À l’avènement de la Monarchie de Juillet, il met un terme à une carrière politique prometteuse par fidélité aux Bourbons. Retiré dans son château de Lanquais, Alexis de Gourgue se consacre à la préhistoire, l’archéologie, la toponymie et la numismatique.
La famille de Gourgue s’illustre très tôt dans l’histoire de France. Sous Charles IX, Dominique de Gourgue part à la conquête de la Floride. Sous Louis XIV, Jacques-Joseph devient évêque de Bazas. En 1732, la présidente de Gourgue, veuve du président du Parlement de Bordeaux, née Marie de Mons, acquiert le château de Lanquais qui appartenait au Duc d’Antin.
À la Révolution, ses biens ayant été confisqués, Joseph-Marie de Gourgue (petit fils de Michel-Jean) se réfugie en Angleterre, pour sauver sa tête. Il fait la connaissance d’une autre émigrée, Augustine-Marie-Renée Lecointe de Lagrave, qu’il épouse en 1797, à Londres. Ils rentrent en France quelques années plus tard et s’installent au château de Lanquais avec leurs enfants, Alexis et Joséphine.
La jeunesse d’Alexis
Le vicomte Joseph-Marie de Gourgue, père d’Alexis, est maire de Bordeaux de 1816 à 1823 puis député de la Gironde de 1821 à 1827. Un cours de la ville porte son nom. C’est à ce moment-là qu’il achète l’hôtel de Gourgue. Débutant ses études à Bordeaux, Alexis les termine à Paris, dans l’institution de l’abbé Liautard. Sa mère parfait son éducation dans le domaine artistique.
Né à Bordeaux le 12 octobre 1801, érudit, brillant orateur, Alexis de Gourgue entre au Conseil d’État à 25 ans. À l’âge de 30 ans, il est déjà maître des requêtes. En 1830, lorsque la Révolution de Juillet éclate, il refuse de servir Louis-Philippe, comme la plupart des gentilshommes royalistes. Cette interruption dans sa carrière politique va changer le cours de sa vie.
En 1821, il épouse Augusta-Philippine de Prunelé. Six enfants naissent de cette union : Anatole, Mathilde, Auguste, Joséphine, Henri et Avitie. Plus tard, son petit-fils Dominique sera chapelain de la basilique Saint-Louis-des-Français à Rome, puis reviendra s’occuper du domaine de Lanquais sur ordre de ses parents, étant le dernier descendant mâle de la famille de Gourgue. Il meurt en 1949, redonnant le domaine à sa sœur Marguerite, baronne Foucher de Brandois, et à ses fils.
Sa vie en Périgord
Alexis, désormais vicomte de Gourgue, se retire dans ses terres du Périgord, au château de Lanquais. En 1825, Joséphine-Marie-Suzanne, sa sœur, épouse Charles Desmoulins, un scientifique, fils du directeur des douanes à Bordeaux. Encouragé par son beau-frère, Alexis se tourne vers l’archéologie.
Entre 1828 et 1831, Alexis revient en politique en qualité de maire de la commune de Lanquais, puis le redevient entre 1866 et 1876. Il consacre désormais sa vie à sa famille et ses loisirs sont tournés vers l’histoire et les sciences. Avec son beau-frère Charles, ils parcourent l’Aquitaine afin d’y effectuer des recherches.
Son parcours scientifique
La numismatique devient une des passions favorites d’Alexis. Bien que très riche, sa collection ne sera jamais complète. Elle sera malheureusement dispersée à la suite des partages entre les différents héritiers.
Dans ce domaine il publie : Essai sur les monnaies frappées en Périgord (1841) et Observations sur le monnayage des deux duchés d’Aquitaine et de Gascogne (1843). Si ses publications les plus nombreuses concernent la numismatique, il rédige également diverses notes comme ses Réflexions sur le caractère et les écrits de Montaigne. Il se tourne également vers l’histoire du Périgord, sujet inépuisable, et vers celle de sa demeure de Lanquais, dont les bases reposent sur des fondations du XIIIe siècle. Quant à la construction du château, elle date de deux époques : la fin du Moyen Âge gothique pour l’une, la fin de la Renaissance pour l’autre.
La longue période qu’il consacre à étudier l’histoire du Périgord l’amène à publier des écrits sur les ouvrages militaires, illustrés notamment par Léon Drouyn, auteur et illustrateur de talent. Alexis de Gourgue est l’auteur d’un nombre impressionnant de mémoires, tel que Des communes en Périgord, publié en 1843.
Les événements de 1848 rendent un moment le vicomte de Gourgue à la politique : le Canton de Lalinde le conduit au Conseil Général de la Dordogne, mais avec l’Empire, il revient à la Science pour le reste de sa vie. Il est un des membres fondateurs de la Société Historique et Archéologique du Périgord et à l’origine du Bulletin de La Société linnéenne de Bordeaux. En 1861, lorsque le ministre de l’Instruction publique et des Cultes émet l’idée de réaliser une Description générale de France, Alexis de Gourgue fait paraître un mémoire intitulé Dordogne, noms anciens de lieux du département qui deviendra par la suite le Dictionnaire topographique de la Dordogne. Cet ouvrage publié en 1873 par l’Imprimerie nationale, à la demande du Ministère de l’Instruction publique, est encore très consulté. On y apprend que les noms de lieux-dits sont antérieurs à l’occupation romaine et que bon nombre d’entre eux sont construits à partir de radicaux évoquant l’eau, les bois et les forêts de notre région. Parmi ses autres publications, on lui doit un ouvrage écrit en collaboration avec Marcel Delpit sur Le Saint-Suaire ainsi qu’une Notice sur les fortifications de la ville de Domme ; Découverte d’une sépulture gauloise aux environ de Bergerac en janvier 1852 ; Le Dragon de Bergerac – Étude sur une question historique relative à la vie de Saint-Front.
Le préhistorien
Il constitue une importante collection de silex taillés, aidé en cela par ses métayers qu’il récompense lorsqu’ils lui ramènent un silex mis à jour au cours des labours. Une partie de cette collection est visible dans un petit musée installé dans les caves du château de Lanquais. Ses recherches sur la préhistoire sont principalement marquées par une publication précoce dans l’histoire de la discipline : Foyers divers de silex taillés en Périgord. Dans cette brochure, Alexis de Gourgue indique modestement qu’il n’a pas été le premier dans cette discipline, contrairement à ce que le journal Le moniteur publie en 1866. Jacques Boucher de Perthes (1788–1868) l’avait en effet précédé.
Au cours de sa vie, Alexis de Gourgue recevra les Palmes académiques et sera membre fondateur et vice-président de la S.H.A.P. (Société Historique et Archéologique du Périgord), correspondant du ministère de l’Instruction publique, correspondant de l’académie de Bordeaux et membre de la Société française d’Archéologie.
En 1885, il s’éteint au château de Lanquais, entouré de sa famille.
Bernard Burgaud