La force du feu, la créativité et le regard sur la nature constituent une alliance de choix pour la ferronnerie d’art de Guy Guerrin, dont l’atelier porte un nom en forme de clin d’œil : « Le paradis en fer ».
Il était une fois un petit village de Dordogne, plein de charme, dont tous les habitants étaient amoureux : Molières. Les maisons s’étageaient autour d’une grande place ombragée par d’imposants platanes. Le lieu se prêtait à la flânerie, aux confidences d’un soir d’été, aux rires des enfants. Pour rendre cet endroit encore plus convivial, on eut l’idée de demander au ferronnier de la bastide de créer des bancs, des bancs cossus, plus chaleureux que le mobilier urbain actuel, des bancs comme il en existait dans les squares d’antan. Guy Guerrin, notre homme, se mit à l’ouvrage et apposa sur le piètement de ses bancs, en guise de signature, une noix sortant de sa bogue. Cette minuscule sculpture, merveilleusement dessinée, est un clin d’œil au Périgord ! Une autre fois, c’est un petit escargot qu’il posa au pied d’une rampe demandée par une vieille dame malicieuse qui commençait à peiner avec les étages. Autre originalité, un oiseau juché sur le support d’une cloche… Dès que l’on tire sur la chaîne, l’oiseau se balance en cadence avec la cloche. Un régal !
Vous l’avez compris, Guy Guerrin est non seulement un ferronnier d’art mais aussi un artiste, un poète.
Une vocation précoce
Il a découvert sa vocation à l’âge de 15 ans, lors d’un stage chez un forgeron du Cap Gris Nez. Le goût de la forge lui vient en fabriquant des ancres, des casiers à homards et des chariots de bateau pour les pêcheurs. Il poursuit sa formation à Angoulême et, délaissant la métallerie, se spécialise dans le travail de la ferronnerie. En 1980, il s’installe à son compte près de Lille. Puis, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, le goût de l’aventure, la recherche d’un temps clément et du soleil le conduisent en Dordogne. Il découvre alors dans le petit village de Molières une plaisante maison avec une belle grange dotée d’une forge. L’affaire est rondement menée. Guy Guerrin est lancé ! À lui la fabrication de pergolas, rampes, escaliers, balconnets pour fenêtres, grilles de parc… mais aussi restauration de pentures, espagnolettes, petits verrous, targettes, chenets, etc. Partant d’un objet mutilé ayant des manques, il peut arriver à restaurer à l’identique et donner une nouvelle vie à l’objet avec les mêmes procédés qu’au 18e siècle. Il a cette capacité à en recréer les atmosphères et les motifs. Il utilise la technique du rivetage préférant des fers pleins de section fine, retravaillés à la forge, aux profils creux modernes, plus épais, qui alourdissent l’esthétique de l’ouvrage. Sa forge ressemble bien évidement à la forge de Vulcain : un feu y règne en permanence, et les pinces et les marteaux sont sagement alignés, du plus petit au plus gros. L’enclume avec ses deux bigornes, une pointue et ronde, l’autre pyramidale ou carrée, attend sagement la présence du maître. L’étampeuse, quant à elle, permet de comprimer le fer chaud dans un moule, d’où jaillira, tel un lutin, le corps d’un oiseau. D’un tour de pince il façonnera la tête, puis la queue. Il ne restera qu’à rajouter les ailes pour obtenir le plus charmant des rouges-gorges. Lorsqu’un client vient le voir avec une idée en tête, Guy Guerrin prend le temps de l’écouter, de comprendre ses désirs et ses rêves. Il proposera ensuite un dessin personnalisé et le lui soumettra avant de finaliser la commande. Puis il reportera sur une tôle d’épure, à la taille réelle de l’ouvrage, les parties les plus travaillées comme une volute. Il définit pour une grille, par exemple, comment se feront les assemblages des différentes parties.
Le savoir-faire : entre partage et transmission
S’il est essentiel de savoir dessiner, il faut aussi avoir le sens des proportions afin d’obtenir un objet harmonieux. Pour une commande particulièrement importante, il peut, à partir de son épure, diviser en sous-ensembles l’ouvrage et partager son travail avec un aide.
Partager, une autre facette bien sympathique de notre homme, car il aime transmettre son savoir. Son dernier élève, au sens 18e du terme, était une jeune femme prénommée Océane. Contrairement à certaines idées reçues, la ferronnerie où l’on tape, martèle, tord, plie n’est pas réservée aux hommes. Océane a si bien profité de son enseignement qu’elle est arrivée première au concours du meilleur apprenti en ferronnerie d’Aquitaine. Elle vole désormais de ses propres ailes. Une autre jeune femme, Suzanne, lui a succédé.
Ainsi vont tradition et transmission de savoir-faire… C’est essentielFrançoise Rondon-Rossi, Photos Pierre Boitrel