Situé à l’entrée du village côté Dordogne, le four à chaux de Clérans est bien visible, mais pas facile à reconnaître : son ouverture sur la gauche du bâtiment, au ras du sol, est cachée par les herbes, tandis que sa partie élevée, restaurée, est devenue résidence d’été.
Comme tout four à chaux qui se respecte, il est situé en bord de route pour faciliter l’approvisionnement en pierres et en combustible. La robuste maçonnerie s’appuie sur un talus en pierre, tout près de deux carrières : l’une naturelle est juste derrière. L’autre a été longtemps le château de Clérans dont la proximité et la qualité des pierres en faisaient une carrière idéale.
Un foyer, une cuve, deux ouvertures, rien de plus simple. Mais à chaque fournée correspond une mise en œuvre complexe : le chauffournier doit construire avec ses pierres une voûte qui laissera passer l’air chaud du foyer et soutiendra les pierres mises en charge, les plus grosses en bas, les plus petites en haut de la pile. Celles-ci, recouvertes de terre, sont traversées par des évents qui font office de cheminée. La terre sert d’isolant.
Les usages de la chaux
Elle était d’un usage très courant jusqu’à la guerre de 14-18 : l’enquête de Cyprien Brard (1835) sur la Dordogne recense 147 fours à chaux pour 107 communes et 34 fours pour 35 communes en Bergeracois. Chiffre probablement inférieur à la réalité car les fours des tuileries fabriquaient indifféremment tuiles, briques et chaux..
Enfin, les progrès de l’agriculture par amendement des sols au moyen de la chaux ont suscité la création de nombreux fours domestiques saisonniers sur de grosses propriétés : château de Bourdeilles, Buissière-Badile, St Germain des Près… Notre four à chaux de Clérans ne fonctionnait plus en 1950. Sous la direction de M. Baraton « fabricant de chaux au bourg », l’activité cesse à la guerre.
Entre 1850 et 1880, Il y eut jusqu’à quatre fours à chaux à Clérans. Les grands chantiers publics avaient besoin de chaux hydraulique, les chemins de fer aussi. La technique à feu périodique, où il faut attendre le refroidissement et le défournement pour recommencer l’opération, fait place progressivement à celle du four à marche continue. Progressivement, les petits producteurs disparaissent. Dans les années 70, on fabriquait encore 100 000 tonnes de chaux à Terrasson.
Désormais inutiles, leur silhouette trapue disparaît du paysage périgourdin et c’est bien dommage. Ils sont les témoins de cette activité industrielle en milieu rural si chère aux périgordins du XVIIIe siècle. Mais en cherchant bien, on découvre dans chaque village des fours qui ne séduisent ni les amateurs de résidences secondaires ni les archéologues. Les premiers ont pourtant ici un bien bel exemple de conversion de four à chaux en maison de vacances. Conversion qui a tout pour séduire les partisans de la conservation du petit patrimoine par sa réinsertion dans notre vie quotidienne.
Régine Simonet