Jusqu’à la construction des ponts, nombreux étaient les bacs sur la Dordogne qui permettaient le passage d’une rive à l’autre, facilitant ainsi les activités économiques entre villages situés de part et d’autre de la rivière.
Un rapport intitulé « Navigation fluviale, bacs, pêche fluviale – Rivière de Dordogne – Tournée d’inspection de 1867 » fournit une photographie très précise des métiers de rivière dans cette deuxième moitié du XIXe siècle. L’ingénieur en charge de ce compte-rendu recense 29 passages d’eau à l’aide de bacs entre Limeuil et Libourne, dont 18 sont situés dans le département de la Dordogne. Il précise, page 86 : « L’utilité de ces passages est vivement sentie par les populations riveraines de la Dordogne. Nous en avons pour preuve les nombreuses pétitions qui nous arrivent pour en réclamer incessamment l’amélioration… »
Restauration de la cale de Badefols
Au Moyen Âge, le terme de « port » et de « cale » désignent l’endroit sommairement aménagé de la rive d’où part et où arrive le bac. Au Port de Badefols, rive gauche, correspond le Port de Badefols, rive droite, non loin de l’embouchure du Drayaux.
Les cales permettaient aux bacs de passeur (de personnes ou d’animaux) d’accoster. Elles facilitaient le chargement et le déchargement des passagers, animaux, calèches et autres marchandises transportées par les gabarres. C’était aussi un lieu de réparation des gabarres qui avaient subi des avaries (par suite du manque d’eau, de rochers affleurants…). C’était enfin un endroit utilisé par les lavandières pour laver le linge.
La reconstruction de la cale de Badefols sur Dordogne a donné lieu à une enquête conduite par Christophe Audivert, technicien de rivière rattaché au Syndicat intercommunal d’études et de travaux des berges de la Dordogne, actuellement connu sous le nom de SMETAP (Syndicat mixte d’études et de travaux pour l’aménagement et la protection de la rivière Dordogne), dont le rapport a été remis le 28 avril 1997. En voici la synthèse pour ce qui est de la partie historique (sources Archives départementales de la Dordogne, 3 S 286).
L’activité du Port de Badefols, du XVIIIe au début du XXe siècle
En 1750, le passage et le péage de Badefols appartiennent au Duc de La Force. En 1832, Jean Sarra remporte l’enchère du fermage de Badefols, pour 1 140 francs. En 1840, Madame Veuve Sarra devient « fermière du bac ». En 1852, Monsieur Desqueyrat, fermier à Badefols, abandonne l’exploitation du bac de passeur à Étienne Laroque, charpentier de bateaux, après vente aux enchères.
En 1858, on apprend que trois bacs (longueurs respectives de 12 mètres pour une capacité de 25 personnes, 10 mètres et 7 mètres) traversent régulièrement la rivière.
En 1879, Monsieur Mouleydière devient fermier du bac de Badefols et demande la réparation des deux cales, endommagées par les inondations. La cale située en rive droite mesure 4,50 m de large avec une pente de 0,11 mètres/mètre. La cale située en rive gauche mesure 4,10 m de large et accuse une pente de 0,15 mètres/mètre.
En 1882, trois bacs traversent la Dordogne à l’aide d’un filin de 200 mètres de long, la « traille »1 : un « bac camus » de 11 mètres de long, 3,40 m de large et 0,80 m de hauteur ; un bac « passe-cheval » de 9,35 m de long et un batelet de 7 mètres de long, utilisé pour le transport du matériel.
La construction du pont de Lalinde ayant pour effet de diminuer la fréquentation du bac, Jean Mouleydière demande la résiliation de son bail.
En 1907, en réponse à une demande de l’État, le conseil municipal de Badefols refuse d’assurer l’exploitation du bac et de payer un marinier. Le conseil municipal de Lalinde, également sollicité, décide de délaisser le bac en en faisant porter toute la responsabilité sur la mairie de Badefols.
À la veille de la Première Guerre mondiale, en 1913, le bac n’est quasiment plus fréquenté. On apprend même qu’il est gratuit pour les écoliers se rendant en classe. La légende d’une carte postale ancienne qualifie Jean Mouleydière de « dernier passeur de Badefols, en 1917 ».
Jacky Tronel
1 La « traille » désigne le câble tendu d’une rive à l’autre le long duquel se déplace le bac, par un système de poulie. La propulsion le long du câble se fait à la force des bras, en tirant sur la corde ou en poussant sur une perche.