Le Renard roux, hôte discret de nos forêts

Renard roux © photo Pierre Boitrel

Les contes et fables représentent le renard (Vulpes vulpes) comme le type même de l’animal rusé. D’après les auteurs récents, il serait moins prudent que le loup auquel, hélas, on ne peut le comparer car absent de nos territoires.

Sa physionomie a joué sur sa réputation de rusé et de malicieux. Ses yeux, obliques, sa face ronde de chat et son museau long et pointu expriment admirablement la malice et l’hypocrisie. S’il est un carnivore français très étudié (mœurs, régime alimentaire, rôle dans l’écosystème), c’est bien notre goupil. À taille adulte, son poids peut atteindre 11 kg. En France, il dépasse rarement les 6 kg. Le renard ne s’observe pas facilement dans la nature. Il est plus facile de détecter les indices de sa présence : excréments identifiables car ils sont allongés, cylindriques, avec l’une des extrémités tournée en spirale, les coulées (chemins) qui mènent au terrier (pas toujours bien cachées) et les traces de pas (principalement dans la neige).

Il arrive, surtout au mois de janvier, d’entendre son glapissement à la tombée de la nuit, ici notamment, dans le cingle de Trémolat, une zone encore sauvage et calme. Il ressemble au jappement d’un petit chien en trois ou quatre « ouah ». Mais il existe une très grande variété de cris, plus ou moins sinistres. J’ai pu l’observer, certains soirs au crépuscule, se grattant, toujours au même endroit et à la même heure. L’observation la plus facile reste encore au terrier, début mai, à la sortie des renardeaux (observés dans la plaine de Traly et dans la forêt de Liorac). Ces renardeaux ont l’habitude de sortir dès le lever du soleil où ils jouent comme de jeunes chatons.

Le régime alimentaire a été très étudié par les mammalogistes et naturalistes. En fait, ce canidé est un chien ratier : 6 à 10 000 mulots, campagnols, rats, souris, taupes sont consommés en une année. C’est aussi un charognard opportuniste. Il n’hésite pas à faire les poubelles, parfois en ville ! J’ai pu ainsi l’observer, une nuit, dans les rues de Mouleydier. Il est également omnivore et consomme toute sortes de fruits, d’insectes, d’amphibiens, d’oiseaux nichant à terre et énormément de vers de terre. Sa nourriture de base reste les rongeurs, ce qui en fait le principal auxiliaire de l’agriculteur, car d’après l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), un rongeur consomme 5 kg de grains par an.

Le renard fait pourtant toujours partie des animaux « nuisibles » à détruire, malgré la loi pour la reconquête de la biodiversité qui fait disparaitre la notion de « nuisible » du code de l’environnement. Cette loi, promulguée en été 2016, a banni les termes d’animaux malfaisants ou nuisibles de la partie législative du code de l’environnement, pour les remplacer par ceux de spécimens d’espèces non domestiques ou d’animaux susceptibles d’occasionner des dégâts : une évolution débattue lors du colloque des 31 janvier et 1er février 2017, à Paris.

Rien n’est simple… Le nuisible d’un jour peut devenir l’utile du lendemain. Avant l’invention des treillis grillage et du béton, les volailles circulant autour des fermes étaient visées par le goupil opportuniste et autres prédateurs. Aujourd’hui, il est devenu utile à l’écosystème (l’édifice naturel). Il faut savoir que les « nuisibles » n’existent pas en Espagne (Zorro est tranquille !) et au Costa Rica, tous les animaux sauvages sont protégés. En France, nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir dans ce domaine. Un jour viendra où le qualificatif de « nuisible » sera obsolète.

Il nous faut œuvrer pour la reconquête de la biodiversité dont le renard roux fait partie intégrante.

Serge Fagette
Naturaliste à la SEPANSO et à la LPO

Une belle rencontre

Ce matin d’automne, à la période où la forêt résonne du brâme du cerf, je guettais le cerf ou la biche, assis à même le sol, dissimulé par des fougères.

Jusqu’en milieu de matinée, pas la moindre observation… L’attente est longue. Je perçois juste le cri rauque des cerfs tout proches. Comme souvent, c’est au moment où l’on s’y attend le moins qu’un petit mouvement furtif, à une centaine de mètres, capte l’attention. Je n’ai pas le temps d’identifier l’animal enfoui dans les hautes herbes, en lisière du bois. Puis le silence se réinstalle. Ce n’est pas le moment de bouger pour tenter d’en savoir plus. Il faut se faire discret. Par bonheur, une légère brise de face se fait complice et éloigne mon odeur. Il me faut juste attendre.

De longues minutes s’écoulent et, tout à coup, surgit l’animal ! Le voici au milieu de l’allée forestière. C’est un magnifique renard. Il se dirige vers moi tout en chassant les mulots, tantôt occupant le milieu de l’allée, tantôt disparaissant dans le bois. Il avance lentement, toujours en quête de mulots… mais prudence : je dois encore attendre qu’il s’approche davantage pour le photographier dans de bonnes conditions. Le moindre bruit du déclencheur le ferait fuir instantanément.

Il est encore à 50 mètres… Il s’approche : 30 m… 20 m… Je prends une première photo après avoir pris la précaution d’envelopper mon appareil dans une écharpe pour réduire le bruit du déclenchement. Il sursaute malgré tout car il a l’ouïe fine et, méfiance oblige, vérifie qu’il n’y a rien autour de lui pour poursuivre sa progression.

Le voici, là, à moins de 10 m, superbe, auréolé de la lumière de ce matin d’automne. Je prends deux photos très rapidement, conscient qu’à cette distance il va vite me repérer. Il se fige, me fixe un très bref instant, et disparait d’un bond dans l’épaisse végétation.

Une seule photo sera correcte, mais peu importe, l’essentiel restant cette magnifique et unique rencontre, en immersion dans la nature sauvage.

Rencontre avec un renard roux

Texte et photo, Pierre Boitrel


Crédit Photos :

  • Photos © Alain Labourot et Pierre Boitrel

Cet article a été publié dans le numéro 10 du magazine « Secrets de Pays »

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