À la découverte de la gare du Buisson

Le Buisson s’est développé grâce à sa gare ferroviaire, après l’abandon progressif du transport fluvial sur la Dordogne. Le 3 août 1863, la « station du Buisson » est mise en service par la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans..

La gare du Buisson est une gare ferroviaire située sur le territoire de la commune du Buisson-de-Cadouin (Dordogne), en région Nouvelle-Aquitaine, au point kilométrique (PK) 557,386 de la ligne de Niversac à Agen, entre les gares du Bugue et de Siorac-en-Périgord, sur une section à deux voies qui va de la bifurcation du Buisson à celle de Siorac-en-Périgord. Elle est également l’aboutissement, au PK 644,203, de la ligne de Libourne au Buisson, après la gare de Trémolat. C’est aujourd’hui une gare de voyageurs du réseau TER Nouvelle-Aquitaine de la SNCF [photo 1], desservie par des trains express régionaux des relations : Bordeaux-Saint-Jean – Sarlat (ligne 26) et Périgueux – Agen (ligne 48).

L’ancienne gare

Nous avons là [photo 2], côté voies ferrées, une bâtisse de type 4 du PO (Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans). La couverture de cette première gare est en ardoises, murs enduits entre les chaînes d’angle et les ouvertures.

Le cartouche en relief du nom de la gare est encore présent [photo 3] ainsi qu’un petit cache circulaire au-dessous, au centre d’un cartouche carré, en pierres de taille : c’était l’emplacement de l’horloge murale, cadrant et aiguilles. Ces aiguilles recevaient les impulsions mécaniques via le trou muni du cache, venant du mécanisme comtois installé dans la salle des pas perdus ou salle d’attente, dite « horloge de parquet ».

À droite de ce bâtiment [photo 2], se trouve un petit local, couvert en ardoises. Les murs sont à ossature bois avec ventilation à claire-voie. Il s’agit des toilettes et de la lampisterie. La façade opposée, côté cour des voyageurs, tournée vers Cadouin, permettait l’accès piétons et routier des voitures hippomobiles. Un peu d’incompréhension subsiste, sachant qu’il n’y avait que trois feux (trois foyers de vie) à Mamie (rue Mamie). On peut penser que le pouvoir ecclésiastique, très puissant à l’époque à Cadouin, chef-lieu de canton, a pesé dans l’implantation et l’orientation de cette première gare.

La nouvelle gare

Elle a été construite entre 1882 et 1884 [photo 4]. Le corps central, surélevé, était réservé au logement du chef de gare. L’aile gauche abritait le buffet de la gare dont la première concession a été attribuée à la famille Désusclade. Le buffet de la gare est aujourd’hui désaffecté et la salle qu’il occupait fait aujourd’hui le bonheur d’associations. La partie droite est affectée aux services d’exploitation de la SNCF. Ce bâtiment est composé d’un soubassement en blocs de pierres dures de Thenon, surmonté de pierres noires en tuf ferrugineux de la région de Rouffignac, assemblées en opus incertum. Le soubassement est couronné par une plinthe formant cimaise, toujours en dalles de pierres dures de Thenon. Les ouvertures, portes-fenêtres et fenêtres sont constituées de chaînes d’angle en pierres sciées provenant de Chancelade (blanches, coquillières) et de Couze pour les pierres ocres. Les murs pleins sont en pierres enduites de Mestreguiral, couronnées d’une génoise en pierres de Chancelade.

Cette gare de voyageurs dispose de trois quais (dont deux centraux), deux abris et deux passages à niveau planchéié permettant la traversée des voies et l’accès aux quais. L’abri du quai numéro 1 [photos 5 & 9], communément appelé « marquise » est de construction plus récente que la gare. C’est une surtaxe temporaire, appliquée sur le prix des billets de train, qui a permis son financement dans les années 1920. C’est un remarquable assemblage de parties métalliques rivetées à chaud, supporté par des corbeaux et couronnements en fonte ouvragée sur des colonnes en fonte

Médaillon du Nivellement Général de France

Sur le quai numéro 1, sous la marquise, une petite plaque en fonte est scellée dans une pierre de chaîne d’angle [photo 6], avec deux inscriptions sur plaques émaillées : l’altitude et le point géodésique, ainsi qu’un petit repère circulaire en saillie, situé au-dessus de la lettre « K ». C’est Napoléon qui, grâce à une petite armée de géomètres, a procédé au nivellement de la France. Depuis, tous les bâtiments publics (écoles, mairies, églises et ouvrages d’art, ponts, viaducs…) vont être équipés de ce repère circulaire, et en fonte pour les plus anciens. Mais, amis lecteurs, où est situé le point zéro ?… Réponse : il se trouve dans le marégraphe du port de Marseille, là où l’amplitude des marées de la mer Méditerranée est la moins importante. Ainsi, la gare du Buisson se situe précisément à 63,455 mètres d’altitude.

Le poste d’aiguillage

Le poste d’aiguillage PO [photo 7] est électro-mécanique et de type Saxby. Il permet la manœuvre des aiguillages et des signaux s’adressant aux circulations ferroviaires. On distingue, au premier plan, parallèles aux voies, les tringleries métalliques qui permettaient de réaliser l’itinéraire de réception des trains venant de Sarlat et d’Agen. À l’intérieur du poste, tout un ensemble de leviers, grands ou courts, sert également aux signaux encadrant la gare, côté Périgueux et Bergerac, la commande d’aiguillage motorisée pour les voies de réception ou de dépôt. Une particularité exceptionnelle de ce poste d’aiguillage, c’est la commande des barrières oscillantes à l’aide d’un treuil à câbles (système devenu très rare de nos jours). Les barrières peuvent ainsi rester, par arrêté préfectoral, fermées jusqu’à huit minutes continues. Précision : le métier de garde-barrières est un des rares métiers où il n’existe pas de droit de grève.

Lorsque l’itinéraire de direction est réalisé par l’aiguilleur, côté nord vers Périgueux ou Bergerac, une autorisation par libération de clé d’enclenchement (boîtier situé à droite sur la photo 8) permet l’ouverture (effacement) du signal par l’intermédiaire de ces leviers (un seul à la fois). L’autorisation de départ peut alors être donné à la circulation ferroviaire, par l’agent chargé de la sécurité.

Les deux châteaux d’eau

Dans cette importante gare qui a abrité un dépôt de machines à vapeur jusqu’en 1938, il y avait deux châteaux d’eau servant à alimenter les tenders de machines à vapeur par l’intermédiaire de grues à eau. Il en reste encore un à côté du pôle d’actions culturelles [photo 10]. On aperçoit à gauche, au-dessus du parapet, un dispositif métallique qui indiquait le niveau de remplissage de la cuve. De construction circulaire en maçonnerie de pierres enduites, couronnée, comme un chemin de ronde, par un parapet de pierres plates posées sur des corbeaux ouvragés, cette cuve métallique d’une contenance de 105 m3 est assemblée par plusieurs plaques métalliques incurvées et rivetées à chaud. L’alimentation en eau de la Dordogne était effectuée au moyen d’une pompe à vapeur installée dans un petit bâtiment toujours visible, situé non loin du pont ferroviaire de Vic.

L’ancien dépôt des machines à vapeur

Le projet d’installer un dépôt de machines s’est concrétisé avec la la ligne venant de Bergerac (1879) et le projet de la continuité vers Sarlat (1883). Ce dépôt fera l’objet de quatre projets d’agrandissement successifs, dont trois seront menés à terme. Sur la photo 11 on aperçoit, de gauche à droite, le bureau du chef de dépôt et le bureau de la « la feuille ». « La feuille », c’est l’ordre de mission écrit, remis au mécanicien, avec charge d’assurer la traction d’un train désigné, sa destination, son heure de départ, les heures de passage aux gares intermédiaires, la composition du train, le nombre de wagons, leur poids total. L’équipe de conduite, à la grande époque, était titulaire de sa locomotive. Si l’équipe de conduite était de repos ou en congé, la machine l’était aussi. En 1937, un lointain cousin m’assurait que l’effectif du dépôt était de soixante personnes, et autant en gare. En 1938, lors de la suppression du dépôt et de son regroupement avec celui de Bergerac, les effectifs des diverses classes communales diminuèrent d’un tiers environ.

« La passerelle »

Cette photo [12] représente l’entrée de la « passerelle », côté nord, telle que l’on peut la découvrir en passant rue Montaigne et en face de Plan Buisson. C’est un passage piéton souterrain qui débouche avenue d’Aquitaine. En juin 1879, un projet d’agrandissement de la gare de près de 45 000 m2 permet d’accroître la surface d’emprise du domaine ferroviaire. Cette extension a pour effet de couper le village naissant en deux parties, et entraîne la construction d’une nouvelle gare devant accueillir un afflux de voyageurs beaucoup plus important. Ne voulant pas être coupés de l’accès à ce bâtiment, les habitants du sud du village ainsi que ceux du hameau du Roussel ont réclamé cet accès piéton souterrain long de 220 m. Aujourd’hui, un grand nombre de Buissonnais ignorent l’existence de cette « passasserelle » souterraine, pourtant en libre accès, réalisée en moellons réglés, équarris et assisés.

Il y aurait encore tant et tant de choses à dire sur cette gare, la troisième du département par son importance… Pendant des décennies, elle assurera le prestige et l’extension du village du Buisson.

Gérard Rebeyrol – Photos © Jacky Tronel


Crédit Photos :

  • « Vue du port de Bergerac », 1854-1856, d’Auguste Faisandier, montre l’emprise de la ville au milieu du XIXe siècle. © Crédit photo : document archives départementales
  • «  La Couronne de Savoie  », Photo © Collections Musées d’Annecy.

Cet article a été publié dans le numéro 17 du magazine « Secrets de Pays ».

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