Ce métier fait partie des travaux d’hiver du paysan, entre descente et montée de la sève. Attesté depuis le XIIIe siècle, le feuillardier existait certainement bien avant, là où poussaient la vigne et le châtaignier.
En forêt, les promeneurs connaissent bien ces taillis sous futaie où les souches des châtaigniers, coupées au ras du sol, élancent vers le ciel leurs tiges en bouquet : ce sont les cépées bien nommées, si l’on en croit les experts qui savent que le cèpe y pousse volontiers. Quand ces taillis de châtaigniers sont exploités, la vigne n’est pas loin ! L’histoire de son implantation en Périgord recoupe celle de l’arbre, méditerranéen d’origine. Dès le Bas-Empire, les Romains n’en faisaient-ils pas des échalas pour leurs vignes ? Résistance à la corruption, aptitude à se rendre supérieure à celle de tous les autres bois durs… très vite le Périgord accueille les deux compères, la vigne et l’arbre qui se révèle être grand amateur de vin et d’alcool.
Le feuillardier – qui ne portait pas encore ce nom – travaillait alors avec les forestiers et les artisans de la forêt, collaborateurs des vignerons qui avaient besoin de futailles, de carassonnes et de lattes fines pour cercler les barriques. Les taillis de châtaigniers restèrent longtemps le domaine des merrandiers, des fendeurs et des feuillardiers. Les premiers, à partir des plus grosses billes de bois qu’on ne sciait pas, préparaient les merrains destinés à la fabrication des tonneaux. Moins cher que le chêne mais aussi riche en tanin, favorable au collage du vin nouveau, le châtaignier se contentait du vin ordinaire. Il existe encore quelques fendeurs en France dont le métier est très proche de celui du feuillardier, mais aujourd’hui, celui-ci est en cours de disparition, alors qu’ils étaient 5 000 en 1925 !
C’est un travail d’hiver, entre la descente et la remontée de la sève, quand l’écorce se décolle. Un complément des activités de la ferme. Le feuillardier va chercher la matière première dans les parcelles de la forêt qui lui sont propres et qu’il fait tourner. Les cépées se reconstituent tous les 30 à 50 ans. C’est le nombre de coupes qui détermine l’épaisseur du taillis et c’est de cette épaisseur que dépendent la finesse et la recherche de la pousse.
Une fois le bois coupé puis refendu, le travail du feuillardier peut commencer. Longtemps, ce furent les échalas de quartier que l’on distingue des échalas ronds. Les lattes longues et plates, voliges pour les charpentiers sur lesquelles ils clouent l’ardoise, accrochent la tuile jointive que l’on cloue à la charpente pour former une cloison, piquets en bois transportés dans les filadières et servant à étendre les filets à l’arrière de l’embarcation, casiers à poissons, butées de quais pour les bateaux, diverses sortes de paniers, jusqu’aux couronnes mortuaires… Mais le plastique est passé par là.
Ce qui donne une petite lueur d’espoir aux derniers feuillardiers, ce sont les cercles de barriques commandés par les châteaux du Bordelais. Le plastique s’est révélé inapte parce qu’il ne suit pas le mouvement naturel du bois, il ne respire pas alors que notre châtaignier respire, lui !
Une dernière activité du feuillardier : il fabriquait des essentes ou bardeaux, minces petites planches de châtaignier utilisées pour couvrir le toit des maisons, comme l’ardoise. L’exemple le plus prestigieux se trouve sur le clocher pyramidal de l’église abbatiale de Cadouin, couvert de bardeaux. L’essor des constructions en bois pourrait accompagner le renouveau de cette technique.
Régine Simonet
Photos Pierre Boitrel
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