Les premiers bâtiments réservés exclusivement au lavage du linge ne sont apparus qu’au temps des Lumières, mais c’est surtout au cours du XIXe siècle que les villages s’équipent de lavoirs à la suite de la prise de conscience collective des principes élémentaires d’hygiène. L’importance accordait aux questions de salubrité publique accompagne également le développement économique des campagnes. En Périgord, la plupart des édifices datent de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Construits le plus souvent avec les matériaux locaux et de modestes moyens, le Périgord conserve quelques beaux lavoirs rustiques ayant échappés à la standardisation.
Depuis les temps les plus reculés, la lessive s’est faite autour d’un point d’eau plus ou moins bien adapté à cet usage, sur une pierre inclinée ou une sur simple planche : fontaine, mare, étang, cours d’eau… Les premiers bâtiments réservés au lavage n’apparaissent qu’au temps des Lumières. À la différence du moulin, du four et du pressoir, régis par l’ancienne banalité, le lavoir s’établit sur l’usage gratuit de l’eau pour tous. Ainsi, après la révolution, le lavoir devient un symbole de l’accès égalitaire à l’un des plus précieux biens naturels, l’eau.
La généralisation des lavoirs
C’est principalement sous l’impulsion du fort mouvement hygiéniste créé au début des années 1850 que se développe la construction de lavoirs aménagés et fonctionnels. C’est en effet à cette époque que l’on prend conscience du fait que l’utilisation indifférenciée des points d’eau favorisent les épidémies de choléra, variole et typhoïde qui sévissent encore trop souvent. En relativement peu de temps, on ne considère plus ces épidémies comme des punitions du ciel.
Veiller à la pureté de l’eau devient alors un impératif. L’urgence est telle que l’Assemblée législative instaure un crédit spécial de 600 000 francs pour subventionner la construction des lavoirs publics à hauteur de 30 %, et ce, dès le 3 février 1851, soit un seul jour après le coup d’état qui porta Napoléon III au pouvoir impérial. Dès lors, les constructions de fontaines, puits, abreuvoirs et lavoirs vont se multiplier dans nos villes et nos campagnes (quelle que soit leur importance d’ailleurs), sous le second Empire et sous la IIIe République. C’est également à cette époque que villes et villages déplacent le cimetière, élargissent les rues, améliorent les chemins ruraux. Tout est à faire !
Les municipalités qui ont acquis l’autonomie budgétaire en 1789 sont, le plus souvent, à l’initiative de ces réalisations, sous le contrôle toutefois de l’administration départementale qui apporte, au besoin, sa contribution. Les lavoirs sont construits selon une procédure définie par la loi : délibération du Conseil municipal, choix de l’architecte (ou de l’agent voyer, le responsable de la construction et de l’entretien des chemins vicinaux), soumission des entreprises (adjudication sur rabais à la chandelle), réception des travaux avec validation préfectorale pour chacune des étapes de la réalisation. Une attention particulière est apportée au financement, ce qui s’explique lorsqu’on sait que le coût des travaux s’élève souvent à trois ou quatre fois le budget annuel d’une commune. (1)
Cette procédure réglementée explique une relative similitude de conception et de matériaux entre les lavoirs bâtis à cette époque. Toutefois, une forte émulation entre maîtres d’ouvrage conjuguée à une réalisation soignée ont contribué à la construction de bâtiments certes fonctionnels, mais aussi décoratifs…
L’objectif premier était de faciliter le travail des lavandières et accessoirement d’édifier un bâtiment de qualité à l’honneur de la commune. Considérés comme indispensables à la vie de la cité, ces nouveaux temples de l’eau valorisaient – voire « sacralisaient » – les tâches répétitives et épuisantes des lavandières.
L’abandon des lavoirs
Les lavoirs évoquent une période aujourd’hui révolue. Leur utilisation a été progressivement abandonnée dans la deuxième moitié du XXe siècle avec la généralisation de l’adduction d’eau dans les foyers. Les foyers s’équipent tout d’abord de bac à laver en ciment et de lessiveuse galvanisée. Puis, la machine à laver fait son apparition dans les années 1950–1960, mettant fin à une corvée redoutable. Très exceptionnellement, certaines femmes continuent à aller au lavoir pour les grosses pièces dont le rinçage nécessite beaucoup d’eau.
L’âge d’or des lavoirs n’aura duré, au total, qu’un peu plus d’un siècle. Éléments incontournables de notre patrimoine rural vernaculaire, témoins de la vie d’autrefois, les lavoirs font partie des édifices qu’il faut à tout prix conserver.
Sources :
Crédit Photos :
- Bâti de protection de la source qui alimente le lavoir de Faye, Ribérac, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
- Lavoir sur le ruisseau de Mesplier à Château-l’Évêque, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
- Lavoir de Siorac-de-Ribérac, Dordogne, By Chiswick Chap (Own work), via Wikimedia Commons.