Typologie des pigeonniers

En Périgord, il n’y a pas un style particulier de pigeonnier. Bien au contraire ! On y retrouve absolument tous les systèmes possibles et il est presque impossible d’établir une typologie précise tant la diversité des formes est grande. On peut toutefois ébaucher une triple classification en fonction a) de leur statut juridique, b) de leur implantation, c) de leur forme architectural.

I. Classification en fonction du statut juridique

D’un point de vue juridique, les pigeonniers étaient classés en deux catégories : d’une part, les colombiers nobiliaires, appelés colombiers à pied, et d’autre part, tous les autres, à savoir les colombiers d’étage, volières, fuies ou volets.

A) Les colombiers à pied

Il s’agit d’un bâtiment qui est intégralement réservé aux pigeons. Il peut être de plan carré, rond, hexagonal ou octogonal et sa toiture est soit conique, soit à pans.

Selon le Dictionnaire de droit et de pratique de M. Claude-Joseph de Ferrière, Paris, 1771, à l’entrée Colombiers, voici ce que l’on peut lire : « Les colombiers à pied sont ceux qui sont bâtis en forme de tour et qui ont des boulins ou paniers à tenir pigeons depuis le haut jusqu’au rez-de-chaussée. »

L’arrêté du 4 août 1789 abolissant le Droit de Colombier, privilège de noblesse, précise ce qui suit : « Les colombiers sont ceux qui annoncent, par leur construction et leur forme extérieure, qu’ils sont uniquement destinés à loger des pigeons ; qu’ils sont ordinairement en forme de tours isolés, et qu’ils ont des boulins depuis le haut jusqu’en bas. »

B) Les colombiers d’étage, volières, fuies ou volets

Dans cette deuxième catégorie, on trouve en fait tous les pigeonniers qui n’ont pas de boulins de haut en bas. Et ils sont de loin les plus nombreux ! Ce sont tous les pigeonniers intégrés à un bâtiment, mais aussi les colombiers volières isolés dès lors qu’ils remplissaient une fonction autre que celle consistant à abriter des pigeons comme celle de garde pile (terme désignant un bâtiment où l’on stockait les grains à l’abri des prédateurs), celle de resserre où l’on rangeait l’outillage ou même celle de logement pour les ouvriers agricoles… Possédant parfois jusqu’à trois niveaux, ces colombiers pouvaient servir à plusieurs usages à la fois ; par exemple, le premier niveau pouvait être aménagé pour servir de logement, le deuxième niveau servant de garde-pile tandis que le dernier niveau était réservé aux pigeons.

Il n’est pas toujours aisé de distinguer un colombier à pied d’un colombier volière lorsqu’on ne peut pas y pénétrer pour contrôler la présence des boulins.

II. Classification en fonction de l’implantation des pigeonniers

Leur implantation peut se répartir de la façon suivante :

  • Les pigeonniers isolés, soit en plein champ, soit au milieu d’une cour. Ce sont souvent les plus remarquables. Le Périgord en propose quelques très beaux exemplaires bien que, par rapport aux autres régions d’Aquitaine, ils soient en moins grands nombres.
  • Les pigeonniers incorporés à des bâtiments d’exploitation, le plus souvent à l’angle d’une bâtisse.
  • Les pigeonniers qui surmontent soit le perron précédant l’entrée d’une maison, soit le porche d’entrée d’une cour de ferme ou d’une entrée de grange.
  • Les pigeonniers les plus modestes occupent tout ou partie d’un grenier. Ils sont reconnaissables à leurs trous d’envol.
  • Les pigeonniers les plus rudimentaires consistent en un pilier de quelques mètres de haut au sommet duquel on a posé deux ou trois rangs de nichoirs en bois, posés sur des planches servant de perchoirs et surmontés d’un petit toit de bois.
  • Il existe aussi des pigeonniers troglodytiques creusés dans des falaises calcaires.
  • Enfin, les inclassables, certains édifices étant parfois reconvertis en pigeonniers : tours de défense ou ancien moulin à vent.

III. Classification en fonction de la forme architecturale

Nous ne mentionnerons que les pigeonniers du Périgord. C’est la région de France où l’on retrouve la plus grande richesse de formes, souvent fort originales. Les constructions des autres régions de France sont plus homogènes et moins imaginatives. Ici, les pigeonniers conservés datent de la période allant du XVIe au XXe  siècle.

Le choix des matériaux ayant évolué avec le temps, on dispose là d’un excellent critère pour évaluer l’âge des constructions, leurs formes et leurs styles n’étant pas déterminant en la matière.

Les pictogrammes représentés ci-dessous résument les formes les plus courantes de pigeonniers périgourdins.


D’après leurs formes, on distingue deux grandes catégories de pigeonniers :

A) Les pigeonniers indépendants :

  1. Le pigeonnier à base ronde.
  2. Le pigeonnier à base carrée ou rectangulaire.
  3. Le pigeonnier à base polygonal, hexagonale ou octogonale.
  4. Le pigeonnier sur rez-de-chaussée ouvert : édifié sur des colonnes (piliers ou solives) ou sur des arcades.

B) Les pigeonniers intégrés à un autre bâtiment :

  1. Le pigeonnier-porche.
  2. Le pigeonnier tour.
  3. Le pigeonnier “tourelle”.
  4. Le pigeonnier en encorbellement ou pigeonnier-échauguette.
  5. Le pigeonnier belvédère.
  6. Le pigeonnier bolet.
  7. Les fuies ou pigeonniers grenier.
  8. Le pigeonnier pied de mulet ou manteau retourné.
  9. Le pigeonnier troglodytique.


A) Les pigeonniers indépendants :

A.1 Le pigeonnier à base ronde

La forme ronde était, à de rares exceptions près, adoptée pour les colombiers à pied, donc nobiliaires. Construits au milieu des terres seigneuriales, ces pigeonniers anciens datent le plus souvent du XVIIe siècle. Les gros pigeonniers peuvent avoir de 8 à 10 m de diamètre et contenir plusieurs milliers de boulins pour les plus grands d’entre eux. Ils ont des trous d’envol dans la calotte de la coupole. L’épi est sculpté et les arêtiers sont terminés avec un boudin de mortier lisse. À l’intérieur, une échelle tournante permet d’accéder aux boulins qui tapissent les murs.

A.2 Le pigeonnier à base carré ou rectangulaire

À l’écart des habitations, ces pigeonniers sont le plus souvent carrés, parfois rectangulaires, avec un toit à quatre pentes et un lanterneau servant à l’aération. Leur rez-de-chaussée sert généralement d’abri ou d’annexe agricole.

A.3 Le pigeonnier à base hexagonale ou octogonale

Quelques colombiers présentent la forme octogonale, très appréciée pour son esthétisme.

A.4 Le pigeonnier sur rez-de-chaussée

Les pigeonniers sur arcades sont de véritables monuments de 10 à 12 mètres de hauteur. Ils sont bien représentés en Périgord (environ une trentaine en Périgord), et c’est parmi eux que l’on compte les plus anciens du département. Ils étaient soumis à un impôt proportionnel au nombre de colonnes, prouvant la qualité du seigneur du lieu qui avait droit à haute et basse justice.

Les pigeonniers à piliers présentent quatre, six, huit ou neuf colonnes d’environ deux mètres de hauteur, en pierre surmontés de capels destinés à dissuader les rongeurs de progresser. La caisse ou « volière », quadrangulaire, est soit en maçonnerie : grès, briques ou calcaire, soit à colombage à pans de bois. Le remplissage est en torchis, en pisé ou en briques cuites. Les toitures ne sont pas uniformes. Recouvertes de tuiles plates ou d’ardoises, elles sont soit à clocheton, soit pyramidales.

  • Édifié sur des colonnes (piliers ou solives) : ce sont des pigeonniers de forme quadrangulaire ou hexagonale. Ils sont perchés sur des colonnes de pierre, chacune surmontées d’un chapiteau renversé ayant la forme d’un chapeau de bolet. C’est d’ailleurs en raison de cette forme caractéristique qu’on l’appelle parfois champignon, mais le plus souvent capel. Son rôle est le même que la randière à savoir empêcher l’ascension des rongeurs. La volière réalisée par une charpente en colombage est contreventée sur chaque face. Les murs sont enduits d’un mortier de chaux grasse, lissé à la truelle pour l’étanchéité. Entre le clocheton et la toiture principale on trouve les ronds percés pour servir de plage d’envol.
  • Édifié sur des arcades : les arcades sont contrebutées par quatre piliers de support. La voûte d’arête concentre la force sur les piliers et sert de support au plancher du premier étage. La toiture est pyramidale avec ou sans clocheton et lanternon. On observe jusqu’à quatre rebords de défense, deux ou trois rangs de pierres randières servant de promenoir ou plage d’envol. Une corniche supplémentaire au passage du pilier à la naissance de l’arcade défend des prédateurs. Ils sont éloignés des fermes et habitations et servent aussi de tours de guet.

B) Les pigeonniers intégrés à un autre bâtiment :

B.1 Le pigeonnier-porche

À l’entrée des fermes les plus importantes, dans le mur d’enceinte, il domine l’ensemble des bâtiments. On retrouve une volière au premier étage, une toiture à quatre pentes assez pointues et des lucarnes comme plages d’envol, mais pas de lanternon ou très rarement.

B.2 Le pigeonnier tour

De tailles diverses, généralement bâtis dans l’angle d’une maison, on retrouve parfois ces pigeonniers en façade. Au rez-de-chaussée, ils accueillent souvent un four, un poulailler, une remise…

B.3 Le pigeonnier « tourelle »

Telles des excroissances, ces pigeonniers s’élèvent, isolément ou par deux, aux angles d’une façade, donnant à la maison un petit air de château. Les trous d’envol sont souvent disposés sur deux niveaux.

B.4 Le pigeonnier en encorbellement ou pigeonnier-échauguette

L’échauguette est construite en encorbellement dans l’angle d’un mur ; elle peut être de plan carré ou ronde. C’est presque toujours une addition postérieure à la construction de la maison. D’influence quercynoise, ce type de pigeonnier ne se rencontre que dans le sud-est du département.

B.5 Le pigeonnier belvédère

Le pigeonnier belvédère se distingue de l’échauguette par sa position centrale en bordure du toit de la façade, mais il occupe la même région géographique.

B.6 Le pigeonnier bolet

Le pigeonnier bolet (ou balet, selon la région et la prononciation occitane du a ; balet, en occitan, signifie auvent, balcon, perron et le pigeonnier bolet est bien tout cela en même temps) assure, au-dessus d’une terrasse accessible par un escalier extérieur, la protection de la porte d’entrée de la maison. D’origine quercynoise, on ne le trouve que dans le Sud-Est du Périgord.

B.7 Les fuies ou pigeonnier grenier

Créées par des paysans d’origine modeste – ou ne se sentant pas autorisés à posséder un pigeonnier – les fuies ont été aménagées dans des espaces déjà existants et non prévus à l’origine pour cet usage. En Périgord, il en existe des milliers. On les remarque grâce à la présence des trous d’envol creusés dans les façades ou les pignons des bâtiments agricoles, et même des habitations… Disposés de façon géométrique ou aléatoire, ces trous d’envol sont plus ou moins nombreux : rarement unique, on en compte parfois deux ou trois dizaines.

B.8 Le pigeonnier pied de mulet ou manteau retourné

Le pied de mulet ou col de manteau retourné offre aux pigeons un abri efficace contre le vent. Très commun en Languedoc, il y en a peu d’exemples en Périgord. La toiture ressemble de profil à un pied de mulet, elle est formée de gradins en tuiles canal. L’avantage est qu’elle protège les ramiers des vents dominants sur trois côtés. La pente du toit est interrompue par un ressaut où sont ouverts les trous d’envol percés dans une planche en bois. La randière de carreaux vernissés, fonctionnelle et décorative, ceinture le pigeonnier avec sa face inférieure creusée.

B.9 Le pigeonnier troglodytique

On en trouve de rares exemplaires dans les falaises calcaires au Sud du département. Incrustés dans les parois d’anciennes carrières, de caves, les nids sont creusés dans la roche, parfois jusqu’au plus bas des parois.

Les types de pigeonniers caractéristiques du Périgord

Les pigeonniers-cabanes dont les toits sont des coupoles en tas de charge. Ce mode de construction hérité des bories était la technique la plus économique dans une région où le bois était rare et la pierre calcaire abondante et de forme (en plaque) adaptée.

Les pigeonniers à colombages sont également assez répandus dans les régions boisées du Périgord, là où le bois est peu coûteux. Édifiés sur 4 à 9 colonnes (le plus souvent 4), ils ont en général la base carrée et exceptionnellement polygonal.


Sources :

  • Florilège du Petit Patrimoine Rural Bâti du Périgord, par les membres de La Pierre Angulaire.
  • Patrimoine de pays en Périgord, Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement, CAUE Dordogne, 2002.

Crédit Photos :

  • Vu depuis le sud, le pigeonnier du château de Gageac, Gageac-et-Rouillac, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Le pigeonnier de la Cousse à Coulaures, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Le pigeonnier hexagonal de la Luminade à Cornille, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Ancien pigeonnier transformé en cabane près du lieu-dit la Ganne, Eyliac, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Le pigeonnier de la Barbinie, Villars, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Le pigeonnier du château de Sauvebœuf, Aubas, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.

LES COLOMBIERS ET PIGEONNIERS DU PÉRIGORD

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