Naît le 11 avril 1929 Gérard Martial décède le 14 novembre 2011, à l’âge de 82 ans. De son père Franck et de son grand père Auguste, tous deux papetiers, il hérite du goût pour l’engagement associatif. Plus tard, ses études secondaires le conduisent à préparer le concours d’entrée aux Arts et Métiers. Il rejoint l’atelier Corlin à Paris, dès 1950, pour y préparer le professorat de dessin.
La maison familiale, au 24 avenue de Cahors, a conservé son charme d’antan. Malgré l’aménagement d’un petit perron en façade, l’aspect est intact. La pierre à peine rafraichie et la teinte ravivée des volets de bois ont juste atténué l’inévitable empreinte du temps. La maison natale de Gérard située dans le jardinet en bord de rivière a, quant à elle, conservé un je-ne-sais-quoi de romantique. Le lieu, intemporel, n’a rien perdu de son authenticité. Il semble porter encore aujourd’hui la mémoire de cette famille de papetiers, collectionneurs de père en fils.
Un riche parcours de vie
Ici naît Gérard, le 11 avril 1929. De son père Franck et de son grand père Auguste, tous deux papetiers, il hérite du goût pour l’engagement associatif. Plus tard, ses études secondaires le conduisent à préparer le concours d’entrée aux Arts et Métiers. Un choix probablement influencé par son père qui rêvait pour lui de cette voie qu’il n’avait pas pu suivre lui-même en raison de la guerre. En 1948, il abandonne les études techniques afin d’intégrer l’École des Beaux-Arts de Bordeaux. Il suit cependant les cours du Collège Maths et Technique en auditeur libre, obtient son bac en 1949 et rejoint l’atelier Corlin à Paris, dès 1950, pour y préparer le professorat de dessin. Nommé maître auxiliaire, il enseigne au lycée de garçons de Reims de 1952 à 1954. En août 1954, il épouse Jacqueline Garro, du Port de Couze. Le service militaire effectué, de 1954 à 1955, il est affecté au lycée de garçons et au collège de filles de Mont de Marsan, en tant que maître auxiliaire de dessin.
Rappelé en Algérie de juin 1956 à janvier 1957, c’est en octobre de cette même année qu’il obtient sa nomination à Toulouse en tant que professeur certifié de dessin. S’ensuivent deux évènements heureux, en 1958 avec la naissance de son fils Jean-Michel puis, en 1961, celle de Laurent. Toulouse « ville rose » devient sa ville d’adoption. Lors de son départ à la retraite, en 1989, son chef d’établissement fait l’éloge « d’un professeur hors pair ne laissant que des regrets tant son enseignement était de grande valeur. Il mérite les félicitations pour une carrière aussi réussie ». Son décès l’enlève aux siens le 14 novembre 2011, à l’âge de 82 ans.
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Une âme de collectionneur
Son ami d’enfance, Robert Loubière, témoigne : « Tout petit, Gérard avait cette passion. Sa collection de pierres, il l’a commencée enfant. Il conservait les cartes postales et les timbres, probablement marqué par la tradition familiale… il gardait tout ! » Son grand-père collectionne des timbres, des factures et documents divers, et son père des menus, des programmes, des calendriers et revues, des photos… tout ce qui a trait à la vie familiale et locale. À cette passion pour la collection, Gérard ajoute la recherche et la conservation systématique d’outils préhistoriques ainsi que celles de cartes postales anciennes. Son épouse Jacqueline raconte : « Gérard ne jetait aucun papier, aucun courrier, tout devenant souvenir précieux ! Une incroyable accumulation de souvenirs qui nous laisse empreints d’émotions et nous donne des scrupules à l’idée de devoir les jeter… Peut-on se défaire de ce à quoi il tenait tant ? »
Une passion qu’il sait faire partager notamment en organisant des expositions sur l’école, la préhistoire… présentant des cartes postales et photos, témoignages du passé.
Ses trouvailles préhistoriques constituaient une magnifique collection dont il fait don au musée national de Préhistoire des Eyzies. Un moment douloureux teinté d’amertume car il aurait souhaité les voir figurer en bonne place sur le site du moulin de la Rouzique auquel il était très attaché. Fils et petit-fils de papetier, c’est très naturellement qu’il s’investit dans l’association de sauvegarde des anciens moulins à papier (SAPPAC) dont il assura le développement artistique. Il n’hésite pas à venir de Toulouse pour suivre les réunions de travail et apporter son efficace contribution.
Le fruit de ses recherches archéologiques gallo-romaines émanant du site de « Vieille Toulouse » a été légué, selon ses vœux, au musée archéologique Saint-Raymond, à Toulouse.
Le dessin et l’écriture
« Gérard, c’était mon frère ! Lorsqu’on était petits, il venait nous montrer ses dessins, à la maison. Il était déjà très appliqué et figuratif. Il aimait écrire. Les premières années au collège nous étions séparés, alors il m’écrivait de longues lettres, toujours accompagnées de dessins. Il avait un don pour le dessin » poursuit Robert avec émotion.
Ces dons pour le dessin et l’écriture, on les retrouve conjugués dans deux ouvrages majeurs consacrés à son village natal de Couze et Saint Front : « Anciennes papeteries et papetiers de Couze » et « Chronique en images du passé d’un village » édités par l’association des Collectionneurs Bergeracois. Des publications aux illustrations inédites, en noir et blanc ou en couleur, issues de ses recherches et collections. Un voyage dans le temps, magnifique hommage aux anciens Couzots, à leurs activités et lieux de vie.
Enseignant oui, mais « artiste avant tout »
D’une nature rêveuse, sentimentale et hypersensible, les Beaux-Arts de Bordeaux puis le professeur Corlin à Paris lui ouvrent naturellement les portes de son univers artistique. Par l’observation des chefs-d’œuvre au Louvre, il s’initie à la culture classique avec laquelle il se sent en pleine harmonie et qui probablement l’influence dans sa pratique.
L’enseignement est pour lui source d’enrichissement. Pour ses élèves il déploie ardeur et énergie, fait partager sa passion, valorise leurs productions lors d’expositions rituelles où qualité rime avec diversité. Une démarche contribuant à l’épanouissement de sa propre créativité.
Très sollicité au sein de son établissement scolaire ainsi que par le monde associatif, il répond toujours généreusement et laisse alors s’exprimer son talent… Les Collectionneurs Bergeracois et bon nombre d’associations gardent traces de ses innombrables créations artistiques.
Son univers ? Incontestablement le dessin ; précis, rigoureux, effectué avec minutie, laissant entrevoir son penchant pour la calligraphie. Gérard a indéniablement une « patte » ! Le trait, d’allure classique, est expert et assuré. Il sait tout représenter avec simplicité et évidence. Peu importe l’outil et le support, le choix du matériau (encre, crayon, noir et blanc ou couleur). La maîtrise technique alliée à l’exigence de l’expression figurative nous offrent des œuvres inédites.
Ici, sur les logos, affichettes, programmes, banderoles, ou là, sur des écussons, timbres, invitations, couvertures de livres et toutes sortes de créations…
Son regard sur l’Art
Qui, mieux que Jacqueline, peut décrire la conception de l’Art de son compagnon de vie ? « Ce que Gérard aimait avant tout dans une œuvre d’Art, c’est la maîtrise technique, la virtuosité du trait et la sincérité. La composition, l’harmonie, ce qui provoque une adhésion émotive quasi unanime et universelle. La sincérité comme règle d’or, sinon c’est du chiqué, selon sa formule ! La consécration médiatique ne l’impressionnait pas et son enthousiasme allait là où la beauté lui semblait évidente. Peu lui importaient les sirènes de la renommée. Des artistes locaux, modestes, l’ont souvent plus séduit et ému que d’autres, consacrés. Il aimait flâner dans les grands musées et les petites galeries à la recherche de rencontres authentiques avec les œuvres. L’Art des impressionnistes à traduire la réalité le fascinait. Il admirait la qualité du dessin délirant de Dali, les prouesses architecturales de Gaudi, la maîtrise et la perspective dans les constructions d’Eischer mais aussi le dessin hyperréaliste de Norman Rockwell et de Hopper. »
Son sens de l’humour le conduit vers des univers plus modernes, tels ceux de Mëster, Mulatier, sans oublier la BD qui allie dessin et humour. BD qui, pour lui, constitue un immense réservoir de talents de dessinateurs et d’humoristes avec des auteurs qui l’enchantent tels Uderzo, Peyo et Enki Bilal.
Cette quête de beauté fait son bonheur. Gérard l’exerce dans la nature à travers les fossiles, coquillages, roches, concrétions et autres racines et branches collectées lors de balades… mais également dans la musique. Robert, l’ami de toujours se souvient : « Il jouait du violon. C’est son instituteur, M. Fromentière qui l’avait initié. Je jouais du piano chez Lili Vitrac et lui, du violon. L’apprentissage de la musique se faisait alors à l’école et nous poursuivions au sein de l’harmonie Couzotte. Tous les soirs d’été nous allions écouter le poste chez notre voisin, Alphonse Pralong ».
Le violon, il le pratique encore, adulte, « pour son plaisir » et savoure la musique classique lors de concerts.
L’humour
« Gérard était un blagueur intarissable, un boute-en-train ! » confie Robert, entre sourire et émotion. Jacqueline confirme : « il était naturellement aimable, plein d’humour. Il plaisantait sans cesse, jouant avec les mots, créant des situations cocasses, racontant des histoires drôles. C’était sa façon de créer des atmosphères amicales, détendues et joyeuses, mais aussi de détourner son esprit des soucis et d’une sorte de pessimisme latent. Gérard savait créer autour de lui un monde où l’on ne s’ennuyait pas ».
Et nous qui le pensions pourtant si sévère derrière sa barbe !
Le talent et la générosité
Difficile de saisir Gérard Martial dans un récit biographique qui reste bien restrictif face à la diversité de ses valeurs tant humaine et intellectuelle qu’artistique. Tour à tour collectionneur, professeur de dessin, écrivain, il a imprimé sa marque par le dessin et l’écriture, avec une extrême sensibilité liée à son amour de la vie.
Autant que ses mains, son cœur a su parler : à sa famille, à ses amis, à ses élèves, y compris à son village ! En célébrant sa terre natale, il a inscrit Couze et Saint Front dans la postérité.
Aimer, partager, vouloir et savoir donner… Transmettre pour ne pas oublier…
Françoise Cheyrou