Situé sur les contreforts Sud-Ouest du Massif Central, le Limousin est la région française où l’exploitation de l’or a été la plus importante (on parle ici d’une région géographiquement et géologiquement plus vaste que les limites administratives de l’ex-Limousin et qui englobe le nord-est du département de la Dordogne). Sur 9 sites aurifères, 250 mines d’or gauloises – ou supposées telles – ont été inventoriées en Limousin, regroupant 1207 aurières ayant pu produire en 500 ans près de 69 tonnes d’or, à partir de minerais d’une teneur de 20 g par tonne en moyenne. Le Nord-Est de la Dordogne compte douze mines d’or antiques, dont celles à proximité de Jumilhac-le-Grand, principalement les mines de Fouilloux, de Cros Gallet et du Bourneix, encore exploitées assez récemment. (1)
Le sous-sol du Limousin est constitué de granite et de roches métamorphiques (gneiss, micaschistes) qui sont veinés de nombreux gisements métallifères, de type filonien. En Périgord, il y a quelques gisements en alluvions, principalement dans la région de Saint-Priest-les-Fougères et Jumilhac-le-Grand, mais ils restent très localisés. Puisque ce site internet est consacré au Périgord, cet article s’intéressera exclusivement à l’activité minière de la région de Jumilhac-le-Grand. Celle-ci fut d’ailleurs très importante, bien que limité à une douzaine de sites…
Des travaux de prospections archéologiques ont permis de dresser l’inventaire des anciennes mines de ce secteur. À la suite de ces investigations, des sondages ont été entrepris dans le réseau minier de la Forge de Tindeix (Jumilhac) ; sa galerie d’accès était le seul ouvrage minier souterrain accessible, retrouvé en prospection. Un programme de recherches sur la mine antique des Fouilloux (Jumilhac) a également été entrepris dans le cadre d’un sauvetage programmé. Toutes ces recherches ont permis de faire avancer les connaissances des techniques minières antiques mises en œuvre dans cette région du Périgord-Limousin.
L’exploitation de l’or au temps des Gaulois
L’exploitation de l’or a débuté à l’époque celte, au Ve siècle avant notre ère. Toutefois, les premières mentions de l’existence d’exploitations aurifères en Gaule datent du IIe avant notre ère. Si l’activité aurifère se développe aux époques gauloise et gallo-romaine, elle cesse temporairement avec la chute de l’Empire romain. Dans son livre L’exploitation de l’or en Limousin, des Gaulois aux Gallo-Romains, Béatrice Cauuet, explique que « munis d’outils en fer, les Gaulois n’ignoraient rien de l’art des mines et que leurs techniques étaient expertes » : traçage de galeries, fonçage de puits (une technique de forage rappelant le forage horizontal) et de descenderies, mise en place de boisages (assemblage à tenon et mortaise), pratique de l’exhaure (épuisement des eaux d’infiltration ou des eaux des profondeurs) permettant d’approfondir la mine sous le niveau de la nappe phréatique.
Les minerais, extraits le plus souvent du quartz aurifère – connu dès l’Antiquité, comme l’indique Pline l’Ancien dans son exposé sur les techniques extractives de l’or en roche –, étaient tout d’abord concassés. Dans un premier temps, on les réduisait à la taille d’une lentille dans des mortiers de pierre avec des pilons de fer ; ensuite, on utilisait des meules, de type « va et vient » ou rotatives, jusqu’à obtenir une farine que l’on grillait dans des fosses à charbon. L’or ainsi libéré était séparé du minerai dans des canaux de lavage tapissés de peaux de mouton. Puis on le récupérait en brûlant ces peaux, après quoi, il était raffiné au creuset. Une opération délicate : il fallait veiller à ce que la température de fonte ne soit ni trop élevée (pour éviter les pertes de métaux alliés à l’or) ni trop basse (ce qui aurait eu pour effet de nuire à l’apparence du lingot d’or).
Les Gaulois savaient également évaluer la teneur en or des objets, en les frottant sur une « pierre de touche » (une lydienne d’un noir mat et de forme allongée, de 3 x 6 cm, a été retrouvée aux Fouilloux). Ils comparaient les marques ainsi laissées sur cette pierre à des étalons. Autre méthode d’évaluation : ils observaient leur réaction en présence d’acides.
L’exploitation de l’or au temps des Mérovingiens
Au VIIe siècle, les mines d’or gauloises oubliées furent réouvertes avec le réveil mérovingien, et cinq ateliers monétaires furent installés à Cameliaco (Jumilhac), sous le contrôle d’Éloi de Noyon (2) (v. 588-660) – plus connu sous le nom de Saint Éloi – « ministre des Finances » du roi Dagobert. Le Cabinet des Médailles, à Paris, conserve quelques pièces d’or, des triens (3) (tiers de sou), datant du règne des petits-fils de Dagobert (Clotaire III, Childéric II, Thierry III), pièces frappées au lieu du « Gravier », sur l’Isle. On peut également en admirer au musée de Jumilhac-le-Grand. En tout onze triens ont été trouvés dans la région de Jumilhac, répertoriés avec les noms des monétaires Ansad, Ausonius, Charimundus, Landucfus, Mumoleno, Nectarius et Urso. Leurs poids respectifs s’échelonnent entre 1,1 g et 1,32 g.
Nouvelle « ruée vers l’or » au XIXe siècle
Il semblerait que toute activité minière ait cessé pendant le Moyen Âge ; elle ne reprendra que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce regain d’intérêt fait suite aux travaux entrepris par le géologue Ernest Mallard. Il comprend que ce que l’on prenait pour d’anciennes fortifications romaines étaient en fait des sites miniers dont on avait oublié la fonction. Une nouvelle « ruée vers l’or » débute alors, et les déclarations de découverte de gisements se multiplient. Des mines, à ciel ouvert ou souterraines s’installent au début du XXe siècle. Bien souvent, ce sont d’anciens gisements qui sont à nouveau exploités, mais de façon ponctuelle, lorsque la conjoncture économique s’y prête. En effet, les variations du cours de l’or, les guerres et les crises économiques marquent des temps d’arrêt plus ou moins longs dans ces périodes d’exploitations. Cependant, plusieurs tonnes d’or seront extraites chaque année, jusqu’à ce que les gisements s’épuisent ou que leurs exploitations ne soient plus rentables. C’est ainsi que la mine du Chalard et celle du Bourneix fermaient, respectivement en 2001 et 2002. Cette dernière passe pour être la dernière mine européenne exploitée, avec celle de Salsigne (Ariège) qui ferma en 2004. Après plus de cent ans d’activités, et une renaissance technologique et économique à la fin des années 1980, elle produisit jusqu’à deux tonnes d’or par an.
Quel avenir pour l’or en Périgord-Limousin ?
Si la baisse des cours de l’or au début des années 2000 a entraîné la fermeture des dernières mines en Périgord-Limousin (le kilo d’or avait chuté à 14 000 € en janvier 2006), leur réouverture est actuellement envisagée, avec un cours qui dépassent allègrement les 36 400 € le kilo. En effet, la SAS Cordier Mines (créée en 2014) souhaite sonder une zone de 261 km2 qui s’étend sur neuf communes de Haute-Vienne et Jumilhac-le-Grand, côté Dordogne, l’objectif étant de dénicher des filons d’or, d’argent et d’antimoine, utilisé dans l’industrie. 4,6 millions d’euros seront investis dans cette prospection. (4)
Ce projet, qui pourrait créer 200 emplois en Dordogne, suscite bien des interrogations (5). La première préoccupation concerne l’environnement. Selon Alain Dorange, membre de l’association Stop Mines 87 qui s’est constituée pour lutter contre ce projet « les mines les plus rentables produisent dix grammes d’or pour une tonne de déchets. Des déchets qui ne sont pas anodins puisqu’ils contiennent d’autres éléments, en particulier de l’arsenic. Quand les mines ferment, ces résidus sont lessivés et envoyés dans la rivière ». (6)
Décidément, l’or du Périgord-Limousin n’a pas fini de faire parler de lui !
La Galerie de l’Or : Le musée de l’Or à Jumilhac-le-Grand
Située à proximité du château de Jumilhac, dans un ancien chai attenant à l’Office de Tourisme, La Galerie de l’Or présente une exposition permanente intitulée « L’or : origines, mythes et industries ». Outre l’évocation de l’histoire de la production de l’or, de l’époque gauloise jusqu’au XXe siècle, on y redécouvre l’ambiance d’une mine ancienne : reconstitution grandeur nature (chariot, peinture en trompe l’œil et outils divers) accompagnée d’une muséographie et d’un contenu multimédia particulièrement réussis. La Galerie de l’Or est ouverte aux mêmes horaires que l’Office de Tourisme de Jumilhac tout au long de l’année.
Pour les amateurs de marche à pied, le Sentier des aurières permet aux visiteurs de partir sur les traces de l’or. Pour compléter sa découverte, on est invité à participer à une animation d’orpaillage organisée par l’Office de Tourisme : on y apprend à manier la batée, au bord de l’Isle, à une dizaine de kilomètres de Jumilhac-le-Grand. Les séances – qui durent une demi-journée – ont lieu trois fois par semaine en saison, et toute l’année sur réservation (lorsque les conditions météorologiques le permettent). Chaque participant est assuré de repartir avec quelques paillettes d’or qu’il aura trouvé.
Notes :
- (1) La Pyramide de Cristal de Saint-Paul-la-Roche, Alain Bernard et J.F. Tronel, Les Éditions Esprit de Pays, Lembras, 2017. Vous pouvez commander ce livre en téléchargeant notre Bon de Commande, ou en nous contactant à cette adresse : contact@espritdepays.com.
- (2) L’orfèvre Éloi devint contrôleur des mines et métaux, maître des monnaies, puis grand argentier du royaume de Clotaire II, puis trésorier de Dagobert Ier avant d’être élu évêque de Noyon en 641.
- (3) Le sou d’or des Mérovingiens était divisé en semis et en triens (tiers de sou) ou tremissis. Le tiers de sou présente la plupart du temps une petite tête de profil à l’avers et une croix au revers. Au VIIe siècle, il connaît une forte dégradation de son poids et de son titre. Un triens pesait environ 1 gramme.
- (4) Pour en savoir plus sur les projets d’activités minières en Périgord-Limousin, voir l’article de Pierre-Manuel Réault paru dans le Journal Sud Ouest du 18 janvier 2017, intitulé « La recherche d’or va-t-elle reprendre en Dordogne ? Un premier permis accordé ».
- (5) À lire dans le Journal Sud Ouest du 1er juin 2016, un article de Pierre-Manuel Réault intitulé : Un projet de mine d’or pourrait créer 200 emplois en Dordogne, mais inquiète…
- (6) Un article de Nathalie Col à lire sur le blog du site internet France Bleu Limousin, France Bleu Périgord et France Bleu : La recherche de mines d’or reprend en Haute-Vienne.
Crédit Photos :
- Ancienne mine d’or du Bourneix (Jumilhac-le-Grand), bassin de traitement, by Pierre-Alain Dorange (own work), via Wikimedia Commons.
- Tiers de sous d’or de Dagobert Ier. À droite, la croix ancrée est accostée des lettres ELI-CI, désignant son chancelier saint Éloi.
REMARQUE : Si un extrait du présent article posait problème à son auteur, nous lui demandons de nous contacter et cet article sera modifié dans les plus brefs délais.
Bonjour. Pouvez-vous me contacter rapidement afin que je puisse vous faire part de mon souhait de publier, sur mon blog, un article relatif à l’or de la rivière ? Merci par avance.