Caviar de Gironde et Caviar du Périgord

Déjà, au XVIe siècle, Rabelais vante les mérites de l’esturgeon autochtone, Acipenser sturio, et de ses œufs, dégustés par son héros Pantagruel, et Cervantès évoque le plaisir du caviar pressé dans son Don Quichotte. Au début du XXe siècle, sur la rive droite de la Gironde, naît une production de caviar atteignant jusqu’à 5 tonnes par an. Devant de telles campagnes, l’esturgeon disparaît progressivement, au point que la pêche en est totalement interdite en 1982. Mais très vite, au début des années 1990, quelques piscicultures importent une espèce sibérienne d’esturgeon, Acipenser baerii, dans le but de repeupler la zone. L’activité prend du temps à démarrer, car il faut attendre 7 ans pour que les femelles parviennent à maturité et donnent naissance aux premières perles noires ! Au fil des ans, la qualité gustative du caviar d’Aquitaine s’est considérablement améliorée, au point d’être aujourd’hui largement reconnu, en France, mais aussi partout dans le monde, même s’il est essentiellement consommé ici. Il faut dire que l’Hexagone est le deuxième consommateur de caviar au monde, derrière la Russie, et devant les États-Unis et l’Allemagne. – Les meilleurs produits du terroir. (1)

L’esturgeon d’Europe (acipenser sturio) a toujours été présent en Aquitaine. Ce poisson migrateur de la famille des Acipensérisés est impressionnant. En juin 1944, un esturgeon mâle est pêché entre Maubert et Mortagne-sur-Gironde d’un poids de 300 kg pour une longueur de 3,90 mètres. Le record – enregistré en 1925 – est détenu par un spécimen – pêché à la hauteur du port des Callonges – de 490 kg ; il abritait 70 kg d’œufs ! Recherché tout d’abord pour sa chair (et exclusivement pour sa chair), il faut attendre le début du XXe siècle pour voir apparaître les premières productions de caviar français, dans l’estuaire de la Gironde, là où se mêlent les eaux de la Garonne et de la Dordogne. La raréfaction des esturgeons sauvages sonne très rapidement la fin définitive de cette production, jusqu’à ce que l’esturgeon sibérien (Acipenser Baeri), élevé en pisciculture, fournisse à nouveau un caviar originaire d’Aquitaine. Le Périgord n’est pas en reste dans cette nouvelle aventure…


Une brève histoire du Caviar de Gironde

Depuis l’Antiquité, l’esturgeon autochtone, localement appelé créac, créa ou créat, est pêché dans la Garonne et la Dordogne, pour la qualité et le goût de sa chair. Déjà mentionné dans les écrits du Moyen Âge, Acipenser sturio semble très commun aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il est consommé au même titre que le mulet ou la sole. Mais ce n’est qu’au XVIIIe siècle, avec l’arrivée des immigrés russes, que le caviar est adopté par la haute société française. La mer Caspienne est alors la principale région de production. En 1762, le mot caviar entre dans le dictionnaire de l’Académie française.

Un siècle plus tard, en 1868, un marchand de Hambourg qui faisait halte à Saint-Seurin-d’Uzet, Schwax, s’intéresse aux esturgeons de l’estuaire de la Gironde. Il arrive à convaincre les pêcheurs locaux de récupérer les œufs d’esturgeon… plutôt que de les rejeter à la mer, ou de les donner en pâture aux poules et aux canards, comme c’était l’usage. Il enseigne à l’un d’eux, un certain Théophile Roux, la préparation du caviar. Mais sa production est de qualité médiocre. En 1902, la maison Toublanc, mareyeur à La Rochelle, élabore une nouvelle formule, guère plus convaincante. C’est alors que la grande guerre met un terme à ce commerce naissant (2).

Après la révolution russe de 1917, nombreux sont les Russes blancs qui s’installent à Paris. Parmi eux, les Mailoff, premiers producteurs de caviar de la Russie tsariste, et les deux frères Petrossian, Melkoum et Mouchegh, d’origine arménienne. Ces deux familles s’associent en 1920 et ouvrent une boutique au 18 du boulevard de Latour-Maubourg. Cet établissement – la Boutique Petrossian – existe toujours aujourd’hui. Le caviar, dont ils sont les importateurs exclusifs, est à la mode, non seulement dans la haute société française des années folles, mais aussi auprès des nostalgiques immigrés russes. Toutefois, le caviar de Gironde – sa production étant encore inexistante – ne profitera pas de cet engouement…

Une princesse russe à la rescousse de « l’or noir » de l’estuaire

L’épisode suivant de cette saga du caviar français oscille entre vérité et légende. Dans les années 1920, lors d’une promenade sur le port de Saint-Seurin-d’Uzet, une aristocrate russe, la princesse Romanoff, s’indigne en voyant des pêcheurs locaux éventrer des esturgeons femelles et jeter leurs œufs. Elle leur envoie Alexandre Scott (peut-être son mari), officier russe réfugié en France, pour leur apprendre le secret du caviar. Parmi ses élèves, les premiers sont les pêcheurs Fernand Saint-Blancard, Pascal Ephrem père, dit le Japonais, et trois membres de la famille Milh, Jude (fils de Pierre), son fils René, surnommé « le renard de l’estuaire », et leur cousin Raymond. Avec Pierre Magot à Blaye, Jude Milh est le seul à vendre lui-même son caviar (2). Il utilise une marque déposée, « Caviar de la Gironde, Parapluie de poche », en souvenir de celui qu’avait oublié la princesse russe (3).

Voici les paroles de Charles Pellisson, ancien avocat, rapportées par Jean Thaumiaux, Secrétaire de l’Académie de Saintonge, dans le Sud-Ouest du 1er mars 1962 : « Venant chaque année passer mes vacances à l’Echailler, berceau de ma famille, mon père m’a conté qu’il aimait exercer son sport favori, la pêche aux boucs (crevettes) au bas du château de Saint-Seurin. Un jour que, chassé par la marée montante, mon père revenait vers le port par son chemin habituel, il rencontra, sortant de la petite église où l’abbé Chaillaud venait de célébrer la messe du dimanche, une belle dame blonde, portant un minuscule parapluie (une ombrelle), fort à la mode il y a un demi-siècle. Elle s’était arrêtée près de l’étier, sorte de réservoir à écluse où l’on mettait les gros poissons. Il y avait là plusieurs créacs, nom vulgaire de l’esturgeon, qui étaient attachés par une corde dont l’autre extrémité était retenue par la vis de l’écluse. Intriguée, l’étrangère, qui avait le type nordique parfait et dont le français impeccable avait toutefois un accent caractéristique, demanda à mon père quels étaient ces poissons et ce qu’ils faisaient à l’attache. Celui-ci répondit que c’était des créacs ou esturgeons, que l’on pêchait beaucoup parce qu’ils remontaient l’estuaire d’avril à août, jusqu’au Bec d’Ambès, et qu’il y en avait quelquefois de très gros, faisant plusieurs mètres. À ce moment survint un vieux pêcheur, la pipe à la bouche. Il tira à terre l’un de ces poissons, l’éventra vers la queue d’un seul coup de son couteau effilé, le vida à peu près complètement et rejeta à l’eau les boyaux, leur contenu, et une grosse masse noirâtre, les œufs qui sont d’une belle couleur de jais, comme on sait. Ce que voyant, la dame poussa une exclamation indignée et dit au vieux pêcheur : "Malheureux, vous rejetez les œufs de ce poisson, ce qui est le meilleur et le plus cher, c’est un crime. Monsieur, chez nous en Russie, on les recueille précieusement et on les conserve pour les vendre très cher sous le nom de caviar, ce qui est une merveille". Elle ajouta qu’elle était une princesse russe (une Romanoff) ayant fui la révolution pour se réfugier en France. Mais le pêcheur saintongeais avait été intrigué par cette réflexion de la belle dame, et, comme tous nos malins compatriotes, il lui demanda quelques renseignements complémentaires… La dame lui donna une recette fort simple pour conserver le caviar : il faut pêcher les poissons avant le frai, d’avril à juillet… On les ouvre, on les vide et on met les œufs dans une sorte de crible. Puis ils sont portés dans une terrine et brassés pendant quarante minutes, avec quarante grammes de sel au kilo. On crible à nouveau, on lave, on égoutte et on met en boîte ». — Extrait de Val, René. La véritable histoire du caviar de la Gironde, propos et documents recueillis et transcrits par Bernard Mounier, éditions Bonne Anse, 2005, p. 11-12 (2).

C’est ce produit que va distribuer la fameuse maison Prunier, grand restaurateur parisien depuis les années 1870. Afin de satisfaire sa riche clientèle russe, Émile Prunier prend les choses en main : il recrute une trentaine de pêcheurs, il organise la collecte des esturgeons auprès des pêcheurs de la rive droite de l’estuaire, de Meschers à Blaye. Il développe parallèlement la fabrication avec plusieurs préparateurs locaux qui interviennent dès que les pêcheurs reviennent au port ; en tout, il fait aménager pas moins de neuf unités de fabrication le long de l’estuaire : à Saint-Seurin-d’Uzet, Callonges, Plagne, Cavernes, Cambes, Rions et Blaye. Il assure également la promotion du produit, ouvre un restaurant parisien qui devient immédiatement le haut-lieu de la dégustation du caviar en France, une référence gastronomique incontournable. C’est ainsi que la Maison Prunier aura contrôlé la majeure partie de la production de caviar de l’estuaire.

La production du caviar fait rapidement la fortune des ports de l’estuaire. Saint-Seurin-d’Uzet s’auto-proclame capitale française du caviar, un endroit à la mode qui voit défiler toutes les célébrités de l’entre deux guerres. À partir de 1933, le propriétaire de la pension de famille du bourg, M. Belet, secondé par René Milh, invente la dégustation sur site : cette formule remporte un franc succès. Il est imité peu après par l’auberge du Commerce (7 rue du Château), ainsi que par une kyrielle de confrères sur la côte et par les pêcheurs eux-mêmes. Cette attraction draine une riche clientèle en villégiature sur la Côte de Beauté et la Côte d’Argent, parmi lesquelles Maurice Chevalier, Mistinguett, Jean Gabin, Danièle Darrieux ou encore Léon Blum…(2)

Préparation du caviar dans les ateliers de la Gironde

La confection du caviar s’opère dès le retour au port. Plusieurs étapes se succèdent. Le poisson est prestement saigné par le pêcheur qui pratique une petite incision près de la nageoire caudale. Après avoir laissé le sang couler quelques minutes, le poisson est vidé, livrant de son flanc largement éventré la masse ovaire, cette laitance (la rabbe en patois) contenant des millions de précieux œufs de couleur grise ou noire, attachés par petits et minces filaments à une tige de graisse. Une fois les œufs prélevés, ils sont répartis par lots en fonction de leur couleur et de leur grosseur : plus un caviar est clair, plus il sera onctueux, et plus il sera cher. Et plus il est gros, plus il est cher aussi.

La rabbe – dont l’aspect extérieur rappelle une grappe de raisin qui serait recouverte par une membrane muqueuse – est lavée à plusieurs eaux, découpée et grainée, en frottant doucement les morceaux sur un tamis spécial fait en ficelle, dont les mailles ont de 0,7 à 0,8 cm de côté, pour détacher les œufs de la membrane. Une légère pression suffit pour faire tomber les œufs, à travers les mailles, dans une terrine ou une bassine en fer galvanisé. Ce travail est très délicat et demande beaucoup d’habileté et d’expérience de la part du préparateur, car les œufs s’écrasent très facilement. Les œufs détachés des filaments sont lavés à l’eau froide pour enlever toutes les traces de sang et les petits bouts de filaments. Ils sont ensuite égouttés plus ou moins longtemps sur des tamis en crin.

Enfin, les œufs sont salés avec quelques dizaines de grammes de sel, en fonction du niveau de maturité. Le sel sert de conservateur et d’exhausteur de goût. La qualité du sel est primordiale : il doit être fin et pur ; il ne doit pas contenir trop de sulfates de magnésium, calcium ou sodium, ce qui donnerait au caviar un goût amer. Le sel de mine est à proscrire, car il brûle la membrane des œufs et les rend mous. Pendant cette opération de salaison, les œufs qui se trouvent dans la terrine doivent être bien remués avec une pelle, une spatule en bois dur ou, le plus souvent, à la main. Quelques minutes suffisent pour que les œufs commencent à durcir. Le préparateur doit achever la salaison en temps voulu : si la salaison est stoppée prématurément, les œufs ramolissent rapidement, et le caviar perd son aspect brillant, se tourne en huile et la qualité du caviar s’altère ; si, au contraire, la salaison s’éternise, le caviar devient trop salé, la membrane dure et le goût désagréable. Un salage délicat développe d’agréables saveurs, longues en bouche.

Des flacons de verre, d’une contenance de 30 à 100 gr ou des boîtes métalliques d’1 kg, 500 g, 250 g et 125 g permettent la conservation du caviar en chambre froide avant leur expédition, le soir même ou le lendemain de la capture du poisson. Les boîtes en fer blanc (dont l’intérieur est couvert d’un vernis spécial pour éviter que le caviar ne prenne le goût de fer) doivent être bien remplies, de façon à ce qu’il n’y est pas d’air entre la surface du caviar et le couvercle, faute de quoi les œufs se couvrent de moisissure au bout de quelques jours, et toute la boîte est perdue.

C’est ainsi que la rabbe, métamorphose accomplie devient « khaviar »… tandis que le poisson découpé était chargé sur la brouette, posé en travers sur une planche, la charrette à bras ou même le vélo, pour être proposé de porte en porte, le plus souvent par des femmes, dans les localités voisines (3).

Âge d’or et déclin du caviar de Gironde

Dès lors, entre la mi-février et le mois de juillet, l’esturgeon concentre l’essentiel de l’effort de pêche, tellement cette activité se révèle lucrative. Dans les années 1930, le caviar rapporte aux pêcheurs 2 francs le kilo, ce qui peut sembler peu, mais l’abondance des prises est telle que les gains sont considérables, d’autant plus que le poids des œufs représente 10 à 12% du poids du poisson. Selon Alexandre Scott (auteur en 1936 d’une étude sur les esturgeons et le caviar français), « il arrive quelquefois qu’un pêcheur attrape pendant une marée trois ou quatre femelles oeuvées. C’est une belle capture qui lui rapporte la somme coquette de 6 à 8 000 francs ». En 1955, le caviar est acheté aux pêcheurs 3500 francs le kilo ; il est alors vendu, au détail, 11 ou 12 000 francs.

Parce que situés à proximité de l’axe de migration des esturgeons, les ports de la rive droite de la Gironde concentrent la quasi-totalité des prises ; en fait, les seuls ports de Bourg, Blaye, Callonges, Vitrezay, Maubert, Mortagne, Saint-Seurin-d’Uzet et Meschers assurent 95 % des prises. L’esturgeon abonde et les pêcheurs font comme si cette ressource halieutique était inépuisable… Dans les années 1950, une quinzaine de pêcheurs de Saint-Seurin-d’Uzet se spécialisent dans cette pêche, sans compter ceux des autres ports, Meschers, Mortagne, Vitrezay, Maubert, les Callonges. La traque de l’esturgeon devient quasi obsessionnelle, au point de devenir une dangereuse mono-activité.

Malheureusement, ces pêcheurs professionnels n’ont pas la sagesse de respecter les quotas. Bientôt, l’esturgeon se fait de plus en plus rare, malgré le décret de 1923 qui limite la taille des poissons et la maille des filets. Dans les années 1930, près de 5 000 esturgeons sont capturés chaque année, ce qui représente 150 tonnes. En mai 1951, Laurent Magot, président du Syndicat des pêcheurs de l’estuaire, pêche en cinq mouvées (levées de filets), avec sa filadière, 14 esturgeons. Entre 1957 et 1963, on ne pêche plus que 200 esturgeons par an, 20 en 1975, trois en 1979… Bien évidemment, la production de caviar s’effondre dans les mêmes proportions : de 3 tonnes annuelles entre 1950 et 1955 (soit le tiers de la consommation nationale), on passe à 250 kg en 1963, pour quelques kilos seulement après 1970. Au final, l’âge d’or du caviar aura été bien éphémère, au total moins de quatre décennies, des années 1930 au milieu des années 1960. En 1982, on interdit totalement cette pêche. Conjointement, on met sur pied un vaste programme de sauvetage de l’espèce, dont les résultats ne sont toujours pas concluants.

Si la sur-pêche est bien la principale cause de la disparition de l’esturgeon d’Europe, on doit également signaler d’autres causes non négligeables:

  • Le saccage des lieux de ponte. L’extraction inconsidérée de graviers à entraînée la destruction des frayères d’amont en Dordogne et Garonne. Les fonds vaseux qui remplacèrent ces gravières ne convenaient plus du tout aux esturgeons qui désertèrent ces lieux. Dans ces conditions, la reproduction de l’esturgeon devient impossible.
  • La surpêche des immatures qui n’ont pas encore eu l’occasion de se reproduire. Ces poissons se revendaient à un prix d’or.
  • La prise d’immatures dans les mailles des filets des chalutiers.
  • La multiplication des barrages gêne également la remontée des poissons vers les zones de ponte.

La quasi-extinction de l’esturgeon prive la région d’une ressource de pêche essentielle. Le sauvetage de l’espèce repose désormais sur la vigilance des autorités et l’expertise des scientifiques.

Le caviar français aujourd’hui

Depuis 2008, la pêche des esturgeons sauvages est totalement interdite ; de ce fait, la quasi-totalité du caviar provient aujourd’hui de l’élevage. Les pays de l’Union européenne n’ont plus le droit, depuis 2010, de commercialiser le caviar sauvage de la mer Caspienne, russe ou iranien. 

Aujourd’hui, la France est le deuxième producteur mondial de caviar d’élevage, après la Chine, avec 19 tonnes de caviar, extraites des 300 tonnes d’esturgeons produits par l’aquaculture : les fermes piscicoles de Gironde, de Charente-Maritime, de Dordogne ou des Pyrénées en produisent plus de 20 tonnes par an, principalement issu de la souche Acipenser Baeri. La Nouvelle-Aquitaine est donc l’une des premières régions productrices de caviar au monde.

Le caviar du Périgord

En Dordogne, il existe trois unités de production : deux en vallée de l’Isle et une sur les bords de la Vézère. La plus ancienne est la manufacture Prunier, créée par Laurent et Valérie Sabeau à Montpon. Aux Eyzies, Frédéric Vidal développe une production de caviar autour de la marque Perle noire du Périgord depuis 2009. Le troisième site est situé le domaine Huso à Neuvic…

À Montpon-Ménestérol en Dordogne, Prunier Manufacture, deuxième producteur français de caviar, a produit 9 tonnes de caviar en 2016 et pense pouvoir atteindre prochainement 12 tonnes à l’année. La marque Prunier a été relancée par l’homme d’affaires et compagnon d’Yves Saint-Laurent, Pierre Bergé. Ce grand amateur de caviar russe a fait renaître la marque prestigieuse qui s’est mariée avec le suisse Caviar House, pour devenir Caviar House & Prunier. Résultat, les œufs d’esturgeons de Montpon se dégustent en Allemagne, au Danemark, en Espagne, Italie, à Hong Kong, Sydney ou encore New York et dans les « sea food bar » des aéroports. Plus gros producteur en France sur un seul site, le caviar Prunier s’achète à partir de 1 200 € le kilo pour monter jusqu’à 4 500 € le kilo. Des prix qui donnent le vertige et qui rendent, de suite, la tranche de foie gras sur son toast beaucoup plus abordable et festive sur nos tables de Noël.

À Neuvic, au bord de l’Isle, Le Domaine Huso produit et commercialise la marque Caviar de Neuvic. Elle produit également du caviar pour d’autres marques selon un cahier des charges précis. Le Domaine Huso est avant tout le garant d’une démarche de qualité innovante et exigeante. Le Domaine Huso a été salué en 2013 par l’Association France Initiative présidée par Mr Schweitzer parmi dix « entreprises remarquables » françaises. Ce titre récompense une démarche d’innovation, la valorisation d’un territoire régional et l’inscription du capital humain comme critère de réussite global de l’entreprise.

Une autre pisciculture, Aquadem, au lieu-dit « Cro Noir », commune des Eyzies de Tayac-Sireuil, toujours en Dordogne, espère produire 3 tonnes de Caviar par an en 2015, sous sa marque « Perle Noire du Périgord ». Il s’agit là d’une production de caviar haut de gamme.


Visitez le site officiel de la Maison Prunier
Visitez le site officiel du Caviar de Neuvic en Périgord
Visitez le site officiel du Caviar Perle Noire en Périgord

Le caviar, à quel prix ?

Le caviar est invariablement associé à l’image d’un luxe souvent inaccessible. Et c’est vrai que c’est un mets cher. Le record absolu est attribué au caviar Almas (un caviar albinos, presque translucide, de l’espèce béluga, autrefois réservé au Shah d’Iran), extrêmement rare et vendu autour de 24 000 à 37 000 € le kilo. Mais, il existe aussi des espèces plus abordables, où les 10 grammes ne coûtent « que » 30 €. En fait, le prix du caviar varie en fonction des conditions d’élevage et bien sûr essentiellement des espèces d’esturgeons d’où sont issu le Caviar. Le Caviar d’Aquitaine se négocie autour de 1 800 € le kg, il existe des conditionnements pour toutes les bourses : 20 g, 30 g, 50 g, 100 g, 200 g, 500 g ou 900 g. Heureusement, le caviar ne se mange pas à la louche !

Mais pourquoi le caviar est-il si onéreux ? Il faut attendre trois ans en moyenne pour savoir si l’esturgeon est un mâle ou une femelle, et il faut de 7 à 20 ans, selon les espèces, pour que les femelles pondent : 7 ans en moyenne pour le Baeri, 12 ans pour l’Osciètre, 20 ans pour le Beluga. Plus long que de produire un vin millésimé. Et femelle ne peut pondre qu’une seule et unique fois ! C’est pour cela que le caviar ça coûte aussi cher.

Le caviar et la règlementation française et européenne

En France, selon l’arrêté du 24 novembre 1962, l’utilisation du terme caviar est réservée aux seuls œufs d’esturgeon. Le terme de « succédané de caviar » doit être donné aux œufs de poissons autres que l’esturgeon. Les œufs d’escargots ou d’oursins sont ainsi exclus de cette définition. La communication 91/C 270/02 de la Commission européenne du 15 octobre 1991 confirme cette position. Seuls deux États membres autorisent l’usage du terme « caviar » pour la désignation générique des œufs de poissons (2).


Gastronomie

Déguster le caviar, c’est tout un art. Il mérite une dégustation dans les règles afin de vous faire profiter de toutes ses saveurs subtiles : beurre, noisette, noix fraîche ou huître. Le temps et l’expérience vous apprendront à apprécier un bon caviar ; en attendant voici quelques conseils…

Comment choisir le caviar ?

  • Le nez : un bon caviar ne sent rien. Si une odeur forte se dégage (poisson ou autre), c’est que le caviar est périmé ou a été mal conservé et est impropre à la dégustation.
  • La vue : un bon caviar doit avant tout être luisant. Sa robe oscille entre le gris anthracite et le gris clair en passant par le marron-or. Quant aux œufs, ils ne doivent pas être trop durs et ne pas coller les uns aux autres. Le calibre des grains doit se situer entre 2.5 et 3 mm.
  • La texture : elle doit être ferme, fondant ou les deux à la fois. Généralement, une texture ferme veut dire que le caviar est jeune, c’est-à-dire peu affiné. Cependant certains peuvent pasteuriser le caviar pour allonger sa durée de vie, méthode qui raffermit la texture de l’œuf, mais le fait perdre en goût.
  • Le goût : le caviar présente une large palette de saveurs qui varient en fonction de la qualité du caviar, de l’espèce, mais aussi des méthodes d’élaboration et de conservation… Attention aux goûts parasites, comme le goût de terre ou de vase. Au fil de la dégustation, le goût du caviar peut évoluer et les arômes s’affirmer. Plus ou moins iodé, beurré, arômes d’huîtres, de noisettes, d’amandes…

Comment transporter le caviar après l’achat ?

Parce que le caviar est très sensible aux variations de température, le transport jusqu’à votre réfrigérateur doit se faire dans un sac isotherme avec un gel réfrigéré ou tout autre moyen permettant le maintient du caviar au froid.

Comment conserver le caviar ?

Le Caviar se garde frais (mais pas glacé), dans la partie la plus froide de votre réfrigérateur, aux alentours de -2°C à +2°C, jusqu’au moment de la dégustation. Il se conserve jusqu’à sa date limite d’utilisation optimale (DLUO).

À quelle température servir le caviar ?

Il faut le sortir environ une demi-heure avant consommation, afin d’atteindre environ 8°C à 10°C, la température idéale pour que ses arômes s’épanouissent. Une température plus basse amoindrirait son arôme. Pour exprimer toute sa saveur, la boîte doit être ouverte 15 minutes avant la dégustation, et déposée ouverte, sur un lit de glace pilée. Et une fois la boite ouverte, il faut tout manger !

Quelle quantité pour une dégustation « découverte » ?

Pour une première dégustation, 10 g de caviar par personne peuvent suffire. Toutefois, la quantité minimum conseillée tourne plutôt autour de 15 g par personne, alors que l’idéal serait plutôt 30 à 50 g !

  • 30 grammes : 3 à 4 personnes
  • 50 grammes : 5 à 6 personnes
  • 100 grammes : 10 personnes

Comment déguster le caviar ?

Laissez le caviar dans sa boite pour éviter de trop le manipuler et de percer les grains. On peut aussi le servir dans un service en nacre ou or – à défaut en plastique –, car ces matériaux ne dénatureront pas le goût du caviar. Il existe principalement deux façons de déguster le caviar :

  • Dégustation à la royale — Pour le déguster « sur la main », comme les professionnels, on serre le poing et on dépose l’équivalent d’une cuillère de caviar sur la partie plane, en dessous du pouce. Cette méthode permet d’apprécier le caviar sans goût parasite, mais aussi de réchauffer un peu les œufs au contact de la peau afin de libérer plus facilement tous ses arômes.
  • Dégustation à la cuillère, nature — Il faut tout d’abord choisir le bon ustensile : des petites cuillères en nacre, bois, corne, porcelaine, nylon, plastique, or, argent ou inox, mais évitez le métal qui oxyde le caviar.

Quelques soit le type de dégustation, on fait ensuite rouler les grains sur le palais jusqu’à ce qu’ils éclatent. Appréciez la complexité des arômes qui se développent longtemps. Les premières sensations gustatives apparaissent au bout de la deuxième cuillerée. En effet, la première cuillerée « ouvre » vos papilles, et le plaisir est à son apogée dès la deuxième cuillerée.

Quoi manger avec le caviar ?

  • Le caviar s’apprécie tel quel, nature, sans citron, sans condiment ni sucre, juste posé sur un lit de glace.
  • En guise de mise en bouche ou d’apéritif, le caviar peut également être déposé sur des toasts beurrés, des blinis recouvert de crème fraîche avec un peu de poivre, de petites pommes de terre vapeur, coupées en deux, ou encore avec un œuf mollet. On peut le disposer sur un tartare de langoustines ou une gelée d’huîtres.
  • Voici quelques associations surprenantes et délicieuses : quelques grains de caviar sur un bout de fromage (du Comté par exemple), sur une huître, avec quelques bâtonnets de pommes Granny Smith, ou encore un tartare de noix de saint-jacques, avec du basilic. La touche de caviar sublime tout.
  • Les œufs d’esturgeon sont souvent utilisés dans des recettes froides. Néanmoins, on les retrouve aussi sur des plats chauds où ils sont ajoutés juste avant de servir comme par exemple sur un tartare de langoustines, une gelée d’huîtres ou un pavé de bar. Toutefois, le caviar ne se cuisine pas.

Quoi boire avec le caviar ?

Traditionnellement, on boit un shot de vodka bien fraîche avec le caviar. Mais cette boisson est tellement alcoolisée que ce n’est pas l’idéal… Toutefois, si vous tenez à cette tradition, optez pour une vodka neutre et bien fraîche, voire même une eau-de-vie blanche d’Armagnac. Mais si vous voulez vraiment sentir tous les arômes et saveurs du caviar, choisissez un Champagne brut, blanc de blanc, millésimé, ou un vin blanc sec de prestige, cépage sauvignon. Attention l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

Le caviar est-il bon pour la santé ?

Les bienfaits du caviar sur la santé sont indéniables, mais, à moins d’en consommer beaucoup, il y a peu de chance pour que cela influe réellement sur votre santé. Retenons tout de même que ce met est très nourrissant (avec 264 calories pour 100 g et 18 g de lipides), énergisant et aphrodisiaque.

En bref, le caviar est très riche en acides aminés (histidine, isoleucine, lysine, méthionine), en protéines (26 g pour 100 g), en oméga 3 (un anti-inflammatoire indispensable pour la fluidité des membranes cellulaires et pour l’équilibre des lipides dans le sang) et en bonnes graisses poly-insaturées et en vitamine D (indispensable pour la fixation du calcium, elle augmente également l’activité immunitaire) et B12 (améliore les performances mentales et sportives, un anti-dépressif naturel). Il est également riche en phosphore, un constituant essentiel de toutes les cellules.

Cet aliment d’exception est tout de même déconseillé dans certains cas : pour les sujets qui souffrent d’hypertension, car il est extrêmement salé, quand on a du cholestérol (440 mg/100 g) et quand on a de la goutte (parce qu’il contient des purines).

Les arnarques aux faux caviars

Parfois, l’appellation caviar est utilisé à tort. Voici quelques pièges dans lesquels il ne faut pas tomber. Le caviar rouge désigne des œufs de saumon. Le caviar blanc peut désigner soit les œufs d’escargot soit les œufs de mulet (aussi appelés boutargue ou poutargue de Méditerranée). Les œufs de lumps (ou lompe) peuvent aussi être confondus avec le caviar, mais les lumps n’ont rien à voir avec les esturgeons : ils proviennent d’un petit poisson péché dans l’Atlantique Nord et en mer Baltique qui produit beaucoup d’œufs.

Tous ces œufs, provenant d’autres poissons, ne sont pas forcément mauvais, loin de là, mais lorsque ce n’est pas du caviar vous devez le savoir !


Notes :

  •  (1)Les meilleurs produits du terroir, Le Petit Futé, Les Nouvelles Éditions de l’Université, Paris, 2013.
  •  (2) La pêche à l’esturgeon et le caviar de l’estuaire de la Gironde, Inventaire du patrimoine de la région Poitou-Charentes, 2012.
  •  (3) Les quatre saisons gourmandes d’Aquitaine, Éric Audinet, Éditions Confluences, juin 2008.
  •  (3) Caviar, Wikipedia.

Crédit Photos :

  • Caviar a bit posh breakfast, By Sami Keinänen (Own work), via Wikimedia Commons.

LES POISSONS DE DORDOGNE ET LA CUISINE DU PÉRIGORD

Consultez le sommaire de la rubrique…

REMARQUE : Si un extrait du présent article posait problème à son auteur, nous lui demandons de nous contacter et cet article sera modifé dans les plus brefs délais.