
  • (4) Félix Planquette (1873-1964), peintre de paysage et animalier français,via Wikipedia.
  • (5) Léon Lhermitte (1844-1925), peintre et graveur naturaliste français, via Wikipedia.

Crédits Photos :

  • Beaumont-du-Périgord, huile sur panneau, H. 27 cm, L. 41,5 cm, vers 1930/40, collection privée, Paris.
  • Bronze, portrait de profil, Marcel Declerck, 1933. © Palais des Beaux-Arts de Lille.
  • La place du marché de Beaumont-du-Perigord, Carte postale, Astruc

Cet article a été publié dans le numéro 17 du magazine « Secrets de Pays ».

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