Le tramway à vapeur de Couze à Lalinde

Arrivée en gare d’un tram de la ligne Sarlat-Villefranche du Périgord, vers 1920 © Archives départementales de la Dordogne, 15 Fi 2

Dès 1879, sur la ligne ferroviaire Bordeaux-Aurillac, la ville de Lalinde est desservie par deux gares (Port-de-Couze et Lalinde) et une halte (Sauvebœuf). Des années plus tard, le projet d’une ligne de tramway à vapeur reliant Monpazier à Périgueux, via Lalinde, est à l’étude. Intéressons-nous ici au futur tronçon, de Couze à Lalinde.

Le 5 septembre 1911, une enquête d’utilité publique est ouverte par voie d’affichage. Elle est signée du préfet de la Dordogne, Pierre Beauvais. Située sur le parcours de cette ligne « de Monpazier à Vergt, par Beaumont, Lalinde et Saint-Alvère », la commune de Lalinde est sollicitée par le Conseil général de la Dordogne pour étudier la faisabilité du tronçon partant du pont de Couze jusqu’à la limite nord de la commune. Le Docteur Ludovic Jammes, maire de Lalinde, constitue une commission chargée d’y travailler. Les débats sont assez rudes, rien n’étant facile lorsqu’il s’agit de mettre un groupe de travail d’accord sur un futur investissement. Dans le conseil municipal, certains ne voient pas l’utilité de créer une ligne vers Périgueux. Les démarches administratives et les échanges commerciaux étant orientés plutôt sur Bergerac, ils se demandent pourquoi engager des dépenses pour se relier à Périgueux ? Deux camps s’opposent, les pour et les contre. Même dans ceux qui sont pour, l’accord est loin d’être parfait. Les uns veulent que le tramway traverse la ville, les autres préfèrent le faire passer hors de la ville.

Pour des raisons d’économie, il est prévu d’installer les rails le long de la voie de chemin de fer existante. L’opposition farouche des propriétaires des champs riverains de la voie ferrée qui ont déjà vu certaines de leurs parcelles amputées par la voie de chemin de fer ainsi que le coût prévisionnel engendré par ce tracé freinent l’étude. Les discussions sont sans fin et lorsque l’on arrive enfin à un consensus, les difficultés techniques sont telles que le projet n’étant pas réalisable financièrement, le Conseil général le rejette en bloc. Tout est à recommencer… Les discussions et les confrontations reprennent sans fin. Après plusieurs mois de débats, le conseil municipal lindois arrive finalement à établir un trajet qui contente à peu près tout le monde. Le 18 octobre 1912, le maire expose son tracé : « Après la traversée du pont de Couze, le tramway devra passer près des deux gares, celles de Port-de-Couze et celle de Lalinde, afin que les voyageurs puissent éventuellement avoir accès à une correspondance pour Sarlat ou pour Bergerac. Depuis la gare de Lalinde, le tramway se dirigera ensuite vers Sauveboeuf en suivant le chemin de Grande Communication n° 35 [actuellement D 703] jusqu’à la nouvelle église de Drayaux où le tramway gagne le Haut-Drayaux pour atteindre le croisement du château des Landes, et emprunter le chemin de Grande Communication n° 8 [actuellement D 8], direction Périgueux. »

Mais ce schéma qui évite Sainte-Colombe n’est pas du goût des Colombiens qui avancent le fait que les autres sections de la commune, à savoir Sauvebœuf et Port-de-Couze, sont parfaitement desservies. Ils demandent donc un passage dans le bourg, projet qui ne sera pas accepté par le Conseil général. Après avoir convaincu les habitants de Sainte-Colombe que leur demande ne peut recevoir de suite favorable, une solution est finalement trouvée avec la création d’une halte à La Borne, à quelques centaines de mètres du bourg, à la limite de la commune de Lalinde et de celle de Pressignac. Cette halte aurait l’avantage de desservir les habitants de Sainte-Colombe et ceux de Pressignac, lesquels demandaient un passage dans le centre du village en suggérant que la ligne rejoigne Vergt par Saint-Marcel-du-Périgord et Saint-Félix-de-Villadeix. Cette proposition est également refusée par le Conseil général.

Vers la fin de l’année 1912, après avoir finalement franchi tous les obstacles et vaincu toutes les contrariétés, la partie lindoise de la ligne de tramway est à peu près fixée. Il reste à connaître la position des autres communes en amont et en aval de Lalinde. Autant dire, des débats et des désaccords dans toutes les communes concernées par cette liaison de Monpazier à Vergt, puis Périgueux. Les discussions s’éternisent… La Première Guerre mondiale stoppe net le projet d’extension du réseau de tramway départemental, et donc la ligne Monpazier-Périgueux.

Les conditions économiques de l’après-guerre ne permettent plus les investissements. En 1918, la France est dans une spirale inflationniste sans précédent. L’indice des prix est multiplié par huit. En 1919, le charbon, qui est la matière première nécessaire au fonctionnement du tramway à vapeur, passe de 31 à 171 francs la tonne. Il ne sera plus jamais question d’extension du réseau du tramway à vapeur et le projet est définitivement rangé au rayon des souvenirs. En 1920, la Société des chemins de fer du Périgord qui gérait les tramways abandonne l’exploitation de son réseau par manque de trésorerie.

À Lalinde, la liaison prévue entre Monpazier et Périgueux est finalement assurée par un service de cars confié à la société Gonthier et Nouhaud, de Périgueux. Ce service fonctionne jusqu’à la fin des années soixante. Nous sommes en plein dans les Trente Glorieuses ! Désormais à la portée de pratiquement toutes les bourses, l’automobile est devenue le moyen de locomotion partout en usage.

Christian Bourrier


Cet article a été publié dans le numéro 17 du magazine « Secrets de Pays ».

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