J’aime les salles de classe en Périgord

Ancienne école dans le village de Couze-et-Saint-Front, Dordogne
Au cœur des Bastides, voici des scènes de vie presque quotidiennes, sauf pendant les vacances bien sûr, si vous habitez comme moi rue des Écoles. Pour les enfants de trois à dix ou onze ans, les jours y sont rythmés par des récréations joyeuses et le temps consacré à l’éphémère des apprentissages. Car l’essentiel a lieu, une fois franchi le seuil de la classe. Tandis que les manteaux conciliabulent doucement dans les couloirs, commence un jeu étrange de paroles et de mots posés à la craie ou sur un clavier lumineux. Elément invisible, ce théâtre renouvelé chaque matin s’inscrit dans des croisements de lignes et d’idées incessants.

À partir des cases prétracées des cahiers, la première figure géométrique acquise sans le savoir, c’est le rectangle soutenu par le premier son animé et structuré, celui de la voix de l’instituteur ou de l’institutrice. Cette voix, c’est le lien et le repère principal pour l’assimilation des règles et le plaisir de progresser.

À bien y songer, nous avons tous en mémoire des noms d’enseignants qui ont laissé des traces marquantes dans nos jeunes années. La nature de la matière n’est pas étrangère à ce phénomène qui nous a aidé à grandir : français, mathématiques, histoire, géographie, sciences naturelles aujourd’hui converties dans des sigles étranges par l’Éducation nationale mais avec un but unique, l’éveil. À chaque classe, sa leçon de composition et sa mise en scène.

Mais ce qui a le plus impressionné ces têtes d’enfants aux expressions multiples et au langage incertain est sans doute ce moment assorti d’un frisson où ils furent appelés au tableau avec, autrefois, cet accès à l’estrade qui offrait une vision différente de l’ensemble de la classe. Rectangle noir, rectangle du parquet, rectangle du bureau du maître, rectangle de la photo de classe, que de formes à apprivoiser en préalable à l’hexagone de la France dans lequel il faut repérer le parallélépipède de la Dordogne !

L’aventure s’arrondit ensuite avec la pomme du goûter, l’assiette de la cantine et le visage maternel, le plus souvent présent à la sortie. Elle se poursuivra dans le destin de chaque élève, plus ou moins tumultueux comme les courbes de la Vézère.

Il n’est donc pas surprenant de retrouver dans la littérature des pages touchantes d’auteurs qui ont vécu ce métier d’enseignant ou ont écrit sur ce thème avec beaucoup de sensibilité : Alain-Fournier, René Guy Cadou, Jean Guéhenno, Georges Borgeaud ou Pef, le créateur du prince du Motordu…

Libre, alternative ou républicaine, une classe d’école révèle un concentré de transmission de culture et d’éducation dont le pastel de Véronique Declercq, joint en illustration de ce texte, témoigne assez justement.
Nos écoles de ville ou de village évoluent sans cesse avec le souci de construire et d’ouvrir les enfants sur un monde mal défini dans lequel leur part d’initiative sera déterminante. Nous nous éloignons ainsi du roman de Lucien Gachon intitulé Henri Gouttebel Instituteur, mais une évidence n’a pas changé : le rôle de l’enseignant requiert toujours les mêmes exigences et la même humanité.

Une école, ce haut lieu de transmission et d’échange, c’est finalement, comme une place de village, une combinaison d’efforts et de sourires, quelquefois de larmes et d’images-souvenirs, décisive dans nos valeurs de vie en Périgord.

Rémy Cassal
Illustration Véronique Declercq
Pastel d’après une carte postale publicitaire américaine de la fin du XIXe,
publiée par Donaldson Brothers NYC en 1891


Crédit Photo :

  • Ancienne école dans le village de Couze-et-Saint-Front, Dordogne, by Père Igor (own work), via Wikimedia Commons.

Cet article a été publié dans le numéro 9 du magazine « Secrets de Pays ».

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