René Grossoleil, un grand serviteur des vins de Bergerac

In Memoriam

Le 15 octobre 2014, en l’église Notre-Dame de Bergerac, une nombreuse assemblée disait adieu à René Grossoleil, grand serviteur du vignoble et figure incontournable de la vie bergeracoise. Il quittait ce monde au terme d’une existence exemplaire, toute entière consacrée au service du bon, du beau, et du bien. Trois aspirations dévolues aux passions ont guidé la vie de cet esthète et l’ont animée : dans sa carrière d’enseignant, dans ses multiples responsa­bilités au service des vins de Bergerac, et au sein des sociétés culturelles qu’il avait choisies de servir, brillamment et avec succès.
René Grossoleil, Grand Maitre du Consulat de la Vinée de Bergerac

René Grossoleil, Grand Maitre du Consulat de la Vinée de Bergerac

Dans ses entreprises, René Grossoleil s’engageait et se dévouait sans compter. Rien ne paraissait jamais plus satisfaisant à cet homme infatigable que de contribuer à la renommée de Bergerac et de son terroir. En juin dernier, à 94 ans, une de ses grandes joies avait été de présenter à la télévision, dans l’émission de Stéphane Bern Le Monument préféré des Français, le château de Monbazillac dont, en qualité de président de la Cave, il avait fait un étendard du vignoble, mesurant dès son achat l’incomparable prestige qu’il confèrerait un jour à la Coopérative et à l’appellation.

René Grossoleil est né le 24 juin 1920 à Rouffignac de Sigoulès, dans une famille de viticulteurs. Enseignant, il prend très tôt des responsabilités dans l’association Art et Culture qui, au lendemain de la guerre, connaît une remarquable expansion et s’impose, en raison de la qualité de ses diverses disciplines, comme la principale source d’évènements culturels du département.

Chargé de l’animation du cinéma d’Art et d’Essai, il participe aussi à l’organisation de grandes expositions qui permettent aux amateurs de peinture et de tapisserie d’admirer les œuvres d’artistes fameux tels que Jean Lurçat, Picart Le Doux, Grommaire ou Fernand Léger.

L’arrivée de la télévision ayant bouleversé les habitudes, Art et Culture opte pour l’organisation de concerts de haut niveau. René Grossoleil accompagne sa présidente, Nadalette Dozido, sur le chemin d’un changement lui faisant rencontrer les grands interprètes d’une musique dont il est devenu un remarquable connaisseur.

Retraçant l’investissement de René Grossoleil au service de la filière viticole durant un demi-siècle, André Barriat, président du CIVRB, devait au cours d’un vibrant éloge funèbre, rappeler combien il avait, par son action, contribué au rayonnement du vignoble.

Membre du Conseil d’administration de la Cave coopérative de Monbazillac dès 1943, président en 1975, il le restera pendant 18 ans. À l’origine des premiers Groupements Fonciers Agricoles créés pour sauvegarder le patrimoine viticole, il a aussi exercé des responsabilités en qualité de vice-président de la Fédération des Caves Coopératives d’Aquitaine et des sociétés UNIDOR et PRODUCTA.

« La reine mère a accepté volontiers un petit verre de liquoreux, un Monbazillac 1975. Pour ne pas faillir dans son jugement, elle n’en a pas refusé un second… ». Photo archives Cave de Monbazillac.

Administrateur de la Maison de la Vigne et du Vin de France, il assure la présidence du CIVRB de 1980 à 1988, engageant dès son arrivée un directeur pour en conduire les actions. Cette innovation inaugure une période d’efficacité avec, en 1981, les premiers accords inter­professionnels et avenants de campagne, et des actions fortes à l’export. Après la première édition de la London Wine Fair et de Vinexpo, paraît en 1982 La Lettre du CIVRB. En 1983 est inaugurée la Table de Cyrano. Ajoutons la création de l’UIDVRB, ancêtre de la FVB, puis le premier Mondial de Bruxelles, en 1984, alors que l’hiver suivant apparaît dans le métro parisien « La Dame au Chapeau », célèbre campagne d’affichage avec pour slogan « Bergerac, le Vin à la mode ».

Dès 1980, René Grossoleil succède à André Delpérier en qualité de Grand Maitre du Consulat de la Vinée de Bergerac. Rien ne lui tient plus à cœur désormais que de faire du Consulat l’ambassadeur exceptionnel des vins de Bergerac. Un rôle à sa mesure, en accord avec son sens du panache et son goût de l’éclat.

Grâce à lui, le Consulat, héritier des traditions de l’ancien Consulat de Bergerac – remontant à 1254 – va être placé au cœur de la communication des vins de Bergerac. En trente ans, quelques 2 000 personnes sont intronisées dont le professeur Christian Cabrol, l’ambassadeur Guy Georgy ou Eve Ruggieri. René Grossoleil entraîne aussi le Consulat dans de multiples ambassades extérieures remarquables, comme Les Vendanges de Montmartre.

Administrateur de la Confédération Internationale des Confréries bachiques, il se flattait, à juste titre, d’avoir organisé à Bergerac deux brillants congrès internationaux, en 1986 puis en 2006.

Membre de la société des Amis de la Poésie, cet ami des belles lettres, dont les réceptions en qualité de Grand Maître de la Vinée donnent lieu au Caveau à d’éloquents discours, n’est jamais plus heureux que lors des Journées de Poésie de Bergerac, qui lui permettent d’introniser une élite de poètes et d’auteurs connus de l’ensemble de la francophonie.

Ses poèmes, dont il travaille avec soin la facture classique, lui valent de nombreux prix dans les concours organisés en diverses villes de France. Sous le titre « L’Amour de la poésie, entretien et poèmes » il a publié, avec une préface de Marcel Jullian et une illustration de Gaby Grossoleil, une somme de ses écrits.

En 2007, les Amis de la Poésie décernent à René Grossoleil, également membre de la société des Poètes Français et sociétaire de l’Académie de la Poésie Française, leur prix de la Toison d’Or, en reconnaissance de tous les services rendus à leur association. De cette distinction, cet homme, que l’on ne sollicitait jamais en vain, était aussi fier que de la médaille de la Ville de Bergerac reçue en août 2006, ou de ses insignes d’officier dans l’ordre des Palmes académiques, ou encore de chevalier dans l’ordre du Mérite agricole.

En le perdant, le Bergeracois voit partir l’une de ses belles figures, un fervent serviteur qui aurait pu dire avec Robert Sabatier : « Le monde et moi ne formons qu’un seul livre ; pour bien l’écrire, il faut vivre pour lui ».

Annie Delpérier
Présidente de l’Académie des Lettres et des Arts du Périgord

Cet article a été publié dans le numéro 5 du magazine « Secrets de Pays ».

Vous pouvez vous le procurer en consultant la boutique du site…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *