Le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax) a probablement été introduit en France dans une cargaison de poteries en provenance de Chine et livrée dans le Lot-et-Garonne, en 2004. Il s’est très vite acclimaté à notre pays où il prolifère. Il est aujourd’hui présent en Espagne, Italie, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg. Toutefois, c’est la région Aquitaine qui souffre le plus de son invasion.
Le frelon asiatique est un gros insecte marron à pattes jaunes avec des ailes brunes et des tâches orange sur la tête et l’abdomen. Il est plus petit que notre frelon familier, le Vespa crabro. Son signe distinctif est sa couleur : le thorax est brun noir avec le quatrième segment presque entièrement jaune orangé. Le Vespa crabro, quant à lui, se différencie par ses tâches rousses, noires et jaunes recouvrant son corps et son abdomen entièrement jaune rayé de noir.
Attention, danger !
Des chercheurs tentent d’enrayer la progression de ce dangereux prédateur d’abeilles… mais le combat à mener est difficile. Aujourd’hui, deux techniques permettent de contrôler sa progression : 1. le piégeage des reines – extrêmement délicat – qui semble peu efficace, et 2. la destruction des nids, lorsque c’est possible. Des travaux sont menés par des équipes de chercheurs de l’INRA et quelques pistes sont à l’étude. Si des mesures sont prises dans quelques départements, à l’initiative de collectivités locales, aucune politique réelle de lutte efficace n’est mise en place au niveau du territoire.
Reproduction
En automne (d’octobre à novembre), les femelles reproductrices quittent le nid en compagnie des mâles pour s’accoupler. Elles seront les seules à subsister. Les mâles, les dernières larves et les ouvrières meurent. Les reines passeront l’hiver cachées quelque part dans le sol, sous une tuile, un trou de mur ou autre. Au printemps (de mars à juin), chaque reine fondatrice ébauche un nouveau nid, pond quelques œufs et soigne ses premières larves qui deviendront des ouvrières adultes capables de prendre en charge la construction du nid et l’entretien de la colonie. La reine consacrera alors le reste de sa vie à pondre. Avec l’apparition des ouvrières, l’activité de la colonie s’intensifie considérablement et la taille du nid augmente pour atteindre son maximum au début de l’automne.
Les nids
49 % des nids ont été identifiés en zone urbaine, contre 43 % dans nos campagnes. Les nids sont construits dans la frondaison des grands arbres, souvent à plus de 10 mètres. Ils sont constitués d’écorces et de bois tendre. Les morceaux imbibés d’eau sont pétris grâce aux mandibules du frelon. La pâte ressemblant à du carton est étalée en plusieurs couches.
Le frelon asiatique est gourmand en eau qu’il utilise pour construire son nid et nourrir ses larves. C’est la raison pour laquelle il choisit souvent de s’installer près d’une rivière ou tout autre point d’eau. Il possède une entrée latérale unique. À l’automne, les mâles et les reines abandonnent le nid. Les reines fondatrices iront ailleurs construire le leur.
On a pu observer des nids atteignant 1 mètre de hauteur et 80 cm de large, le plus souvent dans les arbres. Cependant, le frelon peut également utiliser les charpentes, les cheminées, tas de bois, murailles ou cavité murale. Le bruit des allées et venues permet souvent de le localiser. Un nid peut abriter jusqu’à 2 000 frelons !
Alimentation
Le frelon Vespa velutina est un prédateur généraliste. Il se nourrit de protéines, notamment avec la chair des abeilles et autres insectes (guêpes, mouches, chenilles, papillons, pucerons, fourmis, araignées). À l’automne, il se régale des fruits mûrs de nos jardins et vergers : pommes, prunes, raisins… Il prélève aussi de la viande sur des cadavres de vertébrés ou sur les poissons et crevettes exposés aux étals des marchés. Les boulettes de proies servent à nourrir les larves. Les adultes ne se nourrissent que de liquides sucrés (miellat, nectar, miel…) et du liquide riche en protéines que régurgitent les larves lorsqu’ils les sollicitent. Les ouvrières transportent ces liquides dans leur jabot pour nourrir par trophallaxie la reine, les autres ouvrières, les mâles et les futures fondatrices restées dans le nid.
SOS : abeilles en grand danger !
Le frelon asiatique attaque ses proies en les attendant en vol stationnaire devant la ruche. Après les avoir décapitées, il les dépèce et prélève le thorax riche en protéines pour nourrir ses larves.
Quelques instants lui suffisent pour tuer une abeille. S’il est aidé par ses congénères, ils peuvent réduire à néant une ruche en un rien de temps. Le frelon asiatique pénètre ensuite dans la ruche pour s’attaquer au couvain. Le couvain, c’est l’ensemble des œufs, larves et nymphes, protégés par les nourrices (ouvrières d’abeilles). Situé au centre de la ruche il est entouré de rayons de miel et de pollen pour l’alimenter. Ainsi, Vespa velutina termine définitivement son œuvre dévastatrice.
Il faut savoir que l’abeille pollinise plus de 20 000 espèces de plantes sur notre continent, dont 40 % de fruits, légumes et oléagineux. Son rôle est capital dans l’équilibre de l’écosystème. De l’orchidée dont elle est la seule pollinisatrice, aux plantes rares et à toute l’agriculture maraîchère, elle est indispensable à notre survie.
La recherche en action
En Europe, il n’existe pas de prédateurs ou de régulateurs du frelon asiatique. Le 10 mai 2013, le ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt a transmis une note de service aux préfets ayant « pour objet la définition des mesures de surveillance, de prévention et de luttes permettant de limiter l’impact du frelon asiatique Vespa velutina nigrithorax sur les colonies d’abeilles domestiques sur le territoire national ». On peut consulter le dossier très documenté sur le site de la préfecture de la Gironde.
La menace sur l’entomofaune (ou faune entomologique : désigne la totalité de la population d’insectes présents dans un milieu) résulte aussi bien de la prédation exercée par Vespa velutina que des campagnes de piégeage répétées organisées par diverses associations ou collectivités utilisant des dispositifs désastreux pour l’environnement. Comme nombre d’informations erronées et d’affirmations non fondées circulent à ce sujet dans les médias, il convient de s’en remettre aux conclusions des études scientifiques et aux propositions de la Mission interministérielle mandatée en 2010 pour proposer un plan d’action basé « sur la connaissance, le contrôle et la protection contre le frelon asiatique ».
Les recherches permettant d’isoler et de tester les molécules spécifiques attractives de Vespa Velutina sont menées à l’INRA de Bordeaux. Il reste à espérer qu’elles aboutissent le plus rapidement possible.
Piégeage : prudence…
De nombreuses opérations de piégeages nuisent à la biodiversité car ils capturent une quantité énorme d’insectes autres que le frelon asiatique (pollinisateurs, papillons, espèces rares ou protégées). Il n’existe actuellement aucun piège réellement sélectif vis à vis du frelon asiatique. Nombreux sont ceux qui travaillent sur ce dossier.
Œuvrons tous pour les abeilles !
Participons à la protection des abeilles en leur offrant une zone sauvage dans un coin du jardin, en fleurissant terrasses, balcons, jardins avec des plantes mellifères, en aménageant un coin d’eau, et surtout, en proscrivant pesticides et herbicides. Elles nous le rendront bien en nous offrant leur miel savoureux, parfumé et bon pour la santé !
Françoise Cheyrou
Sources : INRA, INPN, France Frelon asiatique
Comment identifier le frelon asiatique ?
Le Frelon asiatique est très facile à reconnaître car c’est la seule guêpe sociale en Europe à posséder une livrée aussi foncée : les adultes sont brun noir et apparaissent, de loin, comme des taches sombres sur le nid. La variété V. velutina nigrithorax possède un thorax entièrement brun noir velouté et des segments abdominaux bruns, bordés d’une fine bande jaune. Seul le 4e segment de l’abdomen est presque entièrement jaune orangé. La tête est noire, la face jaune orangée, les pattes jaunes à l’extrémité. Avec sa livrée sombre, il est difficile à confondre avec le Frelon d’Europe, Vespa crabro. Mesurant environ 3 cm de long, il est aussi un peu plus petit que ce dernier. La différence est particulièrement nette chez les reines, dont la taille atteint au plus 3,2 cm chez V. velutina et 3,5 cm chez V. crabro (Villemant et al., 2006b ; Rome & Villemant, 2021). (1)
Au printemps, il est aisé de différencier les femelles fondatrices des ouvrières par la taille. En effet, la fondation d’une colonie étant initiée par une reine seule, les premières larves auront peu de nourriture. Elles se développeront plus rapidement, mais leur taille adulte sera très faible, de l’ordre de 1,5 cm pour les premières générations, contre environ 3 cm pour les suivantes. À l’automne, la reine mère de la colonie est facilement différenciable de ses ouvrières, car ses ailes sont très abimées, elle n’a plus beaucoup de poils et a perdu, en partie, sa coloration orangée. Par contre, les différences morphologiques entre les ouvrières et les jeunes femelles sexuées (futures fondatrices potentielles) ne sont pas visibles à l’œil nu (pas de différence de taille) et uniquement mesurable avec un équipement optique perfectionné (Perrard et al., 2012 ; Pérez-de-Heredia et al., 2017). Comme les fondatrices devront hiverner, ce qui n’est pas le cas des ouvrières, elles accumulent plus de réserves de graisses et sont alors plus lourdes que les ouvrières. Une ouvrière pèsera entre 188 et 386 mg, alors qu’une fondatrice à l’automne pèsera entre 624 et 721 mg (Rome et al., 2015). (1)
Notes :
Crédit Photos :
- Patrick Romé ; Fablegros et J.-C. Alleva (Pixabay)