Lavoirs et salubrité publique

Avant même l’émergence du mouvement hygiéniste du début des années 1850 – et la prise de conscience des principes élémentaires d’hygiène – la pureté de l’eau devint peu à peu une préoccupation majeure. Dès 1789, après la création des municipalités, l’État prend conscience du besoin de légiférer en matière de salubrité publique : « les communes sont tenues de garantir aux habitants de bonnes conditions de salubrité, c’est à elles qu’incombe la charge de concrétiser les équipements nécessaires ». Quelques décennies plus tard, grâce aux progrès de la science, on sait que les épidémies de choléra, variole et typhoïde ne sont pas des punitions divines… Les mentalités changent : la propreté devient l’objet d’un véritable culte. « L’ouvrier au linge propre jouit d’un esprit plus sain que celui vêtu d’une tenue négligée ». On encourage alors l’entretien du linge et la spécialisation des lieux et des usages de l’eau. Si les progrès de la médecine invitent à mieux surveiller l’eau, l’évolution des techniques permet de mieux maîtriser son acheminement.

Les questions relatives à l’hygiène sont des préoccupations relativement récentes. C’est ce qu’explique Jean Pierre Goubert, dans son livre intitulé « La Conquête de l’eau. L’Avènement de la santé à l’âge industriel » : « Longtemps encore tout ou presque s’oppose à un usage fréquent de l’eau : la crainte d’un refroidissement, l’indécence des ablutions intimes, l’absence de relation perçue entre propreté et santé, la mauvaise qualité et les faibles quantités d’eau disponible (particulièrement dans les campagnes) l’habitude de lier l’usage du bain complet à un rite de passage (naissance, mariage, décès) ou la coutume de fonder le rythme de la lessive traditionnelle sur le calendrier des saisons, le renouveau succédant au bonhomme hiver, la sève à la sécheresse, la vie à la mort et donc la propreté à la saleté ». (1)

Si l’émergence du mouvement hygiéniste date du début des années 1850, il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que l’hygiène devienne une préoccupation majeure. Ce changement de comportement, aussi bien au niveau de l’hygiène corporelle que de la lessive, est sans aucun doute l’une des transformations majeures dans les mœurs d’un siècle marqué par les progrès techniques et scientifiques. La violente épidémie de choléra de 1832 a contribué en partie à ce changement de mentalité. Des autorités de santé publique sont créées dans le but d’améliorer la distribution de l’eau et le traitement des nuisances environnementales.

Lavoir dans le parc du château de Lacoste, Castelnaud-la-Chapelle

En 1878, Louis Pasteur, grand chimiste et médecin français, propose une théorie sur l’existence des micro-organismes et des microbes. L’idée que la propreté permettrait d’éradiquer les maladies infectieuses va s’imposer et permettre le triomphe de cette révolution hygiéniste. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, « saleté, pauvreté et maladie » sont consciemment combattues dans le but d’améliorer les conditions d’existence. Dès la fin du XIXe , la mortalité infantile et la durée de vie augmentent de façon radicale (l’apparition des vaccins y est également pour quelque chose).

Après 1870 – et la défaite de la guerre franco-prussienne — la santé publique est également considérée comme un facteur de redressement de la nation. Les vertus de la propreté sont alors enseignées à l’école comme en témoigne cet extrait de manuel scolaire : « Le plus humble, le plus modeste de nos devoirs envers le corps est la propreté. Elle est la preuve du respect de soi-même, de la dignité… l’habitude de porter sur soi, sans en être incommodé, des vêtements en lambeaux et couverts de taches nous disposent peu à peu à supporter les fautes de conduite sans en être choqué. Ajoutons que la malpropreté est contraire à nos intérêts puisqu’elle compromet la santé et nous expose aux épidémies. Enfin la propreté est un devoir social. Nous sommes tenus dans nos rapports avec nos semblables, à la décence sur notre corps et dans nos vêtements. Cette vertu est à la portée de tous, du pauvre aussi bien que du riche et l’habitant de la campagne doit tenir à la propreté ainsi que le citadin. »

Le lavoir du bourg, Quinsac, Dordogne

Très rapidement, les fontaines publiques ne suffisant plus à combler les besoins des populations en eau potable, l’édification des lavoirs va s’imposer, guidant avec elle le progrès de l’hygiène individuelle. Et comme on a enfin compris qu’un même point d’eau servant à de multiples usages est la cause d’insalubrité, les nouveaux équipements veillent à séparer les différents usages de l’eau : désormais, on s’approvisionne en eau potable grâce aux fontaines, on abreuve le bétail à l’aide d’abreuvoirs (fréquemment accolé à la fontaine) et on effectue les lessives dans des lavoirs. Cet ensemble fontaine-abreuvoir-lavoir fait souvent l’objet d’une construction conjointe qui s’inscrit dans le plan d’approvisionnement du village en eau potable ; il devient un élément important dans la promotion de la santé publique et de l’hygiène.


Notes et Sources :

Crédit Photos :

  • Lavoir au sud-ouest du village de Plazac, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Lavoir dans le parc du château de Lacoste, Castelnaud-la-Chapelle, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.
  • Le lavoir du bourg, Quinsac, Dordogne, By Père Igor (Own work), via Wikimedia Commons.

LES LAVOIRS DU PÉRIGORD

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