Mauzac, l’Art derrière les barbelés

« Groupe de prisonniers au camp de Mauzac », Boris Taslitzky, 2002 © coll. Jacky Tronel

La prison et les camps d’internements sont, comme chacun sait, des lieux de privation de liberté. Paradoxalement, ce sont aussi des lieux de grande créativité. De 1940 à aujourd’hui, Mauzac, lieu d’enfermement, a vu passer un certain nombre d’artistes, connus ou anonymes. Que révèlent leurs œuvres ? Quelles traces ont-ils voulu laisser et quels messages ont-ils eu à cœur de transmettre ? Découvrons quelques-uns d’entre eux…

Boris Taslitzky, peintre communiste proche d’Aragon

Peintre résistant d’origine russe (1911-2005), c’était l’un des derniers grands peintres réalistes « à contenu social ». Boris Taslitzky est sans aucun doute le peintre le plus illustre et le plus talentueux de tous les « artistes » qui sont passés par Mauzac. Il adhère au PCF dès 1935 et, en 1938, devient secrétaire général de la section des Peintres et Sculpteurs de l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires. Il expose aux côtés de Picasso, Léger, Matisse… Mobilisé, il est fait prisonnier en juin 1940, mais parvient à s’évader. Arrêté à Aubusson le 13 novembre 1941, Boris Taslitzky est écroué provisoirement à la maison d’arrêt de Guéret puis transféré à Clermont-Ferrand. Le 11 décembre 1941, le tribunal militaire le condamne à deux ans de prison et dix ans d’interdiction de droits civils, civiques et de famille au motif qu’il « a effectué plusieurs dessins destinés à la propagande communiste ».

Après son jugement, Taslitzky est transféré à la maison centrale de Riom (Puy-de-Dôme) puis, le 23 juillet 1943, à la prison militaire de Mauzac : « À Mauzac, nous avons revêtu l’uniforme militaire, nous y crevions presque autant de faim qu’à Riom, mais nous avions le droit de recevoir des livres et celui d’avoir de quoi écrire, c’est-à-dire pour moi celui de dessiner. C’est ce que je fis avec la passion d’un artiste privé depuis dix-sept mois de tout moyen d’expression. C’était une résurrection ». Boris séjourne à Mauzac jusqu’au 11 novembre 1943. Il connaît ensuite l’internement administratif au camp de séjour surveillé de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). C’est là qu’il peint, à l’intérieur des baraques du camp, plusieurs fresques d’inspiration révolutionnaire et patriotique. Déporté au camp de Buchenwald, il réalise une centaine de dessins qu’il réussit à cacher. En 1946, Louis Aragon les réunit dans un album et les publie sous le titre Cent onze dessins faits à Buchenwald. Taslitzky dessine pour témoigner, il dessine pour résister : « Créer, c’est résister ! » Il disait encore : « Si je vais en enfer, j’y ferai des croquis. D’ailleurs, j’ai l’expérience, j’y suis allé et j’ai dessiné ».

En 2002, alors que je préparais un article biographique pour la revue Arkheia (« Boris Taslitzky, le Maître de Saint-Sulpice »), je rencontrais l’artiste dans son atelier situé 7 rue Ricaut (Paris 13e). C’est à cette occasion qu’il m’a offert le dessin au crayon reproduit ci-contre : « Groupe de prisonniers au camp de Mauzac ». Décédé le 9 décembre 2005, Boris est inhumé au cimetière du Montparnasse, à Paris.

Dans un tableau saisissant intitulée « La pesée », visible aujourd’hui au Musée de la Résistance nationale, à Champigny-sur-Marne, Boris Taslitzky immortalisait une scène de vie à la maison centrale de Riom. Le tableau réalisé par l’artiste, fin 1945, témoigne de l’extrême rigueur des conditions de sa détention. Sur la balance administrative, des squelettes disciplinés se succèdent, attendant leur tour : « Tous les mois, commente Boris, le poids des prisonniers affamés et de plus en plus maigres était enregistré. C’est ainsi qu’on pesait des hommes de trente-cinq kilos. »

Max Moulinier, militant communiste bergeracois

Max Moulinier était peintre de profession. Démobilisé à Gaillac (Tarn) le 25 juillet 1940, il rejoint le PCF clandestin. Le 8 janvier 1942, il est arrêté sur son lieu de travail, à Bergerac, et fait l’objet d’un décret administratif d’assignation à résidence au Centre de séjour surveillé de Nexon (Haute-Vienne). Il y reste interné jusqu’au mois d’avril. Sitôt libéré, il se fait à nouveau arrêter à Bergerac puis condamner par le tribunal militaire de Périgueux à 4 ans d’emprisonnement, assortis de 20 ans d’interdiction de séjour, privation des droits civils, civiques et de famille, et 1  200 francs d’amende pour « menées communistes » (distribution de tracts et collage d’affiches). Le 11 août 1942, il est écroué à la prison militaire de Mauzac. Le 11 juin 1944, Max Moulinier s’évade du quartier cellulaire de l’hôpital de Bergerac avec cinq co-détenus, dont Yves Péron, puis, dans la nuit du 30 au 31 juillet 1944, participe à l’organisation de l’évasion de 44 détenus politiques incarcérés à la prison militaire de Bergerac.

Tout au long de son séjour à Mauzac, Max réalise de nombreux dessins et aquarelles qui témoignent des conditions particulièrement difficiles de sa détention et de la force de son engagement politique.

Parmi les « œuvres artistiques » les plus signifiantes, il y a celles célébrant les jours de fêtes nationales à caractère patriotique, tels le 1er Mai, le 14 Juillet et le 11 Novembre. Pour les communistes, la fête du 1er Mai revêt une signification particulière, ainsi qu’en témoigne cette citation de Rosa Luxemburg, militante communiste et révolutionnaire allemande, assassinée le 15 janvier 1919 lors de la répression de la Révolte spartakiste de Berlin : « Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1er Mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1er Mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé. » (journal Sprawa Robotnicza du 8 février 1894).

À la prison militaire de Mauzac, ce ne sont pas tant les mauvais traitements physiques que la situation sanitaire, le froid et la faim qui sont à déplorer. Les illustrations de Max Moulinier le montrent cruellement, plus particulièrement les cartes réalisées à l’époque de Noël. Un Noël en prison, loin des siens, de sa famille et de ses amis, c’est encore plus difficile à vivre.

Pour lutter contre la déprime, Max manie l’humour. C’est, par exemple, un chat noir qu’un chef cuisinier s’apprête à plonger dans un chaudron posé sur le poêle à bois du dortoir. C’est encore, sous le regard rieur de la pleine lune, ce père Noël en habits de bagnard approchant des baraquements du camp en sabots, traînant son boulet et portant sa hotte de laquelle dépasse un poireau et deux poissons, dont il ne reste que l’arête dorsale, la tête et la queue.

Max Moulinier se plaît à imaginer un menu de Noël à faire rêver le prisonnier qu’il est, grelottant dans son lit trop court, recouvert d’un manteau, tandis que la glace forme des stalactites à l’intérieur des carreaux de l’unique fenêtre. Quant au menu du réveillon de Noël, il fait rêver le détenu affamé et sous-alimenté : « Saucisson de Lyon, beurre de l’Allier, Pâtes marseillaises, Volailles meillardaises, Pruneaux mauzaciens, Pain d’épices Commentry, Gâteaux auvergnats, Café et cigarettes. »

C’est l’occasion de faire signer les copains qui partagent le dortoir : « Souvenir d’un Stéphanois. Bonne amitié, Muller – Au perturbateur n° 1. Mais quel joyeux caractère. Bien fraternellement, Chalençon – Au camarade Clap, dans l’espoir des jours meilleurs, Revol – À mon ami Moulinier qui toujours rouspète mais toujours prêt pour dessiner, Tintori Raoul – À mon camarade de lutte Moulinier, mon meilleur souvenir, Beaufils Jean – En souvenir à mon camarade Moulinier, lutteur infatigable pour notre idéal, A. – Tous mes vœux pour la libération, Léonce Guivard (Alès) – Souvenir de nos misères en prison, Martinez… En souvenir de notre exil. Bien cordialement, Guérin »

Et puis il y a cette carte montrant de dos un détenu de la prison militaire de Mauzac (PMM), assis sur un baquet d’aisance, le pantalon baissé et la veste retroussée, qui nous présente, outre son cul nu… une feuille de menu vierge, ce qui ne laisse présager rien de bon, au sens littéral du terme, pour le repas de ce Noël 1942.

Jean Lisberney est commissaire stagiaire au commissariat des Renseignements généraux de Périgueux. Dans un rapport détaillé, il rend compte du résultat d’une enquête qu’il a menée, le 3 mars 1943, à la prison militaire de Mauzac. Sa conclusion est sans appel : « Tous les détenus se plaignent de l’insuffisance de la nourriture et la presque totalité portent sur leurs visages et leurs corps les stigmates de la faim. Maigreur excessive, yeux enfoncés dans l’orbite, pommettes saillantes, grande pâleur du visage. » On lui rapporte que des détenus ramassent des trognons de choux ainsi que des os trouvés à terre qu’ils font cuire pour se procurer un bouillon supplémentaire. Chaque jour plusieurs d’entre eux viennent à la cuisine des gardiens et récupèrent les épluchures de pommes de terre pour s’en confectionner des bouillies. Il y a cet autre récit d’un détenu qui, poussé par la faim, vole des betteraves gelées ramassées dans un champ et les cache sous sa chemise… et contracte une pneumonie. « Le cas me fut cité d’un homme de 1 m. 80, qui lors de sa libération ne pesait plus que 45 kilos et se trouvait dans un tel état de faiblesse qu’il ne put monter seul dans le wagon. Un détenu, affecté à l’entretien des cuisines des gardiens depuis 6 mois et qui a retrouvé là une alimentation honnête, m’a avoué avoir repris dans ce laps de temps 23 kilos ; actuellement son état physique est cependant simplement normal »

Michel Danner, président cantonal de la Légion française des combattants

La période dite de l’Épuration sauvage a été marquée dans le pays par une surpopulation carcérale à laquelle Mauzac n’a pas échappée. Parmi les figures locales victimes de cette « épuration extra-judiciaire » figure Michel Danner, maréchaliste convaincu, anglophobe et antisémite déclaré, incarcéré une première fois à la prison militaire de Mauzac le 9 juin 1944, deux fois libéré et deux fois incarcéré, libéré définitivement le 17 février 1945.

Qui était Michel Danner ? D’origine alsacienne, né à Paris en 1894, il est plusieurs fois décoré et termine la Grande Guerre avec le grade de capitaine. Marqué à droite, il adhère aux Croix de Feu. C’est un proche du colonel de La Rocque, fondateur du Parti social français (PSF). Démobilisé en juillet 1940, il se retire avec sa femme sur les hauteurs de Lalinde, au lieudit Les Huguenots. Danner est un loyaliste et un propagandiste de la doctrine de Vichy, collaborationniste. Et c’est à ce titre que lui et sa femme sont inquiétés, dès le 9 juin 1944, et conduits à la prison militaire de Mauzac. Le motif ? « Légion cantonale » peut-on lire sur le registre d’écrou : «  Détention ordonnée le 8-6-44 par la Résistance de Lalinde ». Après avoir été pillée, leur propriété est incendiée dans la nuit du 24 au 25 avril 1945. Les cahiers de détention de Michel Danner ont fait l’objet d’une publication par son neveu, Bernard Lefèvre, sous le titre Noir Périgord : l’épuration en Dordogne de 1944 à 1945 (Éditions des Écrivains, Paris, 2001).

Plusieurs dessins accompagnent les cahiers. Ils rendent compte des conditions de détention, de la physionomie de la prison militaire aux allures de camp de concentration. Ces dessins n’ont aucune prétention artistique, ils ont valeur de témoignages. Ils illustrent des scènes de la vie quotidienne, telles que la toilette, la visite rendue par le procureur et son substitut, le portrait d’un surveillant militaire, nommé Barnabé…

À propos du Docteur André Cheynier, préhistorien

Pierre-André Cheynier est né le 18 juillet 1893 à Donzenac (Corrèze). Blessé lors de la Grande Guerre, le 9 juillet 1918, il se voit attribuer la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme. Il exerce comme médecin à Terrasson jusqu’à son arrestation, le 9 septembre 1944. Pétainiste convaincu, il rejoint la Légion française des combattants dès 1940, mais se défend d’avoir jamais appartenu au SOL ou à la Milice. Condamné par la cour martiale de Périgueux, il est ensuite écroué à la prison militaire de Mauzac et y reste jusqu’à sa libération, le 22 décembre 1945. À Mauzac, il était également connu comme préhistorien. Une dizaine d’années plus tard, il sera d’ailleurs nommé président de la Société préhistorique française dans le fauteuil de l’Abbé Breuil.

L’un de ses admirateurs, détenu lui-même à Mauzac et doué d’un certain talent artistique, l’a représenté sur l’une des deux aquarelles reproduites ici, agenouillé, loupe à la main, ignorant le double danger qui le menace : un homme préhistorique armé l’observe et un dragon se pourlèche les babines à l’idée du repas qui s’offre à lui (possible Coulobre… nous ne sommes pas si loin de Lalinde !) L’autre aquarelle illustre les deux activités d’André Cheynier : le préhistorien serre un biface d’une main tandis que de l’autre, le docteur tient un clystère estampillé du logo de la Croix-Rouge. Il tourne le dos à un mirador, sorte de cabane perchée comme la prison militaire de Mauzac en comptait encore en 1945. La dédicace ne manque pas d’humour : « M. le Dr Cheynier, l’éminent préhistorien vient de se fixer “à perpétuité” à la station préhistorique de Mauzac dont le caractère Moustérien le passionne. Il y a découvert les vestiges d’une cité lacustre (montée sur pilotis) et a pu pénétrer par une des vingt-sept ouvertures rectangulaires dans une salle immense, où nos ancêtres se livraient aux agapes et célébraient le culte. D’importantes fresques représentant des animaux ornent les parois. Les squelettes découverts démontrent, par l’absence de canine, que les premiers hommes connus de Mauzac ne mangeaient que des carottes [allusion au régime alimentaire de la prison, pauvre en viande] – (extrait du Canard Périgourdin Enchaîné) 1945. »

Pierre-Bloch, directeur de L’Éclair-Beleyme

Député SFIO de l’Aisne, Pierre Bloch est inculpé d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État. Il fait l’objet d’un mandat de dépôt le 22 octobre 1941, est écroué à Mauzac le 14 mars 1942 et s’en évade le 16 juillet.
Pendant toute sa détention, il est promu « directeur de publication » de L’Éclair-Beleyme, journal satirique, dactylographié et illustré. Ce journal à parution aléatoire, fabriqué avec des moyens de fortune, est réalisé d’abord à la maison d’arrêt de Périgueux (prison Beleyme), puis à la prison militaire de Mauzac.

…Suit un poème du Commandant Jean Breuillac :

Ballade à la lune du camp
Et la cloche de Sauvebœuf
Égrène ses notes une à une
Et, sur la baraque, la lune
Est comme un lointain œil du bœuf !
Et la cloche en la nuit d’hiver
Égrène ses notes une à une
Et, dans le grand ciel froid, la lune
Est comme le poing sur l’i d’Hitler !
La justice passe et la lune
Cherche à voir l’immonde Caïn
Blême et sanglant sur le chemin
Fuyant par une nuit sans lune !
Et la cloche de Sauvebœuf
Sonnera ses notes une à une
Nous n’y serons plus et la lune
Regardera dormir un bœuf !
Et la cloche carillonnant
Sonnera ses notes une à une
Et voyant la France, la lune
S’endormira béatement !

Sommaire (avril 1942) :

Six mois… déjà… un anniversaire. Oui, six mois déjà. Par une triste soirée d’octobre, les lourdes portes de la prison de Périgueux se fermaient sur nous. Six mois. La saleté, les poux, la gale, le froid n’ont rien enlevé de notre bonne humeur. Notre bulletin de santé est excellent.

Amis de l’autre côté des barbelés, notre pensée va vers vous en ce jour anniversaire. Soyez tranquilles sur notre sort. Notre incarcération droit commun, style peu chevaleresque, n’a rien diminué de notre dynamisme. Nous pensons à la joie de vous retrouver bientôt dans une France libérée et reconstruite et qui aura repris, pour la plus grande joie des nations, sa mission historique.
Ce numéro de «   L’Éclair-Beleyme  » est daté de Mauzac. Ici nous avons presque retrouvé, avec le soleil et l’air, notre dignité d’homme. Nous fêterons nos six mois de détention avec entrain, avec gaîté. Six mois de prison. Ce n’est rien pour la cause, et à nos oreilles retentit étrangement le chant des Girondins : « Mourir pour la patrie ». Signé PIERRE-BLOCH.

Jean Camus, poète

Né à Avesnes-en-Bray en Normandie, Jean Camus est arrêté le 5 septembre 1944 et condamné le 30 avril 1945 par la Cour de justice de Versailles. Il est écroué à Mauzac le 30 mars 1946, venant de Fresnes. Il est rendu à la liberté le 23 octobre 1948. Camus entreprend de consigner ses pensées et souvenirs sous forme de poèmes illustrés, dans un carnet qu’il destine à ses parents, Madeleine et Gaston Camus, à sa femme, Madeleine Camus, et à leurs enfants, Janine et Yves. Ce carnet, rédigé en alexandrins, exprime avec nostalgie l’affection et l’amour d’un fils, d’un mari et d’un père pour les siens.

Offrande…

Comme vous le pensez, c’est à vous, mes chers Miens,
Que j’offre ce carnet contenant mes pensées ;
Les voilà ; page à page, elles sont exposées
Mais, avant que de naître, elles sont votre bien !
Elles furent le fruit de mes méditations,
De mon amour pour Vous, de douces souvenances
Et mon cœur a vibré de riches remembrances
En se trouvant gonflé d’une tendre émotion !
On peut emprisonner la pauvre chair mortelle,
River la chaîne au corps du juste ainsi brimé,
On ne pourra jamais l’empêcher, ou d’aimer,
Ou de penser, lorsque son âme est restée belle ! […]
Mon écriture est laide et mes dessins naïfs,
Ce bien pauvre papier, à la plume est rétif ;
La couverture vient d’une boîte à conserves,
Quand on est prisonnier, il faut bien que tout serve ! […]
Vous voudrez excuser la pauvreté du style
Pour ne penser qu’au cœur, apparent sous les mots ;
Les chants d’un prisonnier, bien qu’une pauvre argile,
Sont le vase sacré gardant un cœur très chaud !

Anonymes

Et puis il y a ces dessins, aquarelles, peintures, dont on ne sait d’où ils viennent et qui témoignent eux aussi. « Les barbelés et les miradors sont des symboles représentatifs de l’internement, des éléments parti-culièrement signifiants de l’expérience quotidienne du détenu, de l’espace clos où il vit, rejeté et exilé de la société dont, hier encore, il était inséparable. » Pnina Rosenberg (L’Art des Indésirables – L’art dans les camps d’internements français, 1939-1944, L’Harmattan, 2003).

« Oui, l’art pouvait fleurir en prison, il constituait même un moyen privilégié d’échapper symboliquement et mentalement aux barbelés, de leur opposer une individualité vitale, d’anticiper par la créativité une libération espérée, d’exprimer à la fois son désespoir et le souvenir de quelques moments heureux, de porter témoignage et d’affirmer une liberté intérieure de la pensée et du sentiment sur laquelle les geôliers n’avaient aucune emprise, bref : une évasion réussie. » (La captivité des prisonniers de guerre : Histoire, art et mémoire, 1939-1945. Pour une approche européenne, sous la direction de Jean-Claude Catherine, Presses universitaires de Rennes, 2008).

Texte Jacky Tronel, Administrateur du blog www.prisons-cherche-midi-mauzac.com


Crédit Photos :

  • « Groupe de prisonniers au camp de Mauzac », Boris Taslitzky, 2002 © coll. Jacky Tronel
  • Boris Taslitzky dans son atelier © photo J. Tronel
  • « La pesée »
  • Max Moulinier dessiné par Louis Bétous, 1944 © coll. J. Tronel
  • 1er Mai 1944, Max Moulinier © coll. J. Tronel
  • Max Moulinier © coll. J. Tronel
  • Michel Danner au 317e RI, 1939 © coll. F Rey
  • Dessins de Michel Danner © coll. Bernard Lefebvre
  • Photo de groupe avec Jean Breuillac et Pierre-Bloch, DR.
  • Centre de Documentation Juive Contemporaine, Paris, CDLXVIII-60.
  • Dessin de Jean Camus, 1947 © coll. J. Tronel

Cet article a été publié dans le numéro 16 du magazine « Secrets de Pays ».

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