Avec les Papeteries de Condat, l’usine de Rottersac constitue l’un des fleurons de l’industrie papetière en Périgord. Appartenant aujourd’hui au groupe suédois Munksjö, le site de l’usine lindoise produit du papier depuis 1815. Découvrez les grandes étapes d’une activité papetière qui se perpétue depuis deux siècles…
C’est dans un acte notarié daté de 1742 qu’apparaît pour la première fois le nom de Moulin de Raute Sac. Vers 1762, la carte de Belleyme mentionne Rotechat. Au XVIIIe siècle, au lieu-dit Rottersac (commune de Lalinde), existe donc un moulin, alimenté par la source du Souci. Nous n’avons pas de précision sur la nature de sa production. Cependant, la tradition orale évoquant l’existence d’un couvent en ce lieu au XVIIIe, le moulin en question était probablement un moulin à blé.
Ce dont nous avons la certitude, c’est qu’à l’initiative de Jean Jardel, papetier à Couze, l’activité papetière est attestée sur le site à partir de 1815. Le 27 mai 1819, une lettre du préfet de la Dordogne adressée au ministre de l’Intérieur confirme cette activité : « La quantité des ouvriers peut varier selon les besoins. Dans ce moment, 45 à 50 sont employés à la fabrication d’un papier violet pour l’emballage du sucre ». Quelques années plus tard, en 1839, l’auteur d’un carnet de voyage décrit les bâtiments de l’usine de Rottersac comme totalement abandonnés.
Présence d’une verrerie au XIXe siècle
En 1855, l’activité reprend sur le site grâce à la famille Riols de Fonclare, originaire de Moussans, dans le Haut-Minervois. Cette famille exerce le métier de verrier depuis le XVe siècle. Pierre Jean Isaac de Riols de Fonclare est le créateur de la verrerie de Rottersac. Son fils Angeli lui succède et développe l’entreprise. En outre, avec l’un de ses frères, il met au point un nouveau système de four pour lequel ils déposent un brevet. Angeli décède vers 1870, époque où les affaires de la verrerie périclitent. À l’évidence, la défaite de 1870 face à l’Allemagne a précipité le déclin de l’activité et entraîné la fermeture de la verrerie.
Georges Gaulon & Compagnie
En 1872, Georges Gaulon rachète l’usine et crée une papeterie. Il fait installer la première machine à papier en continu, ce qui nécessite de faire passer le débit de la prise d’eau sur le canal de Lalinde à 1 700 litres/seconde. L’autorisation est obtenue par décret préfectoral en 1876. Ces investissements et modifications hissent l’entreprise Georges Gaulon & Compagnie, parmi les meilleures de France.
En 1880, le journal Le Panthéon de l’Industrie fait l’éloge du papier teinté-chiné, vélin et vergé, fabriqué à Rottersac. Les résultats sont probants, mais à la mort du fondateur, en 1906, la société connaît des difficultés financières. Elles ne sont d’ailleurs pas liées à une mauvaise gestion mais à une succession de faits occasionnés par des décisions étrangères à l’entreprise. En effet, entre 1905 et 1908, la construction sur la Dordogne du barrage de Tuilières fait monter le niveau de la rivière de 3,50 m. Cette montée subite perturbe l’alimentation de la turbine et crée une inondation dans la salle de la machine à papier. Il faut alors remonter le matériel à l’étage et remplacer les moteurs hydrauliques, ce qui nécessite un arrêt total de la production jusqu’à l’arrivée de nouveaux moteurs. Les livraisons n’étant plus assurées, il s’ensuit l’annulation des commandes et la perte de la majorité de la clientèle. Le coup de grâce survient le 3 octobre 1910. L’explosion du cylindre sécheur de la machine à papier fait s’écrouler tout espoir de reprise. Le 3 décembre 1910, la dissolution de l’entreprise est ordonnée par le tribunal de Bergerac.
La Société Anonyme des Papeteries de Rottersac
Au début de la Première Guerre mondiale, l’usine est reprise par Léopold Schneeberger. Du fait de la guerre, le papier se vend mal. Il faut donc s’orienter rapidement vers d’autres productions. Léopold Schneeberger choisit alors de fabriquer du coton à nitrer. Sa perspicacité va sauver l’entreprise car il va fournir la Défense nationale pendant toute la durée de la guerre. En mai 1918, Léopold Schneeberger s’associe à des actionnaires afin de créer une nouvelle papeterie : la Société Anonyme des Papeteries de Rottersac dont le capital s’élève à 1 400 000 francs. Son fils Louis en assure la direction.
Les années d’après-guerre sont plutôt favorables à l’entreprise. L’activité reprend à Rottersac et tout va pour le mieux jusqu’au terrible incendie de 1924. Plusieurs bâtiments sont détruits, notamment celui du dépôt de chiffon et celui de la machinerie. Les pertes s’élèvent à 800 000 francs. Le sort s’acharne car cette tragédie en engendre une autre : le décès de Mme Schneeberger. Choquée par l’ampleur de l’incendie, elle meurt d’un arrêt cardiaque. Louis Schneeberger n’aura pas le cœur à relever ce nouveau défi. Les ateliers ferment et les ouvriers sont mis au chômage. Ils ne reprennent l’activité qu’en 1927. Un emprunt de 4 millions de francs permet à la Société Anonyme des Papeteries de Rottersac de rembourser au pair et par anticipation l’emprunt des 4 000 bons décennaux qu’elle avait émis après l’incendie. Ces bons donnaient droit, en sus d’un intérêt de 7 %, à une prime sur le chiffre d’affaires de la société. L’emprunt permet aussi aux Papeteries de Rottersac de prendre une participation importante dans la constitution de la Compagnie Fibro-Gluteor qui exploite les usines de Papeterie et Cartonnerie de Moissac.
L’usine redevient productive. La fabrication est concentrée sur la production des pâtes de chiffon, pâtes d’étoupes de lin et de chanvre, pâtes de coton blanchi, et sur des pâtes à hautes résistances destinées aux fabrications des papiers spéciaux de l’industrie électrique. S’ajoute à ces spécialités la c