Jacquou le croquant se nourrissait de soupe de châtaignes, et le gourmet d’aujourd’hui savoure le foie pané miel et noix du Périgord. Le pas de deux multiséculaire de ces fruits est bien représentatif de l’évolution du Périgord entre traditions vivaces et modernité touristique, à l’ombre d’arbres sans lesquels la silhouette de la Dordogne ne serait pas vraiment elle-même.Ne reniant en rien les noyeraies de toujours bien alignées le long des champs, quoique blessées par la tempête de 1999, une nuciculture moderne est née sur les bases ancestrales de celle qui, en Sarladais et Terrassonais, vibrait aux soirées d’énoisage propices en rencontres matrimoniales.
La noix AOC
Déjà avec des négociants audacieux, on avait été, par le passé, capable d’exporter la noix du Périgord loin dans le monde, non pas pour ses qualités nutritionnelles bien connues, mais pour la dureté de coques pilées : elle servait alors de précieux abrasif pour les forages pétroliers.
Fiers du prolongement gustatif de truite farcie, magret en croûte, cèpes poêlés, filet de bar et autre moelleux aux noix, les professionnels périgordins se sont battus pour l’appellation protégée « Noix du Périgord », en parallèle à celle de Grenoble, rivale mais finalement complémentaire avec, par exemple, l’installation à Thenon d’Alain Rivière, exportateur de l’Isère (3 000 tonnes par an, dont 80 % à l’étranger). Il avait invité à son inauguration son ami David Douillet à côté du président du Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble.
Sarladais et Hautefortais
La filière noix de Dordogne est restée fidèle au Sarladais. C’est ainsi qu’à Cénac-Saint-Julien siège la coopérative CoopCerno. Avec sa production annuelle de 2 500 tonnes et son presque demi-millier de producteurs (de plus en plus « bio », mais redoutant toujours les dégâts des… sangliers), fait figure de centre nerveux de la production nucicole périgordine. Quant à la ferme de Vielcroze, à Castenaud-la-Chapelle, elle abrite l’Éco-musée de la noix, pédagogique et typique, où l’on presse une huile de noix biologique à 100 %.
Mais la Route de la noix, pour les touristes, suggère aussi la région d’Hautefort avec de belles noyeraies comme chez Joffre à Nailhac, village natal de Sylvain Floirat qui oeuvra également au développement de la noix (comme de la truffe et de la pomme).
C’est également le point d’ancrage d’une active Confrérie de la noix du Périgord qui conjugue à tous les rythmes les joies du binôme chanté par les troubadours « Cerveau/Cerneau ». Présidée par Anne Cluzeau-Pédenon, persuadée du caractère patrimonial de la noix, elle encourage aussi bien les soirées-énoisage que des fêtes estivales courues avec des invités comme Céline Géraud.
Recettes à la châtaigne
Quoique valorisée par le feuillard et jouissant d’une réputation culinaire paysanne sans âge (soupes, pain…), la châtaigne resta un « mets du pauvre » jusqu’à que soient élaborées de succulentes recettes aux éléments exotiques, se jouant de la châtaigne et du marron (avec importation de celui-ci, qui est une châtaigne à une seule amande – À lire également sur ce site Châtaigne ou marron, comment les distinguer ? ).
Parallèlement, se développaient – y compris à l’export – des spécialistes comme Inovfruit à Mussidan ainsi qu’un tourisme du Pays du châtaignier grâce à Jean Issard, à Villefranche-du-Périgord. Et cette cité au site stratégique entre trois départements, créait en 2013 une prometteuse Maison de la châtaigne, en soupirant après un Label rouge de la castanéiculture comparable à celui de la noix, encouragé par le Conseil général d’alors.
Le pays de la Lémance ainsi revivifié y expose ses meubles, parquets et jouets en bois de châtaignier et a redonné tout son lustre à la Confrérie du châtaignier, de la châtaigne et du champignon présidée par la très motivée Martine Amiguet. Clou de son annuelle Fête de la châtaigne automnale (on frise la trentaine) : le « cracher de châtaigne », inscrit au Livre des records !
Alain Bernard (1)
Auteur et journaliste périgourdin, ex-localier au journal Sud-Ouest Dordogne
À lire également les dossiers La Châtaigne du Périgord et la La Noix du Périgord
Notes :
(1)Alain Bernard est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont trois consacrés à la truffe du Périgord : Les Truffes du Tsar, Truffes impériales et Les forçats de la truffe. — Pour en savoir plus : Association Arka.
Une coquille se trouve dans ce très bel article, ce n’est pas Jouffre à Nailhac mais bien « Joffre » connu pour ses belles noyeraies !
Avouez qu’une coquille dans un article consacré à la noix, c’était inévitable ! Plus sérieusement, merci beaucoup pour votre lecture attentive… et pour l’intérêt que vous portez à Esprit de Pays.