Le loup gris (canis lupus)

Portrait d’un loup du parc animalier du Thot, à Thonac © Christabelle Ballet.
Portrait d’un loup du parc animalier du Thot, à Thonac © Christabelle Ballet.

Le loup gris, ce méconnu, a longtemps habité en Périgord. Officiellement, le dernier fut tué en Dordogne en 1934. Or une première donnée officieuse annonce sa présence en 1943, suivie d’une donnée visuelle en forêt de la Bessède lors de l’hiver rigoureux de février 1956. Selon l’Observatoire du loup, il existerait aujourd’hui en Dordogne trois zones de présence en cours d’installation.

Je me souviens de mon patron coiffeur, André Besson qui, dans les années 1964-1967, me parlait des loups alors nombreux dans le Nontronnais, aux confins du Limousin. Ils y auraient séjourné encore bien plus tardivement. Il se rappelait qu’enfant, en 1929-1930, un loup l’avait suivi sur le chemin de l’école. Si j’en crois mes souvenirs, la grande battue alors organisée ne donna aucun résultat. Aujourd’hui, le loup hante davantage notre imaginaire que nos chemins de randonnée, mais il suscite toujours autant d’émoi et d’interrogations.

Le retour du loup dans l’hexagone

En France les derniers loups ont survécu non pas en montagne mais dans les forêts très denses des lieux les plus reculés de la Dordogne et du Limousin. Selon les gardes de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le retour de canis lupus se situe en 1992, année de sa première observation officielle dans le parc du Mercantour. Ils sont arrivés d’Italie, protégés par la Convention de Bern selon laquelle le loup, prédateur naturel des ongulés sauvages, fait partie intégrante de notre patrimoine naturel. D’après les estimations, il est en expansion rapide en France et fait l’objet d’un suivi annuel. C’est ainsi que l’espèce a pu coloniser une partie du territoire au point d’atteindre le chiffre d’environ 500 individus. Selon les dernières estimations, à la sortie de l’hiver 2018-2019, la population s’étendrait sur 92 zones, et dans 70 d’entre elles, les loups seraient constitués en meutes. À l’origine, l’espèce a pu s’introduire dans le territoire français à partir de l’Italie. Aujourd’hui, l’expansion est interne : il y a suffisamment de meutes en France pour que les louveteaux parvenant à l’âge subadulte se dispersent sur le territoire.

Le loup, animal social, vit en famille. La meute est constituée d’un mâle, d’une femelle et de louveteaux. Entre neuf et trente-six mois, les petits quittent cette meute, sans direction précise. Parfois ils restent seuls ou bien croisent la route d’un autre loup et créent une nouvelle meute. Leur très bonne capacité d’adaptation leur permet de se déplacer sur de longues distances et de coloniser ainsi de nouveaux territoires.

Les loups ont d’abord occupé les contreforts des Alpes, gîtant dans les zones montagneuses riches en ongulés sauvages. Puis ils ont traversé la vallée du Rhône. Les obstacles rencontrés (fleuve, autoroutes, zones industrielles) n’ont pas facilité leur progression. Ils se sont installés dans le sud du Massif central pour descendre ensuite dans les Pyrénées où l’on compte aujourd’hui trois à quatre meutes. On observe également leur présence dans les Vosges. (1)

Le loup, ennemi public des éleveurs, fait peur…

Effrayé par l’homme, tout comme le renard, il s’approche des villages la nuit, quand tout est tranquille. Il les traverse, fouille les poubelles, croquant parfois une proie au passage, souvent un chien ou un chat. À ce jour, en France, on n’a pas recensé d’interaction agressive. Même à l’époque de sa domestication, il y a 30 à 35 000 ans, dans les reliefs des sites où ils se nourrissaient, on n’a jamais retrouvé de restes humains. Par contre Cromagnon, lui, s’est sûrement nourri de loup et de chien en période de grande famine.

Souvent, de fausses informations circulent, notamment sur le fait que les loups ont une stratégie collective de chasse, avec pour particularité d’isoler une bête. Ce n’est pas ainsi qu’ils procèdent. Quand le loup attaque un troupeau, il observe et choisit une bête malade ou affaiblie, souvent située à l’arrière du groupe. Doté d’une infinie patience il peut venir rôder une, deux, dix, trente fois… Et si la chasse est bonne, c’est une certitude, il reviendra le lendemain.

Le canidé tue à la course. Il ne chasse pas à l’affût comme les félins. Son comportement de poursuite et d’attaque est déclenché par une bête qui se met à courir. Or les moutons… ça court ! Il se saisit alors d’une brebis, puis d’une autre, jusqu’à la dispersion complète du troupeau. Alors il se calme et dévore sa proie. Pour les éleveurs de moutons, les attaques sont dramatiques et leur colère peut se comprendre. Les forestiers de terrain, quant à eux, sont pour leur très grande majorité favorables à la présence des lynx et des loups, car ils limitent les dégâts faits aux arbres par les ongulés.

En France, une étude démontre que 75% de l’alimentation des loups du Mercantour est composé d’animaux sauvages (cerfs, chamois, mouflons), 15% serait d’animaux domestiques (brebis, chèvres) et le reste, soit 10% environ, de petites proies (lapins, marmottes, lièvres, insectes) ainsi que de fruits.

Assurer la conservation de l’espèce et prendre en compte la détresse des éleveurs

Une cohabitation qui n’est pas sans soulever de polémiques ! Alors qu’aujourd’hui ils sont installés dans trente-trois départements, il faut bien se résoudre à la présence du loup en France, et même en Périgord. Si certains s’en réjouissent, d’autres s’en inquiètent fortement, en particulier les éleveurs et les agriculteurs qui, victimes des attaques du loup, souhaitent en limiter la progression. Malgré la mise en place de mesures de protection des troupeaux, le péril demeure !

Les leçons tirées du passé nous invitent à renforcer la présence de l’homme, des chiens patous (8 pour 200 bêtes), des cabanes, du pacage… mais cela reste insuffisant. Il faudrait apporter une aide conséquente afin de gérer le surcroît de fatigue et d’inquiétude liées au loup, mettre en place des mesures de protection et de prévention, consulter davantage les éleveurs, et pas seulement au moment des constats. Ces derniers doivent certes s’adapter, changer d’état d’esprit, renforcer la présence humaine et tenir les bergeries bien closes. En montagne, il existe aussi des techniques d’effarouchement à revoir…

La solution ne peut pas se vivre à travers un arrêté préfectoral et un quota de 50 loups à abattre pour cette année, mais comme une réflexion à mener au niveau du territoire, par l’ensemble des personnes concernées. Le chemin de l’entente sera long malgré la révision du plan loup récemment annoncée.

Réfléchir avant d’agir ! Le loup est un animal générant des problématiques complexes.

Serge Fagette,
naturaliste LPO et SEPANSO FERUS (association pour le retour des grands carnivores)
Photos Christabelle Ballet, Laurent Violet et Serge Fagette

À propos de l’espèce Canis lupus

Canis lupus est une espèce de canidés comprenant plusieurs sous-espèces sauvages, domestiques ou férales, toutes parfaitement interfécondes, comme le loup gris commun (Canis lupus lupus), le loup arctique1 (Canis lupus arctos), le chien (Canis lupus familiaris), le dingo (Canis lupus dingo) ou encore le chien chanteur (Canis lupus hallstromi). Si les formes sauvages sont d’origine holarctique, la domestication et le marronnage ont permis à l’espèce de coloniser l’ensemble des écozones terrestres.

À l’inverse, le chien, sa sous-espèce domestique Canis lupus familiaris, le premier animal à avoir été domestiqué par l’homme il y a au moins 33 000 ans, s’est mondialement répandu. Avec environ 900 millions d’individus, il représente aujourd’hui la quasi-totalité de l’effectif mondial de l’espèce. Du chien descendent à leur tour les sous-espèces retournées à la vie sauvage que sont le dingo et le chien chanteur, fruits de milliers d’années d’évolution séparée.

Parmi les canidés proches n’appartenant pas à l’espèce Canis lupus mais également appelés « loups », on peut citer le loup à crinière (Chrysocyon brachyurus), le loup des Malouines (Dusicyon australis), le loup de l’Est (Canis lycaon), le loup rouge (Canis rufus), le loup d’Abyssinie (Canis simensis), le loup des Indes (Canis lupus pallipes), etc.

Source Wikipedia, Canis lupus.


Notes :

  • (1) Sous ses formes sauvages, le loup gris a été peu à peu exterminé par l’homme dans plusieurs zones de son aire de répartition originelle, en particulier au XIXe siècle. Au XXIe siècle, il ne reste plus qu’environ 300 000 individus dans le monde, principalement dans des zones « de grands espaces » restées sauvages, telles que la taïga de Sibérie et du Canada ou les steppes et les massifs montagneux d’Europe et d’Asie centrale. Il est désormais protégé dans de nombreux pays occidentaux, où l’on tente de préserver les populations restantes. Quelques programmes de sauvegarde ont permis aux loups gris de revenir dans des zones où ils avaient disparu, en particulier en Amérique du Nord. — Source Wikipedia, Canis lupus.

Crédit Photos :

  • Portrait d’un loup du parc animalier du Thot, à Thonac © Christabelle Ballet.
  • Loup du parc du Gévaudan, où l’on observe que les pattes sont rectilignes pendant la marche © Serge Fagette.
  • Loup sauvage des Asturies © Laurent Violet.
  • Le regard perçant de canis lupus © Christabelle Ballet.

Cet article a été publié dans le numéro 15 du magazine « Secrets de Pays ».

Vous pouvez vous le procurer en consultant la boutique du site…

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