La « Maison Bariat », un siècle de quincaillerie à Beaumont du Périgord

Façade de la quincaillerie, rue Foussal, dans les années 20. E.-J. Combe est le deuxième en partant de la gauche.
33 rue Foussal, à Beaumont du Périgord. Nous voici chez « Bariat & fils », une maison fondée en 1846 devenue, au fil du temps, une véritable institution participant largement à l’attractivité et au rayonnement du bourg.

Pénétrer dans cet univers nous rappelle à la fois l’exaltation de l’enfant parti à la recherche d’un trésor, alliée à l’extraordinaire découverte d’un lieu unique. Ici, on ne fait pas que passer, on s’arrête ! À peine entrés , on furette déjà. Monique, Bruno ou Michel s’avancent : « On peut vous aider ? » Le ton est donné ! L’accueil est chaleureux, le client bien considéré.

Et puis, il y a Suzette… Suzette Lourtal, épouse de Lucien Bariat, aujourd’hui âgée de 88 ans. L’âge lui permet désormais de goûter un peu de repos, ô combien mérité ! Suzette se souvient et raconte ses années à la quincaillerie. Elle a, jusqu’à près de 80 ans, participé à la vie du magasin. Les souvenirs sont intacts. Notre rencontre prend alors une autre dimension, elle devient émotion. Les souvenirs nous rattrapent et les mots, entrecoupés de longs silences, suffisent à sublimer l’instant.

La maison vit le jour en 1846 avec Monsieur L. Mianne, son fondateur. En 1948, M. J. Combe, son gendre, lui succéda. À l’époque, on trouvait déjà une grande diversité de produits allant de l’épicerie, la biscuiterie, à la graisse, l’antimite chinois (camphre), le serpolet des Alpes à la si forte odeur…

En 1930, M. Dignac, gendre de M. Combe, reprit l’affaire jusqu’en 1930. À sa mort, sa veuve, Madame Dignac, vendit à Alcide Bariat. Alcide fabriquait alors des barriques à l’angle de la rue des prisons et de la rue Romieu. Il tenait ce savoir-faire de son père. On peut encore aujourd’hui découvrir la porte de cet ancien atelier à quelques pas de la quincaillerie, à l’angle de la rue des prisons. Alcide et son épouse, Marthe, mirent le magasin en gérance jusqu’à ce que leur fils, Lucien, ait atteint l’âge de 13 ans. Marthe le reprit. S’écoulèrent alors de longues et difficiles années pour cette jeune femme qui, courageusement, fit face. « À cette époque on vendait du charbon, des articles pour l’élevage, des outils, mais aussi des lessiveuses, des passoires et des entonnoirs pour le lait. »

Légende photos : 1. La tonnellerie de la Maison Bariat. 2. Une vue d’ensemble des articles vendus. 3.Photo de gauche : E.-J. Combe – Photo de droite, Suzette Bariat. 4. Photo de groupe : en arière-plan : Marie-Josée, l’employée, Ming, Bruno et Michel ; au milieu, Claire et Monique ; premier-plan : Charlotte, Suzette et Thomas.

Et puis vint la guerre ! Elle enleva les hommes à leurs familles. En 1945, ce fut le retour espéré du fils, Lucien. Le 16 février 1946, il épousa Suzette… qui se mit aussitôt au travail aux côtés de sa belle-mère. « Au retour de mon mari, en 1945, le magasin s’était vidé de ses marchandises par défaut d’approvisionnement. On n’avait pas de sous. On n’a pas redémarré tout de suite. Mon mari est parti faire les foires. Il vendait alors de l’épicerie et des graines. Ma belle-mère était très gentille. Elle m’a bien appris. C’était très dur… Je vendais alors des articles de ménage. J’ai arrêté le charbon car une maladie m’a privée d’une partie de mes forces. Puis j’ai commandé les premières casseroles. Par la suite, la vaisselle a enrichi les rayons, et ensuite, petit à petit, les jouets, le ménager, les articles pour faire les conserves. À l’époque on ne fermait pas entre midi et deux, on travaillait tout le temps. Mon mari, avec son camion, parcourait le canton et au-delà. Il se rendait à Belvès, Sainte-Alvère, Vergt, Villeréal, Monpazier… Tout le monde le connaissait dans les villages. Il a beaucoup travaillé lui aussi. Petit à petit, cela nous a permis de faire évoluer le magasin. Dès que l’on avait un peu d’argent, on achetait des articles nouveaux. Il vendait de la quincaillerie… pointes, fil de fer, outillage et autres. »

Depuis 1993, leur fils Michel et son épouse, Monique, assurent la pérennité de l’affaire, aidés de leur fils Bruno et de leur belle-fille, Ming. Cette maison recèle aujourd’hui des trésors, porte en ses murs la mémoire d’une famille et d’un patrimoine commercial et artisanal… tout un pan de notre histoire.

Une facture de la Quincaillerie Bariat

Une facture de la Quincaillerie Bariat datant de 1895

Objets d’hier et d’aujourd’hui, ce sont des milliers d’articles rangés par secteurs d’activités, à couper le souffle aux visiteurs et acheteurs ! Oui, ce lieu unique est à voir. On y vient de très loin à la recherche d’un ancien produit, d’un outil ou d’un objet ayant disparu des commerces locaux : de la décoration contemporaine aux articles ménagers, des produits d’entretien aux peintures et jouets, mobilier de jardin, plancha, coutellerie… Impossible d’en dresser l’inventaire : il y a « TOUT » ! Tradition et modernité sont totalement imbriquées avec les poêles à châtaignes, le matériel en zinc si prisé dans nos fermes, la vannerie, les plaques de cheminée et leurs accessoires…

Au pays de la bonne chère, la cuisine est reine ! On ne faillit point à la tradition des conserves maison. Alors, ici existe tout un savoir-faire : on sertit les boîtes pour pâtés et autres gourmandises, on affûte couteaux et outils, on conseille. Bruno apporte sa jeunesse et sa touche personnelle. Il vient de développer un nouveau secteur : l’armurerie.

Mais que manque-t-il donc en ce lieu mythique ? « RIEN » ou plutôt « SI » ! La reconnaissance d’une activité commerciale hors du commun à l’heure où la grande distribution ne cesse d’envahir notre vie !

L'une des deux entrées de la Quincaillerie Bariat (2014).

L’une des deux entrées de la Quincaillerie Bariat (2014).

Françoise Cheyrou
Photos anciennes : Archives famille Bariat – Photos actuelles : Joris Cheyrou.

Cet article a été publié dans le numéro 4 du magazine « Secrets de Pays ».

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