Si d’après La Mazille (La Bonne Cuisine du Périgord, 1929), il fut un temps où en Dordogne « les personnes de la campagne avaient une répulsion insurmontable pour la viande de mouton », considérée comme inférieure, il n’en va plus de mêmes aujourd’hui, grâce à l’amélioration de l’élevage. D’ailleurs, l’agneau du Périgord s’enorgueillit de posséder un signe de qualité avec l’Indication géographique protégée (IGP) lui garantissant une protection sur l’ensemble de l’Europe. Ses qualités gustatives et une traçabilité sans faille lui avaient fait décrocher, dès 1994, le Label rouge.
On a toujours produit de l’agneau en Périgord, la production ovine faisant partie intégrante de l’identité de la région. Mais si au départ le lait primait sur la viande, l’élevage ovin a su se développer et asseoir sa réputation. Servi au XIXe siècle lors de la Pâques chrétienne, l’agneau est désormais apprécié toute l’année. Carré, souris, gigot, côtelette, filet, l’agneau se déguste sous toutes ses formes. Traditionnellement, il est accompagné de pruneaux ou de flageolets, mais il se décline sous de multiples formes : rôtis, ragoûts, gigot rôti en panaché de haricots, gigot périgourdin à la couronne d’ail, épaule farcie, gigot froid, émincé de gigot, petit agneau rôti à la sauce d’échalote, côtelettes de moutons à la purée d’asperges, cou de mouton farci….
L’agneau du Périgord qui a obtenu l’Indication Géographique Protégée (IGP) doit être né et élevé dans le département, et doit être nourri du lait de sa mère et de compléments alimentaires produits sur l’exploitation (fourrages) et/ou d’aliments concentrés à base de céréales. Il se consomme surtout rôti, mais on notera que plusieurs livres de recette du Périgord indiquent les ris de veau d’agneau aux câpres comme un spécialités régionale.
L’agneau du Périgord et la gastronomie
La plupart des mentions relatives à l’agneau dans la cuisine périgourdine mettent en valeur les rôtis. La rôtisserie avait la particularité de rendre la peau des viandes croustillante, tout en leur conservant leur jutosité. La forme la plus simple de rôtisserie consistait en une simple corde pendue à un morceau de bois fixé entre deux arbres, à laquelle on attachait le rôti (bœuf, gigot, poularde, …). « Ce dernier rôtissait ainsi en tournant au bout de la corde, ce qui lui conférait une saveur sans égale : Ce rôti, cuit en plein vent, est le rôti des rôtis » – Revue du Périgord, 1910. (1)
Dès 1670, on trouve des traces écrites de cuisine d’agneau du Périgord à la table des notables d’alors. Ce menu trouvé par A. Dujarric-Descombes proposé par la Marquise de La Douze, pour la réception de Messieurs de David, de Lestours et de Taillefer de Villamblard nous invite à déguster des gigots farcis et rôtis servis avec sauce et garniture :
Suscription : A Franse, à La Douze.
Fransoy,
Il faut que le premier potage souet de douze pigeons avec des champinions et trufes et champinions. Le segon plat, faut qu’il souet de douze poules avec les plus belles guarnitures qu’il se poura. Il faut que unne asiette souet plene d’un potage avec des achis et champinions et trufes. La segonde asiete, faut qu’elle souet d’un autre potage de la meme fason, mes il faut donne unne autre couleur afein qu’il ne souet pas semblable. Il en faut pas au premier service d’asiete sur la salière.
Le segon service faut qu’il souet d’une deinde boule avec ses guarnitures autan qu’il se poura. Le segon plat, faut qu’il souet de deux membres de mouton, avec unne sause et unne garniture et farsi comme je vous le dict. La premiere asiete d’un ragout de perdris avec les engolivemant qui se poura. La segonde asiete de dongaus (oronge), antiers et farcis avec des achis de blan de chapon, du lar, des os et des oeufs. Sur la salière unne salade de sicorée blanche avec des grenades, sans huile d’ollif. (1)
Au XIXe siècle, La Mazille, dans son ouvrage « La bonne cuisine du Périgord », met l’agneau du Périgord à la fête : « Il y a en effet, en Périgord, une race de mouton qui donne une viande excellente à tous points de vue … et il n’est de joyeux hobereaux ou de familles campagnardes du Périgord qui ne se régalent bien avec le gigot aux haricots traditionnel, ou avec une tendre épaule convenablement farcie et baignant dans un jus aux riches nuances. » (2)
Le petit agneau rôti à la sauce d’échalotes, selon La Mazille
Pendant les fêtes de Pâques, si vous avez un jour à traiter plusieurs convives, voici une pièce de viande tout indiquée et qui changera un peu du classique filet de bœuf ou de l’invariable gigot aux haricots.
Il faut, bien entendu, choisir l’agnelet le plus petit possible, tout en n’étant point maigre. Vous pouvez encore ne prendre que la moitié d’un agneau plus fort, mais cela est de moins bel effet sur la table.
Vous commencez par faire l’habillage de la bête, c’est-à-dire que vous supprimez la tête trop grosse et sans valeur (en mettant de côté la cervelle), désossez le cou et rabattez-le sur les épaules comme on le fait à une grosse volaille et maintenez écartées les pattes avec deux petites baguettes de bois.
Préparez une livre et demie de lard coupé en tranches minces et larges qui vous serviront à barder le petit agneau. Ficelez bien le lard autour du corps, non sans l’avoir arrosé plusieurs fois d’eau vinaigrée et l’avoir ensuite salé et poivré. Entourez-le aussi de papier huilé et mettez la bête à la broche devant un feu ardent qui saisira la viande comme il faut. À défaut du tournebroche, mettez l’agneau au four dans un plat long avec un peu de bouillon et de graisse fondue ; car, de toute façon, il faut arroser souvent avec le jus de la lèchefrite, ou du plat.
Pendant que l’agneau se revêt d’une belle couleur appétissante, vous préparez une petite sauce relevée avec une poignée d’échalotes épluchées et hachées que vous faites blondir dans de la graisse. Vous ajoutez un peu de jus de cuisson, vous salez et poivrez et vous faites cuire une demi-heure. Au moment de servir la sauce, vous la liez avec un jaune d’œuf délayé lentement avec un peu de jus et vous la finissez avec un filet de vinaigre.
Débrochez et déficelez l’agneau que vous servez sur un plat long garni de cresson légèrement assaisonné et que vous pouvez agrémenter d’œufs durs coupés en deux et frits. Servez la sauce bien chaude, à part. Dans beaucoup de familles, on farcit l’agneau avant de la mettre à la broche, de la même façon que l’épaule (voyez un peu plus haut). Dans ce cas, il faut augmenter la cuisson de vingt minutes environ. Pour info, l’agneau se fait cuire en comptant un quart d’heure par livre ; bien que tendre, il ne faut pas qu’il soit saignant. (2)
Agneau rôti
Voici une variante de cette recette, relevée dans le livre intitulé « La cuisine rustique au temps de Jacquou le Croquant » :
Choisir de préférence un agneau jeune et petit mais bien en chair. Le parer, le barder. L’arroser de vin blanc sec, le salut et le poivrer. Le faire cuire à la broche devant un feu pas trop vif. Pendant que l’agneau dore, préparer une petite sauce composée d’une poignée d’échalotes hachées, revenues dans de la graisse, salées, poivrées, mouillées avec un peu de jus de cuisson et cuite pendant une vingtaine de minutes. Servir l’agneau sur un long plat chaud. (3)
Pour en savoir plus : Recettes – Agneau du Périgord | Gastronomie en Aquitaine.
Quelques conseils pour cuisiner votre gigot d’agneau
Que servir avec l’agneau ?
Si vous le servez au printemps, vous pouvez accompagner le gigot d’agneau de petits légumes primeurs printaniers : des pommes de terre nouvelles poêlées à l’ail, des fèves, des petits-pois, des asperges. Clafoutis de courgettes ou de carottes, gratin dauphinois, pommes de terre soufflées, petits légumes grillés ou lasagnes de légumes, risotto aux carottes et petits-pois, gratin de poireaux ou d’aubergines, chutent de petits-pois, les recettes ne manquent pas pour accompagner le gigot d’agneau… Des rondelles d’aubergines marinées dans du vinaigre balsamique et des herbes aromatiques font également merveille.
Comment désosser un gigot d’agneau ?
Parce que votre gigot est trop gros et qu’il ne rentre pas dans votre cocotte, vous pourriez avoir besoin de le désosser. N’ayez crainte, ce n’est pas bien compliqué !
La technique pour désosser un gigot d’agneau :
- Pour retirer l’os du gigot, posez-le sur votre plan de travail.
- Commencez par inciser le gigot en suivant l’os au plus près, avec un couteau fin, très bien aiguisé.
- Puis passez la pointe du couteau tout autour de l’os pour le détacher de la viande.
- Une fois l’os retiré, remettez la viande en forme et entourez-la de fil de cuisine pour la maintenir.
Comment cuire un gigot d’agneau ?
Voici quelques conseils pour la cuisson d’un gigot d’agneau de 2 kg, bien doré à l’extérieur avec une viande rosée et fondante à l’intérieur. Sachez qu’un gigot rosé s’obtient entre 55 et 60°C.
Sortez les gigots d’agneau en avance du frigo. Préchauffez le four à 220°C. Déposez votre gigot dans un plat allant au four. Faites de petites incisions dans le gigot (vous pouvez y introduire des gousses d’ail, pelées et coupées en deux), ajoutez vos aromates (parsemez de feuilles de laurier et de fleur de thym), salez et poivrez. Arrosez avec 2 cuillers à soupe d’huile. Enfournez le gigot. Au bout de 10 minutes, diminuez la température à 180°C et laissez cuire 50 minutes si vous l’aimez rosé et 1 heure si vous l’aimez plus cuit (chaleur tournante).
On compte plus ou moins 15 min de cuisson par livre en arrosant régulièrement le gigot de son jus de cuisson, suivant qu’on l’aime saignant ou à point. Toutefois, sachez que ce temps de cuisson dépend aussi de la forme de votre gigot. S’il est dodu il cuira un peu plus longtemps que s’il est de forme plus allongée. Vous pouvez pour les dernières 15 minutes de cuisson envelopper la souris de papier aluminium pour éviter qu’elle ne soit trop cuite et qu’elle se dessèche. Laissez reposer tranquillement la viande dans le four éteint et ouvert avant de la découper (au moins 10 minutes).
Si vous aimez manger votre gigot bien chaud, réduisez le temps de cuisson indiqué préalablement et finissez la cuisson des gigots à température maximale pendant 8 min dans le four.
Comment obtenir une cuisson uniforme ?
- Retournez le gigot en cours de cuisson, toutes les 10 à 15 min.
- Arrosez-le de temps en temps avec le jus de cuisson.
- À mi-cuisson, couvrez le gigot d’un papier aluminium et abaissez la température du four à 180°C. En fin de cuisson, vous devrez obtenir une température de 200°C pour le faire bien dorer.
Notes :
- (1) Dossier IGP Agneau du Périgord. 3 Avenue Léonard de Vinci. Version modifiée novembre 2009. 33608 Pessac Cedex. 1.
- (2) La Mazille, La Bonne Cuisine du Périgord, Éditions Flammarion, Paris, 2013.
- (3) La cuisine rustique au temps de Jacquou le Croquant, Guy Penaud, José Corréa, Éditions La Lauze, 2004.
Crédit Photos :
- Agneau grillé Côtelettes de longe, By Naotake Murayama (own work), via Wikimedia Commons.
- Gigot «raccourci» cru, By DocteurCosmos (own work), via Wikimedia Commons.
- Rôtissoire à gigot dans l’allée des rotisseurs à la foire de Lessay – Manche, By Crochet.david (own work) via Wikimedia Commons.