Marie Pourquery de Gardonne et l’abbé Paulhiac, une cohabitation insolite sous la Révolution

À Liorac, la chartreuse où cohabitèrent Marie Pourquery de Gardonne et L'abbé Pierre Paulhiac…
Se conformant à la volonté maternelle, une demoiselle de 45 ans et un ci-devant chanoine vécurent sous le même toit de 1789 à la Restauration, en 1815.

Née le 28 novembre 1745 à Liorac, où elle vécut toute sa vie avec sa mère, Marie était une Pourquery de Gardonne. Très répandue en Dordogne à cette époque, cette famille comptait de nombreux représentants de la noblesse de robe ou d’épée et d’hommes d’église. Dans le seul bourg de Liorac, on les trouvait aux hameaux du vieux Liorac, de la Tissanderie, de la Roche et dans le bourg. Le grand oncle et l’oncle de Marie furent tous les deux curés de la paroisse.

Les parents de Marie

Son père, Pierre Pourquery Gardonne, avocat au parlement de Bordeaux, fut en 1747 capitoul de Toulouse, poste très envié qui lui valut certainement renommée et fortune. Il avait épousé en 1740 Françoise de Salignac, de grande famille, qui lui donna six enfants. Seule Marie survécut. Après le décès de son père en 1770, elle vécut à Liorac avec sa mère qui mourut à son tour en 1788 après avoir rédigé son testament en faveur de Marie. Il comportait cependant des dispositions particulières : Françoise de Salignac léguait à l’abbé Pierre Paulhiac, chanoine de la cathédrale de Périgueux, « la tierce partie de mes biens pour qu’il en jouisse en indivision des deux autres tiers, avec mon héritière, qui seule pourra faire cesser l’indivisibilité des jouissances… En cas de décès de l’abbé avant mon héritière, le droit de retour aura lieu en faveur de cette dernière ». Cette clause de droit de retour ou substitution sera plus tard à l’origine d’interminables procès.

La vie commune

Et pourquoi Françoise de Salignac prit-elle cette décision ? On peut penser qu’elle craignait de laisser sa fille célibataire seule et sans protecteur. Un prêtre lui paraissait apte à jouer ce rôle, d’autant qu’elle avait expérimenté les qualités de l’abbé lors du décès de son époux : il lui avait rendu « des services multiples que je le prie de continuer à mon héritière » écrit-elle dans son testament. Marie et Pierre étaient, en outre, du même âge et cousins. Mais Marie était riche et Pierre jusque-là ne l’était pas.

Comment Marie accepta-t-elle la situation ? Il semble que cette cohabitation ne coûta ni à l’un ni à l’autre puisqu’elle se prolongea pendant 27 ans, sous la Révolution, le Directoire, le Consulat et l’Empire jusqu’à la mort de Pierre en 1815.

L’Assemblée constituante vota en juillet 1790 la constitution civile du clergé condamnée par le Pape. Contrairement aux prêtres réfractaires, Pierre Paulhiac prêta serment de fidélité à la Nation et reçut une pension annuelle de 1 000 livres jusqu’en 1794. Il abandonna alors son ministère et, retiré à Liorac, se consacra à la gestion des biens légués par Françoise de Salignac et aux affaires du village.

Son frère, François Paulhiac de la Sauvetat, avocat au Parlement, fut, de son côté, député du Tiers état lors de la réunion des États généraux. Il prêta serment au Jeu de paume, fut député de la Constituante de 1789 à 1791 et avait cessé toute activité politique en février 1792. Dans l’expectative, les deux frères observèrent alors l’évolution des événements.

À Liorac, on s’organise

Le village devient chef-lieu de canton en 1791, avec un juge de paix, un maire et son conseil municipal. Les documents (fragmentaires) rescapés de cette époque, recensements de l’an IV et de l’an XII, matrice d’imposition foncière de 1791, délibérations du conseil municipal, témoignent de la présence de Marie et surtout de Pierre Paulhiac. Ce dernier achète un champ dépendant de l’Église lors d’une vente de biens nationaux en avril 1791. En l’an VI, il signe une délibération du conseil avec la mention « pour le Président ». Or, selon M. Castang, instituteur à Liorac en 1912, le ci-devant abbé aurait tenu le rôle de maire de l’an VI à l’an VIII. La constitution de l’an III remplace le suffrage universel par le suffrage censitaire. On retrouve Paulhiac en troisième position sur la liste des trente citoyens de la commune, (catholiques) assez fortunés pour exercer une responsabilité municipale. De 1804 à 1811, il participe régulièrement aux délibérations du conseil.

Un fragment des archives de mairie de Liorac dans lequel figure le nom de Marie Pourquery

Archives mairie de Liorac, matrice imposition foncière 1791 recensement de l’an 4 fragmentaire, première délibération du conseil municipal.

De son côté, Marie joue un rôle plus « Ancien Régime » en apportant son soutien aux familles gravement touchées par les guerres du temps qui les privent de leurs jeunes hommes et prélèvent des quantités exorbitantes de céréales et d’animaux pour nourrir les soldats. Charité n’est pas justice, mais çà aide quand même…

Un autre document des archives mairie de Liorac dans lequel figure le nom de Marie Pourquery

Archives mairie de Liorac, matrice imposition foncière 1791 recensement de l’an 12, première délibération du conseil municipal.


Recensement des métairies et impositions foncières…

De retour de Toulouse, Pierre Pourquery Gardonne avait acquis en 1757, d’un cousin Pourquery du vieux Liorac : deux maisons de maîtres dans le bourg de Liorac avec « offices et jardins » (la chartreuse et ses communs), un domaine à Quiassel, une métairie à La Pigne, un borderage au Sorbier.

Le recensement des métairies sur le territoire de Liorac en 1791 permet de compléter cette liste : deux métairies à Carrieux, une borderie à Gros Castang et la grosse métairie du bourg, tout près de la chartreuse que Marie partageait avec l’abbé au même titre que Quiassel et Gros Castang.

Sur la matrice des impositions foncières de 1791, Marie est taxée sur 2 182 livres de revenus, en deuxième position derrière la veuve Garaube dont les 2 000 hectares sont imposés sur 6 150 livres, le ci-devant chanoine sur… 20,50 livres.

Sources : Archives mairie de Liorac, matrice imposition foncière 1791 recensement de l’an 4 et de l’an 12 fragmentaire, première délibération du conseil municipal. Site internet Liorac s/Louyre, Marie France Castang-Coutou, www.liorac.info.


Les suites du testament

Pierre Paulhiac meurt le 26 mars 1815. Par testament, il lègue à Marie l’usufruit de ses biens à Liorac, et désigne comme héritier universel, son cousin germain, Dominique Paulhiac.

Marie se retrouve seule et recouvre le tiers des biens dévolus à Paulhiac en vertu du droit de retour, pratique courante sous l’Ancien Régime mais abolie en 1792, avec effet rétroactif. Elle fait son testament deux mois après le décès de son cousin et désigne comme héritier universel le fils ainé des Lascoups, Jean, surnommé Zéphirin. Parmi les legs, celui destiné à l’hôpital de Bergerac tenu par les sœurs de Sainte Marthe auxquelles Marie était très attachée. Une tradition lioracoise donne à la chartreuse où elle vivait le nom de « couvent » où cette communauté animait une école pour les filles jusqu’en 1870. Marie mourut en 1823, Dominique Paulhiac en 1831.

Ses quatre fils remettent alors en cause la fameuse clause du droit de retour et exigent la tierce part dont hérita leur oncle 43 ans auparavant. Déboutés en 1833, ils font appel, sont déboutés à nouveau et se pourvoient en cassation à Bordeaux qui annule tout et les renvoie devant la Cour de Toulouse en 1839. On perd ensuite la piste des héritiers, mais le cas fit jurisprudence et il est, parait-il, cité dans le DALLOZ.

Quand aux Lascoups, ils étaient toujours propriétaire de la chartreuse en 1870.

Régine Simonet Photos Neville Gay

Cet article a été publié dans le numéro 3 du magazine « Secrets de Pays ».

Vous pouvez vous le procurer en consultant la boutique du site…

2 Commentaires

  • marsaud de labouygue dit :

    Jean Paulhiac, avait épousé Marie Françoise Rambaud, lesquels étaient originaires de Beleymas, lesquels Rambaud de la feuillade, de châteauvert épousèrent les Labrousse, qui furent domocilés à la Sauvetat Grasset, puis à Peyrelevade à Beleymas. Ils eurent deux filles qui épousèrent, l’oncle et le neveu Marsaud sieur de Labouygue, l’oncle fut maire de Beleymas, sa fille devait épouser Hippolyte Le Boeuf, notaire à Beleymas et à Beauregard et Bassac. Nous trouvons trace de leur passage, au cimetière, certes, mais aussi à l’église de beleymas. je suis un des descendant direct de l’un de ses mariages

  • Arrière petit fils d’Anthyme Dupré né en 1865 et fondateur entre autres de la Société Cotonnière du Tonkin en 1900 à Nam Dinh, je recherche toutes les informations susceptibles d’enrichir mes connaissances sur cet aïeul entrepreneur décédé en janvier 1940 à la tête de 14.000 employés.
    J’ai beaucoup apprécié le portrait d’Eugène Cuniac qui a peut être connu mon aïeul même si l’un était en Cochinchine (Saïgon) et l’autre au Tonkin (Hanoï).
    Mon aïeul avait travaillé dans plusieurs agences de la Banque de l’Indochine de 1890 à juillet 1897 (Tourane, Haïphong et Hanoï)
    MERCI

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *