L’effraie des clochers ou dame blanche, oiseau mythique

Chouette effraie en vol, face à une ouverture de grenier, © photo Jean-Louis Vallée

Nous allons vous parler de la dame blanche, une belle chouette au masque blanc percé d’yeux noirs ! L’effraie des clochers, tel est son vrai nom, est un des plus beaux rapaces nocturnes.

En Périgord, la dame blanche est largement présente. En France, elle affectionne les régions tempérées et semble bouder les zones montagneuses (Alpes, Pyrénées, Massif central). À l’origine, elle nichait dans les falaises (grottes), ce qui lui arrive encore aujourd’hui dans le cingle de Trémolat, et aussi dans les creux de très vieux arbres. En Périgord, cet oiseau des milieux ouverts et des bocages vit le plus souvent au voisinage de l’homme dans les villes, villages, ou en bordure des agglomérations dans les fermes, les vieilles bâtisses et les ruines. Pour nicher, l’espèce adopte de préférence les clochers d’églises, granges, greniers, pigeonniers, mais aussi nichoirs.

Un cri strident au cœur de la nuit ou le passage d’une vague silhouette blafarde dans l’obscurité… Que faut-il de plus pour que germe une histoire de maison hantée et de revenants ? Nombreuses sont les légendes liées à l’image d’un fantôme dont fut victime l’effraie !

Cette effraie des clochers (Tyto alba) peut très bien élire domicile chez vous, dans un grenier ou un pigeonnier, à condition de lui installer un nichoir adapté à sa taille et à ses préférences d’habitat. J’héberge depuis 40 ans un couple d’effraies dans un nichoir spécifique à l’espèce (voir le plan). Bien sûr il ne s’agit pas des mêmes oiseaux, même si la longévité des rapaces est de 20 à 30 ans d’après les reprises de bagues.

L’effraie des clochers est plutôt sédentaire. Les adultes sont fidèles à leur site de nidification lorsqu’ils ne sont pas dérangés. En revanche, les jeunes se dispersent en toutes directions, souvent à plus de 100 km du point de baguage. Le cas extrême est celui de deux jeunes du même nid trouvés l’année suivante, l’une en janvier à Saragosse (1 380 km), et l’autre en août en Russie (1 260 km).

La nourriture de notre dame blanche dépend essentiellement des micromammifères et bénéficie donc de toute la sollicitude des agriculteurs. Ce sont surtout les mulots, campagnols, rats, souris qui sont consommés à 90 %, ensuite viennent les musaraignes, grenouilles, insectes et plus rarement les oiseaux. Après la digestion, une pelote de réjection gris sombre vernissée de noir est rejetée par le bec. Elle se compose de tout ce qui ne se digère pas : poils, os… Cela permet aux scientifiques de connaître le régime alimentaire exact de ce rapace nocturne si utile (consommation moyenne : cinq proies/jour).

La nidification a lieu au printemps, mais peut être réglée sur les fluctuations de mulots et campagnols. De ce fait, j’ai eu une nidification en janvier, époque assez insolite pour pondre. À cette saison le risque est grand, car si une couche de neige dépasse 7 cm, les petits rongeurs se déplacent dessous, ce qui prive de nourriture la nichée et les adultes. Lors d’hivers à fort enneigement, nous assistons à des mortalités massives. Il faudra des années avant de reconstituer de bonnes populations. L’espèce accuse un déclin évident dû à l’augmentation du trafic routier et autoroutier (une effraie morte par kilomètre d’autoroute et par an). Par ailleurs, la transformation des paysages agricoles (monocultures, remembrements, arrachage de haies, mais aussi la raréfaction des sites de nidification) nuisent énormément à notre dame. L’engrillagement des clochers d’église pour endiguer la prolifération des pigeons, la fermeture des pigeonniers, la rénovation des vieux bâtiments constituent des menaces supplémentaires qu’il serait facile d’endiguer par l’installation de nichoirs.

Autrefois les hommes ont persécuté la dame blanche par ignorance et par superstition : le paysan la crucifiait sur la porte de sa grange pour en éloigner les esprits malins… sans se douter de son ingratitude. N’est-il pas étonnant que la dame blanche soit encore là, un peu inquiétante, mais si belle et si fidèle aux refuges que lui laissent nos maisons et nos nichoirs ? Alphonse de Lamartine dénonçait déjà la cruauté de l’homme envers les animaux : « On n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal… On a du cœur ou on n’en a pas ».


Serge Fagette,
Naturaliste à la SEPANSO (Société pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest) et à la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux).

Source : LPO, Paul Géroudet  – Photos : Serge Fagette, Pierre Boitrel et Jean-Louis Vallée (naturejl.over-blog.com)


N.B. : Photos soumises à copyright (ne pas les utiliser sans l’autorisation de leurs auteurs).


Cet article a été publié dans le numéro 13 du magazine « Secrets de Pays ».

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