Châteaux de styles Classique et Moderne

REPÈRE HISTORIQUEBien que le rôle défensif du château soit révolu, les siècles suivants la période de la Renaissance verront de nombreux bâtiments s’ériger suivant le goût de chaque époque (du style classique au style néo-gothique). Bâtis, reconstruits, agrandis, embellis ou restaurés au cours des âges, les château du Périgord surprennent par la diversité de leurs sites, de leurs architectures, de leurs plans, et même de leurs couleurs. Constructions récentes ou anciennes, certaines d’entre elles se souviennent encore de la fronde, des révoltes paysannes, de la Révolution et jusqu’aux épisodes tragiques de la Résistance. — Jean-Luc Aubardier. (1)

Au XVIIe et XVIIIe siècles, l’art français, impose au monde son rationalisme, d’où l’émergence d’un nouveau style : l’art classique. L’architecture obéit à des règles, elle est disciplinée, mesurée, souvent à raison ; en un mot, elle est raisonnable, parfois même un peu rationaliste ! Elle accepte l’impératif de la symétrie, les longues lignes droites, les formes simples, les attitudes nobles et froides… Avec ses façades régulières, l’art classique a besoin d’espace pour que l’œil saisisse l’unité de ses ensembles. En vérité, elle correspond aux principes de la littérature classique ; pour les comprendre pleinement, il faut donc remplacer l’une et l’autre dans le climat intellectuel, moral, social, politique de l’époque. (2)

Les XVIIe et XVIIIe siècles coïncident, en Périgord, avec une période de paix relative. En effet, en coparaison avec les événements tragiques des guerres anglaises puis des guerres de Religion, on trouvera pacifiques la fin du règne d’Henri IV et les règnes des quatre Louis. La Révolution, il est vrai, endeuillera une époque qui, sur le plan de l’art, a favorisé une époque qui, sur le plan de l’art, a favorisé ici une évidente activité. Pourtant, les soixante premières années du Grand Siècle ont eu « un caractère mouvementé et farouche »… En effet, commencée vers 1635 par une jacquerie contre les « gabeleurs », la révolte des Croquants battra son plein de 1637 à 1641. Quant à la Fronde, ou plutôt les Frondes, elles durent quasi un demi-siècle : de 1615 à 1654. À quoi il faut ajouter, parmi les souffrances des Périgourdins, les disettes, les épidémies et les tracasseries contre les Protestants : elles sont telles que, non seulement quelques-uns terminent sur les galères (tel ce Jean Martheilhe, ditJean De Bergerac) mais que, lors de la Révocation de l’Édit de Nantes, bien des Périgourdins quitteront les rives de la Dordogne pour celles du Rhin, de l’Escaut ou de la Tamise. Et si l’on songe à la paysannerie locale, on ne peut oublier qu’elle vivait durement : même exagérés, les échos qu’en a donnés Eugène Le Roy ont un très réel fond de vérité. Pourtant, ces deux siècles vont ici beaucoup construire. — Jean Secret. (3)

Les caractéristiques du style classique

Le style classique se définit par une recherche de régularité et de symétrie autour d’un axe central. Les élévations sont rythmées par des baies surmontées de lucarnes. Des pilastres scandent la distribution verticale. Des bandeaux de moulure rythment horizontalement la façade. Des niches sont parfois percées dans la façade. Les pilastres et les colonnes soulignent la verticalité des élévations. Ils sont progressivement remplacés par des cariatides, des atlantes…

Quelques châteaux périgourdins de style classique

Si les constructions civiles (bâtiments utilitaires : forges, moulins, pigeonniers, relais de poste…) et religieuses (hospices, couvents, collège jésuite…) furent nombreuses, la période classique n’a pas été très prolifique pour ce qui est châteaux (contrairement aux manoirs et gentilhommières qui eux abondent). Il y a pourtant quelques exemples de châteaux particulièrement spectaculaires : en Ribéracois, le château de Fayolle, dessiné par l’architecte Chauvin ; dans le Périgord central, le château de Sept-Fonts, bâti par les ancêtres d’Henri Rochefort, avec son avant-corps polygonal ; dans le Périgord noir, les écuries monumentales du château de Berbiguières ou le château typiquement Grand Siècle de Besse, inscrit dans un quadrilatère fortifié, et précédé d’un pont-levis. Mais, trois châteaux sont autrement plus intéressants : La Force, Biron et Hautefort. (3)

Le château de La Force, dont pratiquement plus rien ne subsiste, fut dessiné par l’architecte Pierre Boisson. Doué d’une imagination créatrice, il dessina, autour d’une cour hexagonale, quatre logis carrés et quatre barlongs à trois niveaux, avec toitures aigües, à lucarnes. Le portail monumental, orné de colonnes toscanes jumelées, le logis d’honneur, le pavillon des Recettes côté nord, d’une grande noblesse, participaient à cet ensemble autour duquel se multipliaient les terrasses et les jardins, dessinés par M. de la Béraudière qui s’échelonnaient vers la Dordogne. Lakanal a tout rasé excepté une partie des « Recettes ». (3)

Le château de Biron est le plus complexe du Périgord. Chaque siècle a apposé la marque de son génie. Le XVIIIe siècle n’y a pas manqué, en bâtissant le vaste logis qui contient la Salle des États. C’est un grand et haut logis, aux baies étroites, aux étages soulignés par des cordons moulurés, à la toiture démesurée. Quant au XVIIIe siècle, il vit la construction d’un élément très étonnant, d’un italianisme archaïsant, un logis suspendu reliant le logis précédant à un antique donjon, un logis qui repose d’un côté sur un arc surbaissé, de l’autre sur des jumelages de colonnes posées sur de robustes stylobates. Ainsi, depuis cette cour du haut, on a vers le nord, par-delà cette sorte de loggia, une vue enchanteresse. (3)

Le château de Hautefort est sans doute l’un des plus prestigieux châteaux du Sud-Ouest de la France. Il trône, non sans majesté, sur un « puy » d’où il surveille un tour d’horizon considérable et se fait admirer de fort loin. Succédant au repaire médiéval de Bertrand de Born, il fut bâti au XVIIe par Gontaut d’Hautefort. L’œuvre fut peu à peu achevée par un maître d’œuvre périgourdin : Nicolas Rambourg. Un grand corps de logis lance, en retour d’équerre, deux pavillons qui limitent une cour d’honneur et se terminent par de grosses tours circulaires, sommées de dômes à lanternons comme à Valençay. Reliant ces deux tours, une courtine porte le châtelet d’entrée, avec un portail à bossages encadré d’échauguettes à souches moulurées, surplombé par un chemin de ronde crénelé, à mâchicoulis. Un pont-levis enjambe la douve qui sépare le château d’un parc admirable. (4)

C’est également à cette époque que plusieurs villes fortifiées perdent leurs remparts : Périgueux, Sarlat, Excideuil, Villefranche, Thiviers, Eymet…

Les châteaux du Périgord de la période Moderne

Si l’on en croit Jean Secret, la plupart des châteaux périgourdins de la période moderne – et donc postérieur à la chute de l’Ancien Régime – ne sont guère des réussites comme Lestaubière, Bosvieux, Lardimalie, Cavalerie, Montaigne (dû à Pierre Magnac après l’incendie de la demeure du philosophe), Trélissac (bâti pour le fils de Pierre Magne, par un architecte parisien Bertelin). Par contre, il y a quelques pastiches intéressants de la Renaissance comme La Malartrie, à la Roque-Gageac, La Durantie, bâtie par le Maréchal Bugeaud en 1845, à Lanouaille, La Jaubertie qui date des années 1820-1830, à Colombier. (3)

Il y a tout de même une incontestable réussite d’architecture castrale de la période moderne : le château de Rastignac. il est d’une facture si parfaite qu’on l’a cru longtemps du XVIIIe siècle et que la colonnade de sa rotonde passait pour le prototype de la Maison Blanche, à Washington. Or, une découverte récente faite par Noël Becquart, archiviste-paléographe (1945) et directeur des services d’archives de la Dordogne (1949-1983), a établi que le château avait été bâti de 1811 à 1820 environ, par un architecte nontronais, Mathurin Salat, dit Blanchard. L’exceptionnelle qualité architecturale de Rastignac prouve que les architectes du cru, au XIXe siècle, était capables de réaliser des choses excellentes, et même « dans le vent », suivant les modes du moment ; témoin l’atrium pompéin de Rastignac ! (3)


Notes :

  •  (1) Jean-Luc Aubardier, Michel Binet, Les châteaux du Périgord.
  •  (2) Jean Secret, Le Périgord en 300 images.
  •  (3) Jean Secret, L’Art en Périgord.
  •  (4) Jean Secret, Périgord.

Crédit Photos :

  • Hautefort, by Manfred Heyde (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Tour Renaissance Château de Hautefort, by Jebulon (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Tour Château de Hautefort, by Jebulon (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Château de Hautefort, by Jebulon (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Essendiéras XIX sud, by Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Château de Montaigne, Tim Gage (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Calviac-en-Périgord château Gard Fontcabrol, by Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.

LES CHÂTEAUX DU PÉRIGORD

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