La Salamandre tachetée en Périgord

La Salamandre tachetée, Salamandra salamandra terrestris (Linnaeus 1758), est assez commune en France, particulièrement en Dordogne. La ville de Sarlat en a d’ailleurs fait son emblème. Comme tous les amphibiens, la Salamandre tachetée aime l’humidité. Vous la rencontrerez donc dans les bois de feuillus ou forêts mixtes, près de points d’eau. Soumise à un stress important, elle peut décharger son poison toxique, une neurotoxine, jusqu’à un mètre de distance. C’est en partie de là que vient sa réputation d’animal démoniaque, pourvu de capacités surnaturelles. Par exemple, on a longtemps cru qu’elle était engendrée par le feu ou capable d’y survivre. Au-delà de ces croyances populaires auxquelles plus personne ne croit, elle a encore de quoi nous surprendre, comme cette capacité à régénérer certaines parties de son corps ayant subi une amputation, ou bien encore la faculté, pour une femelle, de garder en elle la semence du mâle durant plusieurs années !
La Salamandre tachetée (Salamandra salamandra) est une espèce d’urodèles de la famille des Salamandridae. En français, elle est également nommée Salamandre terrestre, Salamandre commune ou Salamandre de feu. Deux sous-espèces sont présentes en France :
  1. La Salamandre tachetée à bandes (Salamandra salamandra terrestris) porte deux lignes longitudinales jaunes discontinues sur le dos. Elle mesure au total une vingtaine de centimètres, son corps est trapu et sa peau luisante semble huileuse. Sur son dos, les taches jaunes sont organisées en deux bandes parallèles plus ou moins discontinues. Elle est présente dans toute la France.
  2. La Salamandre tachetée de la sous-espèce méridionale (Salamandra salamandra salamandra) dont les taches sont irrégulières et n’ont jamais l’apparence de lignes. Elle est présente dans toute la France, toute la Belgique et toute la Suisse.
  3. La Salamandre tachetée fastueuse(Salamandra salamandra sous-espèce fastuosa), présente en France dans les Pyrénées centrales, le Béarn et le Pays basque. Elle est un peu plus petite et élancée que la Salamandra salamandra terrestris. Les taches jaunes forment deux bandes dorsales continues avec une bande supplémentaire discontinue sur chaque flanc.
  4. La salamandre noire (Salamandra atra) qui se distingue des autres salamandres puisqu’elle peut se passer de la présence de cours d’eau (bien qu’une certaine humidité soit indispensable à sa survie). Espèce est endémique de l’arc alpin, elle n’est présente en France qu’en haute Savoie, près de la frontière suisse. Elle mesure de 12 à 14 centimètres.
  5. La Salamandre de Corse (Salamandra corsica), une espèce endémique de Corse, abondante au centre de l’île et dans la Réserve naturelle de Scandola.
En Périgord, c’est la Salamandre tachetée à bandes, Salamandra salamandra terrestris (Linnaeus 1758), que l’on peut observer. Elle est aisément reconnaissable grâce à ses deux lignes longitudinales jaunes discontinues parcourant son dos. La variabilité de ces motifs, permet d’identifier les individus séparément. Outre ses tâches d’un jaune vif caractéristiques (parfois, de couleur orangée), la Salamandre commune possède un corps massif, d’aspect un peu boudiné, légèrement verruqueux. Sa peau noire est luisante, d’aspect huileux, comme si elle était enduite de laque. Sous l’influence d’une sécheresse et de la chaleur, les couleurs du corps se ternissent, et la peau apparaît fragile et plissée. Sa queue est arrondie, plutôt mince et allongée, alors que les tritons possèdent une queue aplatie. À l’arrière de la tête, on note deux glandes parotoïdes, très proéminentes. Avec ses 20 cm de long (quelques-uns dépassent 30 cm) et son poids d’environ 50 grammes, la Salamandre tachetée est le plus grand représentant des urodèles. Les femelles deviennent, en moyenne, plus grandes que les mâles et avec un poids souvent supérieur à 50 grammes. Toutefois, en dehors de la période d’accouplement, les partenaires sexuels sont difficilement différentiables. Durant l’été cependant le cloaque gonfle et présente une fente longitudinale bien visible chez le mâle. Chez la femelle, la région du cloaque reste plate même durant la période de reproduction. Les Salamandres disposent d’un organe olfactif à côté du nez, l’organe voméro-nasal. Il s’agit d’une longue bosse à terminaison aveugle située sur la face externe des conduits nasaux, dont l’épithélium contient des cellules olfactives reliées aux nerfs olfactifs du nez. Cet organe est probablement impliqué dans la recherche d’un partenaire sexuel et l’aide également à s’orienter sur le terrain. En captivité, la Salamandre tachetée peut atteindre un âge avancé. On rapporte le cas d’une Salamandre maintenue pendant 50 ans, de 1863 à 1913, dans un terrarium du Musée Alexander Koenig de l’institut de recherche zoologique de Bonn. En milieu naturel, une espérance de vie supérieure à 30 ans a été scientifiquement attestée, mais, généralement, elle ne vit pas plus de 20 ans.

Habitat de la Salamandre tachetée

La Salamandre tachetée affectionne les bois de feuillus ou forêts mixtes présentant une certaine humidité au sol. Les boisements purs de conifères sont en général évités, bien que soient parfois tolérées les forêts de sapins avec une couche herbacée et muscinale bien développée. La Salamandre pratique l’art du camouflage ; la rencontrer est une expérience peu banale. Pour avoir le plus de chances de l’observer, il faut soit flâner au clair de lune sous une nuit douce, humide et sans vent, soit attendre une pluie d’orage estivale. Le soleil étant son ennemi, vous la trouverez dans les zones ombragées et humides. Elle est principalement active la nuit et se réfugie souvent la journée dans des cavités, des grottes, sous une souche ou un tronc d’arbre pourri, sous des pierres plates, entre les racines des arbres, ou dans le système lacunaire du sol, par exemple dans les galeries de petits mammifères… Exceptionnellement, elle peut se montrer en journée, lorsque le temps est humide et tiède, ou après qu’elle ait été dérangée. Les conditions optimales pour observer les Salamandres sont une température approximative de +10°C, accompagnée d’une humidité atmosphérique de 75 à 90 %, sans vent. Lorsque vous l’aurez repéré, vous constaterez qu’elle se déplace lentement, à la recherche de petits invertébrés, tels que des cloportes, des petits coléoptères, des limaces et vers de terre. Elle retournera ensuite sous une souche, une pierre, un tronc d’arbre pourri ou toute autre cavité dans le sol lui permettant de fuir son ennemi juré, le soleil. La Salamandre tachetée ne s’éloigne guère de son site de reproduction qui peut être un fossé, une mare et des petits habitats artificiels comme les lavoirs, les fontaines ou les bassins. Même si elle est capable de résister à un gel léger sur de courtes périodes, avec des températures de l’ordre de -5°C, elle hiberne généralement lors des gelées, entre la fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre. L’hibernation a lieu essentiellement sous terre, dans des endroits comme des galeries souterraines de micro-mammifères, des anciens tunnels miniers, ou même dans des caves, des puits, des soupiraux, des bouches d’égout… Dans des grottes alimentées par l’eau d’une source par exemple, la Salamandre – qui ne sait pas nager – doit s’adapter aux changements de niveau d’eau, en particulier après de fortes pluies ou des chutes de neige. Les Salamandres tachetées montrent une étonnante fidélité à leur habitat, et reviennent régulièrement sur les mêmes lieux d’hibernation, année après année. Parfois, la Salamandre tachetée se montre en hiver, si les températures sont clémentes, lorsque la température dépasse 2°C et que l’humidité est suffisante. D’autres facteurs, comme l’allongement de la durée du jour, l’humidité et les mouvements atmosphériques, jouent également un rôle dans la reprise de l’activité.

Mœurs de la Salamandre tachetée

Alimentation

Les Salamandres adultes se nourrissent dans une large mesure d’organismes invertébrés peuplant la litière forestière comme des cloportes, de petits coléoptères tendres ainsi que de petits spécimens de limaces (Arion sylvaticus, A. subfuscus, A. rufus). Les vers de terre (Lumbricidae) sont également des proies très appréciées, ainsi que les araignées et les insectes qui sont fréquemment approchés « à la manière du caméléon » et ensuite, selon leur taille, attrapés soit avec la langue soit par un saut suivi d’un coup de mâchoire. (3) Les Salamandres tachetées dévorent généralement tout ce qui n’est pas trop gros par rapport à leur propre taille, et consomment parfois d’autres amphibiens comme des tritons ou de petites grenouilles. Les petites dents dans les mâchoires ainsi que le palais servent à maintenir la proie pour l’avaler. De vifs mouvements d’oscillation du corps soutiennent le processus en particulier lors de la capture de proies trop grandes. La langue ne joue pas un très grand rôle lors de l’alimentation, du fait qu’elle reste fortement attachée à la partie inférieure de la bouche. La bouche, la langue et la gorge sont munies de papilles gustatives. (3) La Salamandre emploie différentes méthodes de chasse selon la situation. S’il y a suffisamment de lumière, la chasse est basée essentiellement sur le mouvement de la proie, et la Salamandre ignorera les proies immobiles. En revanche, lors d’une chasse nocturne, c’est l’olfaction qui est principalement utilisée ; dans cette situation, la Salamandre attaquera sa proie même si elle ne bouge pas, du moment qu’elle est capable de détecter son odeur. (3) L’alimentation de la larve de Salamandre se compose des divers petits organismes présents dans les eaux : larves d’éphémères et de plécoptères, gamarres, aselles d’eau et vers aquatiques. Comme pour les adultes, tout ce qui a une taille inférieure est capturé. Les larves de Salamandres se développant dans des grottes ou cavernes s’adaptent à la nourriture qui leur est disponible. Lorsque la quantité de nourriture est faible et que la densité de larves est élevée, on peut observer des périodes de cannibalisme. Le cannibalisme peut également intervenir lorsqu’il y a de trop grandes différences entre les classes d’âge des larves dans un même point d’eau. (3)

Mue

Les Salamandres tachetées, subissent des mues successives à intervalles réguliers, notamment au cours de leur croissance. La sécrétion de toxines cutanées étant fortement réduite en période de mue, la Salamandre doit alors se cacher. Elle aide au processus de mue en frottant sa tête ou sa bouche contre du bois, des pierres ou un autre support. Grâce à des mouvements saccadés, l’amphibien fait passer la vieille peau sous sa poitrine afin de libérer ses pattes avant, puis arrière, pour finalement s’en débarrasser. L’ancienne peau est souvent mangée. (4)

Émissions sonores

Les Salamandres tachetées, comme les autres membres de la famille des Salamandridae, ne possèdent pas de sacs vocaux comme les grenouilles, crapauds ou rainettes. Elles émettent néanmoins ces sons, ressemblant tour à tour à de légers grognements légers et à des piaulements. Certains spécialistes pensent que ces phénomènes bioacoustiques résultent de mécanismes de pression mécanique de l’air que le batracien émet lorsqu’il est effrayé. Cette hypothèse est étayée par le fait que ces urodèles ne possèdent pas d’oreille moyenne ni de tympan. (4)

Reproduction de la Salamandre tachetée

Alors que la plupart des amphibiens se rendent dans des étangs et des mares au printemps, afin de s’accoupler et d’y déposer leurs œufs, les Salamandres tachetées s’accouplent exclusivement sur la terre ferme. Elle est donc ovovivipare (ou larvipare). La période d’accouplement dure d’avril à septembre avec un pic d’activité en juillet. Au printemps, à partir de mi-février, à la fin de la période embryonnaire, la femelle se rend jusqu’à une zone d’eau afin de mettre bas. Cela se passe essentiellement la nuit. Selon l’âge, la taille corporelle et les conditions d’alimentation de la femelle, les portées varient de 10 à 70 individus, avec une moyenne de 30 larves. Ce nombre est très faible en comparaison de certains amphibiens (les grenouilles en pondent des milliers) mais comme les embryons se développent dans le corps de leur mère, les larves résultantes sont mieux formées et ont un meilleur taux de survie). Les membranes éclatent au moment du dépôt des larves dans l’eau. Discrètement colorées, elles mesurent de 25 à 35 millimètres. Les partenaires sexuels se rencontrent probablement grâce aux phéromones sécrétées. Pour l’accouplement, le mâle se glisse sous la femelle et l’entoure avec ses pattes avant. La femelle absorbe avec son cloaque un petit emballage de sperme, dénommé spermatophore, déposé sur le sol par le cloaque du mâle. Après l’accouplement, la femelle porte les embryons pendant environ huit à neuf mois (on parle de développement intra-utérin). Durant cette phase de développement, les larves sont entourées par des membranes contenant un liquide très fortement concentré en urée. On suppose que cette très forte concentration d’urée contribue à augmenter la vitesse de développement des larves dans la femelle. Les larves de Salamandres tachetées sont mises au monde généralement dans des flaques, des mares ou de petits cours d’eau forestiers à courant faible et riches en abris. Les Salamandres tachetées apprécient aussi les fontaines peu profondes des sources calmes. Des eaux fraîches, pauvres en nutriments (oligotrophes), riches en oxygène sont communément utilisées comme lieux de reproduction.
Après un accouplement réussi, la femelle garde en elle la semence du mâle durant plusieurs années. Elle peut ainsi se reproduire sur de longues périodes sans forcément avoir de partenaire sexuel.
La métamorphose – qui donne finalement l’individu terrestre – dure généralement de trois à six mois après la ponte. Plus il fait chaud, plus la métamorphose est rapide. Dans les eaux souterraines, elle peut s’étendre sur une année. Lorsqu’il quitte l’eau, le juvénile mesure entre 5 et 7 cm. Ses organes internes se sont adaptés à la vie terrestre, et les branchies externes ont disparu. Ces individus atteindront la maturité sexuelle au bout de 2 à 4 ans.

Un comportement défensif face aux prédateurs

Ne craignant pas les prédateurs, les Salamandres se déplacent lentement, et n’hésitent pas à traverser des espaces à découvert, souvent au péril de leur vie quand il s’agit de routes fréquentées. La meilleure protection de la Salamandre tachetée contre ses prédateurs potentiels est sa remarquable coloration cutanée (parure d’alerte), ainsi que les sécrétions de toxiques alcaloïdes produites par les glandes parotoïdes (ou parotides), situées juste derrière ses yeux. Si l’agresseur montre une attitude résolument hostile, la Salamandre libère une sécrétion mousseuse blanchâtre grâce à ses glandes parotoïdes et dorsales. La forme de réaction de défense la plus violente s’exprime par un jet de cette sécrétion cutanée, une neurotoxine, la samandarin. Certains disent avoir observé des Salamandre adultes envoyer leur jet de toxines jusqu’à un mètre de distance, ce qui reste à confirmer. En cas de contact avec les secrétions, les personnes sensibles aux toxines peuvent générer des nausées, des vomissements et des troubles respiratoires. Les chiens, surtout les jeunes chiots inexpérimentés qui avalent parfois des Salamandres, peuvent également être affectés par des contractions involontaires de la mâchoire, une salivation excessive et/ou une rigidité du cou. Dans certains cas isolés, il meurt.
« Le samandarin est une toxine stéroïde alcaloïde (neurotoxine), produite par des glandes spécialisées situées dans la peau des Salamandres. Il y a au moins deux autres molécules toxiques (Samandaridin (C21H31NO) et Samanderon (C22H31N02)) identifiés dans le mucus de Salamandres. Le samandarin ne passe a priori pas à travers la peau saine d’un adulte, mais peut affecter l’organisme via les muqueuses ou les yeux ou en pénétrant par des blessures. Les personnes sensibles éprouvent une légère brûlure (sur la peau), avec parfois des nausées, des troubles respiratoires et des vomissements, ainsi que des larmoiements. Il s’agit souvent d’enfants qui ont porté leurs doigts à la bouche ou se sont frotté les yeux après avoir touché une Salamandre. » (3)
Grâce à cette stratégie de défense efficace, la Salamandre n’a pas d’ennemis, hormis l’homme, contrairement aux larves et aux juvéniles sans défense qui sont attaqués par certaines espèces de carabes forestiers comme Carabus problematicus et Carabus violaceus. Les carabes dévorent fréquemment la partie ventrale des larves, généralement la partie dorsale, laissant ainsi la tête et de la queue. Les poissons, comme la truite fario, le saumon de fontaine et le chabot commun, sont également prédateurs sérieux. Signalons également la musaraigne aquatique (Neomys fodiens) qui apprécie les larves de Salamandre. Hormis leur rôle défensif, et grâce à leurs propriétés bactéricides et antifongiques, les sécrétions cutanées servent principalement à inhiber la croissance de bactéries et de champignons à la surface de la peau humide de l’animal.
Les glandes parotoïdes de la salamandre tachetée peuvent libérer des sécrétions toxiques

Les glandes parotoïdes de la salamandre tachetée peuvent libérer des sécrétions toxiques

La Salamandre tachetée, une espèce protégée

Bien que protégée dans nombre de pays européens, la Salamandre est en régression constante depuis au moins un siècle. En France, elle est inscrite à la Liste Rouge des espèces menacées de l’UICN et dans la Liste Rouge Régionale, considérée comme « préoccupation mineure ». Plusieurs causes sont évoquées pour expliquer cette régression, parmi lesquelles : le recul des zones humides par comblement ou drainage, la contamination de son environnement par les pesticides (elle est sensible aux insecticides qui peuvent tuer l’adulte, ou les larves, à faible dose), et la fragmentation des habitats naturels en général et la fragmentation des forêts par les routes en particulier. En effet, la Salamandre semble attirée par le macadam chaud et humide après les pluies d’été. De nombreux cadavres de Salamandres sont trouvés sur les routes les plus fréquentées (phénomène de roadkill). Dans le sud-ouest de la France, on observe parfois – phénomène rare – le rassemblements de centaines ou de milliers de Salamandres dont plus de la moitié meurent écrasés sous les pneus des voitures. Pour contrer ce problèmes, des corridors biologiques, avec le cas échéant des écoducs (permettant de passer sous une route), sont aménagés. Il y a un siècle, en Europe centrale, ces rassemblements de Salamandres étaient plus fréquents. Mais, à cette époque, les routes goudronnées n’existaient pas. La Salamandre est une piètre nageuse. Une fois adulte, du fait de sa morphologie, elle ne sait pas nager et peut se noyer dès qu’elle n’a pas plus pied. C’est ainsi que de nombreuses Salamandres meurent, piégées, dans des citernes, des égouts, ou des fosses septiques. À la différence des tritons, les Salamandres adultes ne peuvent escalader une paroi lisse ou verticale.

La Salamandre tachetée, un animal diabolisé

La Salamandre a longtemps été considérée comme un animal diabolique, doté de pouvoirs surnaturels. Parce que son corps s’auto-génère, elle est un symbole d’immortalité. Elle viendrait des flammes de l’enfer : engendrée par le feu, on la disait faite pour vivre dans celui-ci et s’y baigner, et ne mourir que lorsqu’il s’éteignait. Elle devint un symbole alchimique et héraldique auquel une profonde symbolique est rattachée : c’est un esprit élémentaire du Feu, comme l’Ondine est un esprit élémentaire de l’Eau, le Gnome un esprit élémentaire de la Terre, et le Sylphe un esprit élémentaire de l’Air. Aristote (384-322 avant notre ère) déclare, à propos de la salamandre, que « cet animal, à ce que l’on prétend, éteint le feu lorsqu’il y entre. ». Dans son Histoire naturelle, Pline l’Ancien (23-79 de notre ère) la décrit comme « un animal si froid que rien qu’à toucher le feu il l’éteint comme le ferait de la glace. ». Sans la nommer, le philosophe et théologien Augustin d’Hippone [Saint Augustin (354-430 de notre ère)], fait allusion à la salamandre dans La cité de Dieu, dans son chapitre intitulé Si les corps peuvent être éternels dans le feu :
« Pourquoi devrais-je démontrer sinon pour convaincre les incrédules qu’il est non seulement possible que les corps humains, animés et vivants ne se défassent jamais et ne se dissolvent pas avec la mort, mais encore durent dans les tourments du feu éternel ? Car il ne leur plaît pas que nous attribuions ce prodige à l’omnipotence du Tout-Puissant, il prient que nous le démontrions au moyen de quelque exemple. Nous répondons à ceux-là qu’effectivement, certains animaux, corruptibles parce que mortels, vivent, pourtant, au milieu du feu »
Enfin, d’après l’Histoire naturelle des serpents de Lacepède« (1788), des charlatans vendaient ce petit animal qui était censé arrêter les progrès du feu… une fois jeté dedans. Le nom commun de Salamandre de feu dérive de ces croyances. D’autres légendes plus tardives en font un animal extrêmement venimeux, capable d’empoisonner l’eau des puits et les fruits des arbres dans lesquels elle aurait grimpé. Elle serait également capable de tuer, d’un seul regard. Pour la neutraliser, ils fallait se munir d’un miroir et concentrer les rayons du soleil en un faisceau lumineux que l’on devait diriger vers l’animal. Le soleil est effectivement l’ennemi juré des Salamandres…

La Salamandre, emblème de François Ier et de Sarlat

La salamandre, emblème de François Ier, est représenté de profil sous la forme d’un lézard ayant quatre pattes assez semblables à celles du griffon, environné de flammes de tous côtés (rappelons toutefois que, du point de vue de la zoologie, la salamandre n’est pas un lézard comme on le croyait jadis, mais bien un amphibien). Sa tête est contournée, sa queue est relevée sur un dos arrondi, col long et langue terminée en pointe de dard. La salamandre symbolise le pouvoir sur le feu, donc sur les hommes et sur le monde. D’après la devise Nutrisco & extinguo (« Je m’en nourris et je l’éteins »), qui accompagne parfois cet emblème, l’animal est censé éteindre les mauvais feux et attiser les bons : « je nourris le bon feu et j’éteins le mauvais » ou « je me nourris du bon feu et j’éteins le mauvais ». Cet emblème est omniprésent dans le décor des palais de François Ier. C’est particulièrement le cas à Chambord où la salamandre est le plus représenté de tous les éléments du répertoire monarchique, devant les lys et les couronnes : elle figure sur la moitié des caissons du plafond des quatre salles en croix du second étage, soit 200 caissons sur 400. (5)

L’ancien écusson de la ville de Sarlat portait un S majuscule, surmonté de trois fleurs de lys. Ces armes avaient été sculptées au XIVe siècle sur les bornes féodales qui délimitaient le territoire de la juridiction de Sarlat. La transformation du S en salamandre pourrait être due à la faveur qu’eut la devise de François Ier en matière d’héraldique. Et sans doute à la facilité matérielle qu’il y avait à faire du S une salamandre, sans trop de modifications. On ne connaît pas la date exacte de l’adoption de cet emblème. Toutefois, le 9 avril 1564, les divers ordres de la ville de Sarlat se réunirent et firent une soumission solennelle au roi Henri IV, qui, un an auparavant, avait abjuré le protestantisme. Pour l’occasion, une fête populaire avec processions, illuminations et feux de joie furent organisés. C’est peut-être à cette occasion que la cité adopta la salamandre comme emblème. (6) Jean-François Tronel
Notes :
  •  (1) Salamandre tachetée, Karch, Centre de Coordination pour la Protection des Amphibiens et Reptiles de Suisse.
  •  (2) Salamandre tachetée, Sepanso, France Nature Environnement.
  •  (3) Samandarin, Dictionnaire Sensagent.
  •  (4) Consultez la page consacrée à la Salamandre (Salamandra salamandra) sur le site Wikipedia.
  •  (5) L’Histoire de France, François Ier.
  •  (5) Sarlat, Collection Petite Histoire, Anne Bécheau, Geste Éditions, 2014.
Crédit Photos :
  • Salamandre tachetée, Glande parotoïde, By Didier Descouens (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Salamandre tachetée (Salamandra salamandra), by Bernard Dupont (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Salamandre tachetée (Salamandra salamandra), by Jean-Marc Pascolo (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Salamandre tachetée, Glande parotoïde, sécrétion neurotoxique, By Didier Descouens (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Accouchement salamandre, By Bastien Chadelle, via Wikimedia Commons. Cette salamandre à été trouvée à une vingtaine de mètre de la source située en contrebas du château de Commarque, au pied de la ligne de falaise conduisant à l’entrée du site. Elle se trouvait sur le dos, vivante et donnant naissance à de jeunes larves, qui, contrairement à certaines espèces vivipares, n’étaient pas en mesure de survivre hors d’un milieu aquatique. Quelques temps plus tard, j’ai retrouvé le cadavre de la salamandre dans la même position. J’en conclu donc que l’animal, pour une raison inconnue, a été contraint de donner naissance à ses petits de façon prématurée. La ligne de falaise étant longée par le chemin menant les touristes au château, il est possible qu’elle ait été heurtée par un marcheur, bien qu’aucun traumatisme n’ait été apparent
  • Eaux de source calmes : un habitat naturel pour les larves de salamandre, by Immanuel Giel (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Les forêts fraiches et humides de moyenne montagne, avec du bois mort au sol, constituent son habitat préféré, by Christian Fischer (Own work), via Wikimedia Commons.
  • La salamandre, emblème du roi François Ier, avec sa devise : « Nutrisco et extinguo » (« Je nourris et j’éteins ») – Château d’Azay-le-Rideau, Indre-et-Loire, France., By Myrabella (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Salamandre : gros plan d’un médaillon de la galerie François Ier, au château de Fontainebleau, By Alain Dutrevis (Own work), via Wikimedia Commons.

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