Jean du Barry, seigneur de La Renaudie, un conspirateur périgourdin

La « conjuration d’Amboise » de mars 1560, également appelée « tumulte d’Amboise », est la tentative d’enlèvement manquée, organisée par des gentilshommes hugenots pour s’emparer de la personne du roi François II, et ainsi le soustraire de la tutelle des Guise. Le chef du complot, Jean du Barry devenu La Renaudie, un petit noble périgourdin, réunit une troupe armée qui assiège Amboise où la cour est installée. Mais il y a des fuites, les Guise parviennent à capturer les conjurés et dès le 17 mars 1560, la répression commence. Il s’agit d’un événement qui marque le début des guerres de Religion qui ont ensanglanté la France de 1562 à 1598, près de quatre décennies de tragédies sanglantes, entrecoupées de trêves. Comme Calvin l’avait prédit, des gouttes de sang répandues à Amboise « les rivieres en decoull[oyent] par toute l’Europe ».

Lors du colloque international organisé à Rome, en octobre 1993, Elizabeth A. R. Brown soulève les questions suivantes concernant Jean du Barry, seigneur de La Renaudie : « C’est un homme, jusqu’alors à peine connu, qui devint en mars 1560 « le chef et l’auteur » de « la guerre ou entreprise Renaudique, que l’on nomma le tumulte d’Amboise. (…) Comment se fait-t-il qu’un petit seigneur du Périgord et de Bretagne, un certain temps assez riche, de lignage respectable sans être exceptionnellement distingué, ait pu réussir à atteindre une position si élevée ? Comment parvint-il à attirer à sa cause ces centaines de personnes – nobles, gentilshommes, gens de métier – qui se levèrent courageusement, mais en vain, contre ce qu’ils dénommaient l’entreprise, la conjuration du cardinal de Lorraine et de son frère le duc de Guise – ces Guise qui après l’avènement du jeune François II en 1559, essayèrent de dominer la France et de réprimer et détruire ceux de la nouvelle opinion, qu’on commençait à appeler Huguenots ? »

Le contexte qui conduisit à la conjuration d’Amboise

Les protestants français ont accueilli avec soulagement la mort tragique d’Henri II en 1559. Mais Catherine de Médicis devient régente pour son fils, le roi François II, qui monta sur le trône le 10 juillet 1559, à l’âge de 16 ans. C’est un garçon malingre qui a été marié quelques mois plus tôt à Marie Stuart, reine d’Écosse, également âgé de 16 ans. Avec le duc François de Guise et son frère le Cardinal de Lorraine, les oncles de Marie Stuart et farouches opposants au protestantisme, Catherine de Médicis conserve la suprématie politique, ce qui mécontente de nombreux Protestants. Les tensions entre Catholiques et Protestants sont alors très fortes, comme le prouve l’exécution du conseiller au parlement de Paris, Anne Du Bourg, en 1559. Or à partir de 1555, la noblesse avait commencé à adhérer massivement à la Réforme, rapidement rejoint par un nombre important de soldats. Une partie de la haute noblesse – qui entre de droit au conseil du roi – est également devenue protestante. C’est le cas d’Antoine de Bourbon et de sa femme Jeanne d’Albret, les parents du futur Henri IV, de Louis de Bourbon, prince de Condé, et du frère d’Antoine, de l’admiral Gaspard de Coligny. Au total, un tiers de la noblesse française adhère désormais à la Réforme.

Portrait au crayon du duc François de Guise

Fort de cette croissance, les Huguenots veulent sortir de la clandestinité. Ils aspirent à une reconnaissance légale et les nobles réformés de haut rang, proches de la cour du roi, envisagent même la conquête de l’État. Ils se politisent. Une sédition se met en place. Les protestants comptent sur les deux princes du sang, Antoine de Bourbon et son frère le prince de Condé pour se débarrasser des Guises. Ces deux princes de sang possèdent la légitimité pour gouverner la France, mais ils refusent de provoquer un conflit ouvert avec la cour où ils ont leurs intérêts. L’Amiral de Coligny est, quant à lui, très réticent, il a même manœuvré pour que la noblesse normande ne s’associe pas au complot. Calvin et la plupart des Églises réformées désavouent également cette entreprise. Devant tant d’indécision, plusieurs gentilshommes provinciaux décident dès lors de prendre les choses en main. Ils organisent un complot pour s’emparer du roi et de sa famille par la force.

Après un simulacre d’états généraux secrets réunis à Nantes, le complot aboutit à ce qu’il est convenu d’appeler la « conjuration d’Amboise ». L’exécution de la condamnation est confiée à un gentilhomme calviniste réfugié à Genève : Jean du Barry seigneur de La Renaudie, un gentilhomme du Périgord.

Qui était Jean du Barry, seigneur de La Renaudie ?

C’est en 1548 ou 1549, au décès de son grand-père, que Jean du Barry est devenu seigneur de La Renaudie, dans la paroisse de Saint-Front-la-Rivière, de Champagnac-de-Belair en Périgord, et de Bois-Ruffier en Bretagne. Lorsque la cure de Champniers est devenue vacante, vers 1542, il a demandé que ce bénéfice, d’un fort beau revenu, lui soit accordé ; mais il a trouvé un redoutable concurrent en la personne de Jean de Tillet, sieur de La Bussière, (150?-1570), greffier civil du Parlement de Paris, Protonotaire et secrétaire du roi sous Henri II, déjà célèbre pour ses travaux sur l’histoire de France (en effet, il fut l’un des premiers historiens à avoir traité l’histoire de France en se fondant sur des documents d’archives). Pour se procurer le plus d’atouts possibles, Jean du Barry n’hésite pas à produire quelques titres parfaitement faux ; c’est ainsi qu’il s’arroge le titre de « baron ». Mais il est condamné pour usage de faux par le Parlement de Dijon, ce qui le conduit en prison, où il passe de longs mois au secret le plus absolu. Il s’évade des prisons de Dijon en 1546, probablement sur l’intervention de François de Guise, avec qui il partage la foi catholique. Pour se faire oublier, il s’établit à Berne, en Suisse, où il devient bourgeois le 14 juillet 1553, après avoir apparemment convaincu les magistrats suisses de son innocence…

On retrouve également sa trace au siège de Metz, en 1552. C’est là, semble-t-il, qu’il se convertit à la foi réformée après s’être lié d’amitié avec un gentilhomme lorrain, Gaspard de Heu (vers 1517-1558). Celui-ci l’introduit dans sa famille et lui fait épouser, vers 1555-1556, sa belle-sœur, Marie-Guillemette de Louvain (les Louvain comptent parmi les premiers Huguenots de France). (2) Au début, Jean du Barry n’est qu’un protestant comme les autres, mais, lorsque François de Guise fait exécuter son beau-frère, Gaspard de Heu, il ne souhaite plus qu’une chose : se venger de son ancien protégé. Tout du moins, c’est là la version officielle, mais peut-être y aurait-il une autre explication aux rancunes personnelles de La Renaudie… Qu’est-ce qui a bien pu causer plus de torts à La Renaudie que la mort de son beau-frère ? Ce fut une cause spectaculaire, qui dura presque vingt ans. La Renaudie en sortit souillé d’infamie, appauvri, sans avenir, sans espoir. De quoi s’agissait-il ? Elizabeth A. R. Brown explique :

Suivant le protestant Pierre de La Place, le premier à la relater, juste après la faillite de la conspiration, Louis Régnier, seigneur de La Planche, déclara à Catherine de Médicis que La Renaudie voulut « exécuter une vengeance privée du tort qu’il prétendoit luy avoir esté faict par ceux de Guise en faisant mourir Gaspard de Hue sieur de Buy son beau-frère » ; par ce prétexte, il recruta « les huguenauds de religion », qui ne pouvaient « supporter plus la rigueur et cruauté exercée à l’encontre d’eux ». En effet, Gaspard de Heu, beau-frère de La Renaudie et intermédiaire entre Antoine de Bourbon, roi de Navarre, et les princes protestants d’Allemagne, fut emprisonné, torturé et exécuté pendant l’été de 1558. Cela aurait pu suffire à animer La Renaudie contre les Guise, et plusieurs historiens ont adopté cette explication de sa conduite. Cependant, à l’époque même l’hypothèse attribuée par La Place à Régnier de La Planche fut très vite rejetée – et cela, semble-t-il, par Régnier de La Planche lui-même, dans un passage de l’Histoire de testât de France sous François II, publiée en 1576. À propos de l’hypothèse que La Renaudie essayait de venger la mort de son beau-frère, l’auteur déclare « [C]’est chose certaine que si La Renaudie eust esté mené de quelque passion particulière, il avoit bien une autre occasion plus pregnante pour en estre esmeu, à sçavoir sa vieille querelle avec du Tillet qui tant luy avoit faict de maux, et dont il se pouvoit asseurer de se pouvoir venger, s’il fust venu à bout de son entreprise. Mais ceux qui l’ont familièrement cogneu en jugent autrement; encores qu’il se puisse faire qu’il ne fust du tout exempt de désir de vengeance et de se faire valloir ». Jacques-Auguste de Thou, qui connaissait bien le milieu et les archives du Parlement de Paris, était d’accord avec cette assertion. En discutant la genèse de la conjuration d’Amboise, il insiste sur l’importance du « procès long et fatigant » entre La Renaudie et Jean du Tillet, greffier civil du Parlement de Paris, et sur la punition que La Renaudie avait encourue à cause de lui ; il conclut que La Renaudie, voulant se venger, essaya « d’effacer l’infamie du jugement qu’il avait souffert par un acte notable et insigne ». (1)

Frustré par ses revers financiers et par sa disgrâce, La Renaudie se donne tout entier à la cause protestante. La conspiration d’Amboise lui offre la possibilité de regagner son honneur. En cas de réussite, il pourrait se venger des Guise et de leur « affectionné serviteur » Jean du Tillet, et peut-être même récupérer ses biens si ignominieusement perdus. On comprend bien son choix de la ville de Nantes comme siège de la grande assemblée du 1er février 1560, convoquée pour lancer le complot, car c’est dans cette région de Bretagne que lui et son collègue Charles Ferré, seigneur de La Garaye, avaient autrefois possédé des seigneuries – non loin de Saint-Brieuc, siège épiscopal de Jean du Tillet le jeune. (1)

La Renaudie est un chef de conspiration idéal : passionné, éloquent et charismatique, d’une intelligence et d’un courage hors du commun… et, surtout, prêt à laver son honneur par une action de grand éclat.

La préparation de la conjuration d’Amboise

Le véritable chef du complot est le prince de Condé, mais Jean du Barry, seigneur de La Renaudie est chargé de l’exécuter. Il entreprend de recruter des partisans d’abord à Lyon, puis en Périgord et en Bretagne. Il s’agit, leur dit-il, d’enlever les Guise, d’obtenir la liberté de religion protestante, mais on ne devait toucher ni au roi, ni à l’légitimité du Royaume. Ardoin de Porcelet, seigneur de Maillane, parcourt la Provence, le Languedoc. De Lyon, de Provence, du Poitou puis d’Anjou et de Bretagne commencent à converger discrètement vers Nantes. Paulon de Mauvans (il rêve de venger son frère tué à Draguignan par les Catholiques qui avaient promené son cœur à la pointe d’une pique avant de le jeter au chien) rallie les huguenots de Provence à Mérindol, le 12 février 1560, promet 2 000 hommes et en envoie 100 à Nantes où les conjurés doivent se réunir. Ils sont près de 500, venus de toutes les provinces. Un conseil de six membres est constitué autour de La Renaudie.

La réunion secrète de la Diète de Nantes est prévue pour le 1er février 1560. La ville de Nantes a été choisie parce qu’à la date prévue pour la conjuration, le Parlement de Bretagne doit se réunir et qu’un important procès doit y être jugé « de sorte qu’on ne prit garde au nombre de personnes entrant en la ville. ». Il s’agit d’un simulacre d’états généraux.

Jean Calvin et la plupart des pasteurs protestants refusent la voie de la violence et condamnent le projet des conjurés. De plus, il se méfie de La Renaudie qu’il n’hésite pas à qualifier de mauvais garnement, un homme de rien, un menteur, un homme frivole, qui le dégoûte. Toutefois, ce dernier a, semble-t-il gagné la confiance de Théodore de Bèze et des chefs protestants de Paris, Jean Macar et Antoine de la Roche-Chandieu, aussi bien que de François Hotman ; ces deux derniers joueront un rôle important en préparant la conjuration d’Amboise. L’amiral huguenot Gaspard de Coligny empêche la noblesse protestante de Normandie de s’associer au complot. Le prince de Condé lui-même refuse de participer à la conjuration bien qu’il attende à Orléans de recueillir les fruits du complot.

La date de la conjuration est fixée au 10 mars 1560 et les tâches sont réparties : Charles de Castelnau-Tursan doit s’assurer de la personne du roi, le capitaine Mazères est chargé d’éliminer les Guises. Tous doivent se diriger sur Blois, Tours et Orléans. La Renaudie est chargé de rendre compte du projet à Condé. Il se rend à Paris, loge chez l’avocat Avenelle au faubourg Saint-Germain et lui parle imprudemment du projet. Celui-ci, inquiet mais aussi intéressé, confie le secret à du Tillet, secrétaire des Guises, il en sera d’ailleurs largement récompensé. Fatale conséquence !

L’échec de la conjuration d’Amboise

Dès le 12 février 1560, les Guises sont au courant des préparatifs de la conjuration. François de Guise persuade le roi que les luthériens veulent le mettre à mort, et il décide de déplaçer la Cour de Blois à Amboise, le château d’Amboise se prêtant mieux à la défense. « La petitesse de la ville et la force du château lui paraissant plus commode pour la sûreté de la cour. » (Condé – Mémoires).

Ayant recruté quelque cinq cents gentilshommes, La Renaudie se propose de surprendre la Cour dans la ville ouverte de Blois, le 10 mars 1560. Finalement, l’opération est remise au 16 mars. Grâce à des complicités sur place, certains conjurés arrivés en avance, préparent l’arrivée du gros des troupes protestantes qui convergent de toute la France. Mais les Guises font fouiller les alentours d’Amboise, et les premiers conjurés sont arrêtés dès le 10 mars. Parmi eux, le baron Castelnau-Tursan qui s’est réfugié avec 1 500 hommes dans le château de Noizay. Il est piégé par le rusé duc de Nemours qui lui propose de rencontrer le roi. Il accepte et est aussitôt arrêté. Jusqu’au 16 mars, les bandes préparées par La Renaudie n’ont pas le temps de se concentrer et elles seront prises les unes après les autres, de manière pacifique le plus souvent. La Renaudie sera l’un des derniers à tomber dans la souricière. Le 17 mars, les rebelles lancent une attaque surprise, menée par Bertrand de Chandieu. Les capitaines Cocqueville et Deschamps, à la tête de deux cents soldats, attaquent également la porte des Bonshommes, sous la tour de Hurtault, du côté du pont sur l’Amasse, à Amboise, mais cette attaque désespérée résonne comme un ultime défi à l’autorité. Le 18 mars, dans la forêt de Château-Renault, La Renaudie se heurte à une troupe commandée par le baron de Pardaillan. Il tue ce dernier d’un coup d’estoc, mais succombe simultanément, frappé d’une arquebusade.

Une répression impitoyable

La révolte est rapidement matée et la répression est terrible : cinquante-sept des chefs de la conspiration, soit la plupart d’entre eux, sont exécutés par le bourreau, au pied du château d’Amboise, devant la Cour et les notables spécialement invités pour l’occasion (Catherine de Médicis et son fils, le roi François II, sont aussi présents), et que l’on a installés sur le bacon de la pièce principale du Conseil. Les corps de sept d’entre eux sont pendus aux créneaux et balustrades du château, car on n’a pas assez de potences. Les autres conjurés sont noyés dans la Loire ou massacrés par la foule. François de Guise dira : « J’en tuerai tant qu’il en restera ». Le corps, rigide et sanglant, de Jean du Barry est ramené à Amboise. D’abord attaché à une potence avec une pancarte indiquant « C’est La Renaudie, dit Laforêt, capitaine des rebelles, chef et auteur de la sédition ». Il est ensuite écartelé, puis coupé en cinq morceaux et les parties de son corps sont exposées aux portes de la ville. La tête est fichée à la pointe d’une lance sur le pont bossu qui enjambe la Loire.

Condé est quant à lui simplement placé en garde à vue, eu égard à son rang. Il est relâché faute des preuves de son implication. Rusé, il fait mine de se ranger du côté du Roi. Il assiste à l’exécution de ses amis sans dire un mot, contraint de les désavouer. On l’obligera même à tremper son épée dans leur sang. Du 22 au 30 mars, les interrogatoires et les exécutions vont se poursuivre. Catherine approuva la répression qui causa la mort de 1 200 à 1 500 personnes… tout en se méfiant de l’extrémisme du duc de Guise.

Le 17 mars 1560, 57 chefs des réformés ayant voulu enlever François II furent décapités et pendus aux balcons du château d’Amboise. Avant de mourir, l’un des conjurés, de Villemangis, trempa ses mains dans le sang de ses frères décapités, les leva au ciel en s’écriant : « C’est le sang de tes enfants, Seigneur, tu les vengeras. »

Cette répression, d’une extrême sévérité, suscite en divers lieux des soulèvements de protestants qui s’emparent d’églises pour y célébrer leur culte. La révolte gronde en Berry, en Guyenne, à Lyon, à Rouen. Une campagne de pamphlets est dirigée contre les Guises. François Hotman, jurisconsulte et écrivain polémiste français connu pour son engagement dans le calvinisme, écrit et fait publier un pamphlet nommé le Tigre dans lequel il fustige le cardinal de Lorraine et les Guise, qui sont accusés de fausse piété et de licence : « Tigre enragé, vipère venimeuse, sépulcre d’abomination, jusqu’à quand abuseras-tu de la jeunesse du roi. Tu fais profession de prêcher la Sainteté, toi qui ne connaîs Dieu que de parole, qui ne tiens la religion chrétienne que comme un masque pour te déguiser… Qui ne vois rien de saint que tu ne souilles, rien de chaste que tu ne violes, rien de bon que tu ne gâtes… Donc va-ten… Qu’attends-tu encore ? Ne vois-tu pas la patience des princes de sang royal qui te le permet ? Va donc malheureux, et tu éviteras la punition digne de tes mérites. ». Il conclut son texte anti-guisard par un appel au bannissement : le tigre doit retourner à sa « tanière ». (3)

Les guerres de Religion viennent de commencer (4). Il faudra attendre l’édit de Nantes de 1598 pour que le Roi Henri IV garantisse à nouveau la paix et la liberté du culte réformé.

Conclusion

Calvin dénonça cette funeste entreprise avec des propos très durs, allant même jusqu’à la comparer à « un jeu de petis enfans », « une nouvelle sorte de fascination », « une Croisade de Chevaliers errans, ou de la table ronde, qui vrayement estoyent ensorcelez ». Toutefois, si La Renaudie y perd la vie, il devient presqu’aussitôt le premier martyr guerrier des conflits religieux en France, et les éditeurs des ouvrages de Calvin le défendent énergiquement contre ses détracteurs. Il réussit ainsi à effacer l’infamie du jugement de 1546, par un acte de bravoure, se vengeant du même coup des du Tillet. Les partisans et admirateurs de la Renaudie continuent sa vendetta. Ils n’oublient pas le fameux procès et, la conjuration finie, l’un d’eux déclare à du Tillet « que les procez lesquels toy & ton frère avez euz contre celuy duquel tu mesdis après son trespas, sont tant descouverts & notoires à tout le monde, avec toutes vos corruptions & meschantes pratiques, que tu ne deusses jamais y penser, pour prendre occasion d’en parler, mais bien pour t’effrayer de la peine qui t’en attent, avec ton frère, quand il plaira à Dieu d’exercer ses justes Jugemens ». Le procès a mis en jeu l’honneur des du Tillet aussi bien que celui de La Renaudie. L’auteur de l’Histoire de Vestat de France a sans doute raison en déclarant que même après la mort de La Renaudie, « [sa] mémoire… tenoit encores du Tillet en géhenne ». (1)

Après la tragique répression, une rupture définitive est apparue entre Catholique et Protestants. Pour les premiers, tous les Huguenots sont de dangereux conspirateurs. Pour les seconds, tous les Catholiques sont des massacreurs…


Sources et notes :

  • (1) La Renaudie se venge : l’autre face de la conjuration d’Amboise, Elizabeth A. R. Brown, Actes du colloque international organisé à Rome, 30 septembre-2 octobre 1993. Publications de l’École française de Rome, Année 1996, Volume 220, Numéro 1  pp. 451-474.
  • (2) Choses et Gens du Périgord, Jean Maubourguet, publié par la Librairie Floury, Paris, 14 rue de l’Université, 1941.
  • (3) La conjuration d’Amboise, Henri Larher.
  • (4) Le massacre par le duc François de Guise d’une centaine de protestants assistant au culte dans une grange de la ville de Wassy, le 1er mars 1562, est considéré comme l’événement qui a déclenché la première « guerre de religion ». À l’appel de Louis de Bourbon, prince de Condé, les protestants prennent les armes. Condé s’empare d’Orléans le 2 avril. — Les Guerres de Religion, documents enseignants, Musée virtuel du Protestantisme.

Crédits photos:

  • L’exécution des conjurésgravure de Tortorel et Perrissin, 1569-1570, by Frans Hogenberch (own work), via Wikimedia Commons.
  • Portrait au crayon du duc François de Guise, Recueil. Portraits dessinés de la Cour de France, École de Clouet, sources BNF, via Wikimedia Commons.
  • L’entreprise d’Amboise, découverte le 13, 14 et 15 mars 1560, Tortorel et Perrissin, vers 1570, reproduction en fac-similé du recueil de J. Tortorel et J. Perrissin (Fac-sim.) / publié sous la direction de M. Alfred Franklin, via Wikimedia Commons.

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